Depuis des années, le loup avance à pas feutrés sur le territoire provençal, jusqu'à élire domicile dans le massif des Calanques aux abords de l'agglomération marseillaise.
Le loup se rapproche, ses apparitions sont de plus en plus fréquentes, et désormais sa trace surgit là où personne ne l'attendait : dans des zones péri-urbaines. Dans les Alpes de Haute-Provence, le 13 février, sur la commune de Reillane 30 brebis ont été retrouvées égorgées. Le même jour, dans un autre village du département, Castellet-les-Sausses, un conseiller municipal, parti en forêt pour entretenir un canal d’arrosage, croise la route de cinq loups et se sent menacé par l'un d'eux. L'inquiétude monte rapidement, mais l'enquête puis le rapport de l'OFB viennent tempérer les angoisses.
Pourtant, les loups ne se cantonnent plus au monde rural. Ils font aussi parler d'eux aux portes de Marseille, dans le parc national des Calanques, où leur présence a été détectée il y a tout juste deux ans. Comment le loup est-il arrivé jusque-là ? France 3 Provence-Alpes se plonge dans la gueule de l'animal.
- D'où viennent les loups présents en Paca ?
Ces loups sont issus de la lignée italo-alpine. En Italie, le loup devient une espèce protégée dans les années 1970, ce qui lui a permis de coloniser des zones frontalières, dont la région Paca. Selon Nicolas Jean, en charge des grands prédateurs à l'Office Français de la Biodiversité (OFB), "il n'existe pas de méthode de comptage par région, mais on peut dire qu'ils sont actuellement un millier en France, recensés sur une cinquantaine de départements et la présence du loup s'étend progressivement sur le territoire national."
De son coté, Nicolas Rossignol, garde-moniteur dans le parc national des Calanques a obtenu la toute première photo, preuve irréfutable de la présence du loup en Provence, le 14 février 2021. Depuis, grâce aux sept pièges photos qui ont été mis en place dans le massif des Calanques,"on dénombre à ce jour un couple alpha, cinq louveteaux et un male adulte, "affirme Nicolas Rossignol, "sachant qu'un louveteau est mort fauché par une voiture début janvier."
- Qu'est-ce qui a attiré le loup en France ?
Il fait son apparition en France il y 30 ans, dès lors que la réglementation en a fait une espèce protégée. En parallèle, les parcs naturels et les réserves se sont développés, autant d'espaces de quiétude où le gibier est abondant : cerfs, chamois, chevreuils, sangliers et mouflons représentent un potentiel alimentaire idéal pour les canidés. "Un cadre règlementaire, le gite et le couvert", sourit Nicolas Jean, qui précise que cette espèce, "très adaptable et très dynamique en terme de reproduction, s'est multipliée rapidement sur le territoire".
- Comment se déplace-t-il ?
Le loup est une espèce sociale avec une hiérarchie. La meute est un groupe d'individus qui vivent ensemble, cohabitent et s'entraident, mais un seul couple dominant se reproduit. Ce "couple alpha" guide la meute, les autres loups sont soumis. Quand vient la période du rut, à la sortie de l'hiver, les jeunes adultes qui veulent se reproduire devront partir à la conquête de nouveaux territoires.
"Nous n'avons pas de colliers émetteurs donc à ce stade, on fonctionne par hypothèse", explique Nicolas Jean. "Cette dispersion des jeunes mâles peut se faire à très courte distance comme à des centaines de kilomètres. On ne sait pas dans quelles directions, s'ils vont faire le trajet d'une traite ou s'arrêter... il n'y a pas de déterminisme, juste des endroits plus faciles à franchir que d'autres pour lui."
Nicolas Rossignol explique que le jeune loup des calanques partira certainement vers la Sainte-Baume, la seule issue pour lui : "Il est coincé entre la mer, barrière naturelle, la grande agglomération de Marseille et au nord, la plaine de l'Huveaune, difficile à franchir car très urbanisée et traversée par une autoroute. Mais ne connaissant pas bien le territoire, il peut se retrouver en ville."
