93% des communes françaises ont placé Jordan Bardella et le Rassemblement national en tête le week-end dernier lors des élections européennes. Martigues et Port-de-Bou dans les Bouches-du-Rhône, villes historiquement marquées à gauche, n'ont pas échappé à la percée de l'extrême droite. Qu'en pensent les habitants de ces communes ? France 3 Provence-Alpes est allée à leur rencontre.
"Ça me fait mal au cœur. J'ai peur pour l'avenir de mes enfants et de mes petits-enfants." Marguerite vit à Martigues depuis sept ans. Elle est sidérée face à l'écrasante percée du Rassemblement National suite aux résultats des élections européennes. Assise au bord du quai, l'octogénaire a du mal à contenir sa rage. "Je ne supporte pas leur racisme. Leurs idées. Je ne comprends pas pourquoi les Martégaux votent pour un tel parti", s'indigne-t-elle, sourcils froncés.
Plus 10 points en 5 ans pour le RN dans cette commune
Martigues, commune de 50 000 habitants, est connue pour sa politique marquée à gauche. Son maire communiste, Gaby Charroux, la dirige depuis 2009.
Avec un taux de participation s'élevant à 50,81%, le parti de Jordan Bardella arrive en première position, recueillant 41,69% des suffrages, contre 30,99% en 2019. En cinq ans, le RN a donc gagné plus de 10 points au scrutin des élections européennes.
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La commune de la Côte bleue n'avait jamais affiché un tel score pour un parti d'extrême droite. Francis, surpris de cette montée colossale, se dit "navré de voir que tout le monde va dans le même sens". Quelques mètres plus loin, Franck, flânant dans les ruelles de la petite Venise provençale avec son fils, est inquiet. Il y a quatre ans, ce père de famille a quitté Marignane pour s'installer à Martigues. "Je n'aime pas idéologies du RN. Je suis pour le partage, pas pour sectoriser les gens. Je n'ai pas envie de ça pour mes enfants", se désole-t-il.
Chloé, jeune habitante de Port-de-Bouc, commune limitrophe de Martigues, partage cette amertume. "Comment les gens finissent par voter pour le Rassemblement national ? Cela fait des années que Martigues et Port-de-Bouc sont des villes de gauche. C'est une tournure extrême que les gens prennent", s'alarme-t-elle, les yeux écarquillés.
Un vote par désespoir , "c'est la faute au gouvernement"
"J'ai eu ce déclic car je me suis senti manipulé". À 60 ans, Tony a l'impression d'avoir été abandonné par le gouvernement. Ce chef de chantier en préretraite a été victime d'un infarctus il y a quelques années, l'empêchant de travailler. "Qu'est-ce que les autres gouvernements ont fait pour nous ? On se sent délaissé", confie le soixantenaire. Aujourd'hui, Tony se dit "prêt à donner une chance au RN".
Gisèle vote également pour le parti de Jordan Bardella par désespoir. "Macron a fait beaucoup de mal aux gens. C'est malheureusement la faute du gouvernement si l'extrême droite monte", estime-elle. "Moi, jamais, je ne voterai pour le RN", lance Séverine, passante croisée sur la place Mirabeau. "Certes, il y a du laisser aller, mais on ne peut pas fermer les yeux sur les problèmes que présente leur programme", développe-t-elle.
À Port-de-Bouc, même constat. Le Rassemblement national arrive en tête des suffrages avec un taux de 39,68%, contre 29,96% en 2019.
Florence, aide-soignante de 55 ans, ne se sent pas écoutée. Elle aussi, assume de voter pour le RN "complètement par désespoir". La Port-de-Boucaine ne comprend pas pourquoi ce parti serait plus mauvais qu'un autre. Son avis sur l'opposition du RN à la condamnation de l'interdiction de l'IVG en Pologne et sur la création de formations contre le harcèlement sexuel au sein des institutions de l’Union européenne ? "Je n'étais pas au courant", répond l'aide-soignante.
Quentin, jeune Port-de-Boucain de 25 ans, n'a pas voté aux élections européennes. "Je ne me reconnais dans aucun des candidats présentés. Cela fait des années qu'on vote et que rien ne change", regrette-t-il. "Il faut que les gens qui votent RN se renseignent mieux sur les vraies intentions de ce parti, sur les vrais chiffres. L'immigration illégale ne représente que 10% de toute l'immigration en Europe", poursuit Quentin.
Sur un peu moins de 13 000 personnes inscrites, l'abstentionnisme s'élève à 52,73% à Port-de-Bouc, soit un peu plus d'une personne sur deux.