On pourrait voir le loup en milieu urbain, il est probable qu'il soit observé en pleine rue. Ce qui ne veut pas dire que ça posera problème.
Nicolas Rossignol, garde-moniteur du Parc National des Calanquesà France 3 Paca
- Pourquoi s'approche-t-il des installations créées par l'homme ?
L'animal, ancêtre du chien, est doté d'une capacité d'adaptation hors norme, explique Nicolas Jean, "c'est l'espèce mammifère la plus répandue au monde, y compris dans des milieux extrêmes. Le loup développe des stratégies pour survivre, mais il a besoin de beaucoup boire pour fixer les protéines qu'il ingère, donc la sècheresse le conduit à se rapprocher des points d'eau."
Ce que confirme Nicolas Rossignol, qui a pu observer que les loups des calanques "viennent l'été se désaltérer sur des surverses de citernes de pompiers, des points d'eau gérés par les chasseurs ou des abreuvoirs..."
La présence de loup en milieu urbain est possible mais elle sera forcément accidentelle, ce n'est pas son milieu de prédilection.
Nicolas Jean, spécialiste des grands prédateursà France 3 Paca
- Doit-on s'habituer avec vivre avec la présence du loup dans nos massifs ?
"Le loup fait désormais partie de notre vie, du bestiaire de la faune sauvage et de l'évolution de la nature depuis seulement une génération, mais on peut confirmer qu'il est installé durablement", selon Nicolas Jean.
Même réponse du coté du parc national des calanques, "parce qu'ils ont trouvé dans ce massif une abondance de proies et de la quiétude, seule la sécheresse peut les amener à en partir", explique Nicolas Rossignol.
- Est-il dangereux pour l'homme ?
Le loup est un chien très puissant, avec 150 kg de pression par cm2 de mâchoire, et très agile.
Depuis 30 ans qu'il est revenu en France, on n'a jamais vu un loup mordre ou tenter de mordre quelqu'un. Compte-tenu de sa puissance et de son agilité, une attaque laisserait des traces qui ne pourraient pas passer inaperçues.
Nicolas Jean, spécialiste du loup.à France 3 Paca
La peur du loup est liée à une méconnaissance de l'espèce, qui colporte une charge symbolique. Il est vrai que dans d'autres siècles, les loups pouvaient être dangereux car affamés et enragés. "Ni ange, ni démon, le loup n'est pas plus dangereux pour l'homme que tout autre animal sauvage, il faut juste faire attention", affirme Nicolas Jean.
"Chaque année, nous avons des randonneurs qui se font charger par un cerf, donner des coups de sabots par un chevreuil, des chasseurs sont blessés très grièvement par des sangliers, les hyménoptères font 30 morts par an, mais on n'en parle jamais."
- Comment réagir si on tombe sur un loup ?
Nicolas Jean est formel : "Il faut être prudent comme devant n'importe quel animal sauvage, prudent et vigilant". Règles essentielles à connaître, selon le spécialiste : ne pas l'approcher, le nourrir ou tenter de le caresser, et surtout, ne pas le coincer. "L'animal ne doit jamais se sentir acculé, il lui faut toujours une échappatoire, car il ne sait pas si vous avez de bonnes ou de mauvaises intentions, et il tentera de sauver sa peau avant tout. Attention, le loup a comportement spécial comme tous les grands prédateurs, face à un humain, sa première réaction être de s'éloigner tranquillement, puis de s'arrêter et d'observer. C'est un animal curieux."
- Je n'ai pas tout lu, vous pouvez me faire un résumé ?
La présence du loup dans la région est avérée et il profite des parcs naturels et de son statut d'animal protégé pour s'installer. Bien qu'il soit une espèce sauvage, il ne représente pas de menace directe pour l'homme et il est possible, selon les spécialistes interrogés, qu'il fasse des apparitions sporadiques en milieu urbain dans les prochaines années.