Les corridas interdites aux moins de 16 ans : "ils seraient tristes et nous aussi", dans cette école taurine, la tauromachie se transmet pour durer

La tauromachie fait partie des sujets qui divisent. Les arguments de chaque partie ne tolèrent aucune forme de nuances. La maltraitance des animaux fait face au respect de la tradition. La proposition de loi interdisant la corrida aux moins de 16 ans voulait dépasser ces clivages ? En effet, on ne parle pas ici de la souffrance des taureaux mais de celle que pourraient ressentir les jeunes spectateurs.

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Examinée ce jeudi au Sénat, la proposition de loi visant à interdire aux mineurs de moins de 16 ans d’assister aux corridas et aux combats de coqs a argement été rejetée par 237 voix contre 64. Le texte avait été déposé par Samantha Cazebonne, sénatrice du groupe RDPI (Renaissance) des Français établis hors de France et cosigné par des élus de droite comme de gauche. Il s’agit selon elle de "protéger les enfants en évitant de les exposer à la violence". En 2022, l'Assemblée nationale avait failli débattre sur l'interdiction totale des corridas en France. Mais le texte déposé par un député LFI avait été retiré en dernière minute. 

"Mes enfants ne sont pas traumatisés"

Pour les parents que nous avons rencontrés à l’école taurine d’Arles, cet argument de la violence pour les enfants n’a pas de sens. La corrida fait en effet partie des valeurs familiales inculquées aux enfants. C’est ce que nous explique Aurélie qui vient de déposer son fils au cours de tauromachie : "On habite dans une ganaderia. On voit des taureaux tous les jours. Mon fils avait un mois la première fois qu’il est venu avec nous dans les arènes et il adore. Mes enfants ne sont pas traumatisés. Ils voient la corrida depuis qu’ils sont petits, ils ne font pas de cauchemars, ils aiment ça ; au contraire pour eux c’est un spectacle, cela fait partie de la tradition de notre famille, de notre culture. On ne peut pas dire aux enfants qu’ils ne peuvent plus nous accompagner. Ils seraient très tristes et nous aussi".

La référence aux traditions familiales et locales est aussi très importante pour Graziella Bortolin, professeure à l’Ecole taurine d’Arles. "Ceux qui sont rentrés dans les écoles taurines, on les recroise plus tard, ils sont soit aficionados, soit ils ont créé un élevage de taureaux, soit ils sont agriculteurs soit gardiens dans le domaine camarguais. Il y a beaucoup de diversité autour du taureau. Ça fait partie des racines de la Camargue".

La professeure craint surtout que l’interdiction des arènes aux mineurs ne fasse mourir la corrida à petit feu… "Moi, je suis née en Camargue et je suis née dans les taureaux. Mon papa était raseteur et j’ai toujours été dans les gradins. La tauromachie s’apprend dès la naissance. Si on n’amène plus de gamins dans les arènes, j’ai peur pour notre avenir."

La corrida : des vertus pédagogiques ?

Loin de l’idée de maltraiter les enfants, Graziella Bortolin souligne que la corrida permet au contraire d'enseigner un certain nombre de valeurs aux jeunes. "Notre devise ici, c'est le respect, l’humilité, l’amour et la discipline. On a fait beaucoup de bien à certains gamins de quartiers à qui on a pu éviter de faire des bêtises, on les a restructurés et mis sur un chemin où ils peuvent devenir quelqu’un."

Les vertus éducatrices de la tauromachie sont aussi mises en avant par le directeur de l’école. "Le respect est une valeur très importante. Devant le taureau, il faut être respectueux, honnête, sincère. C’est une école de la vie", nous explique Mehdi Savalli.

S’il reconnaît que le spectacle de la corrida peut être reçu comme violent, il insiste sur la notion d’accompagnement. "C’est vrai que c’est choquant quand on voit un enfant regarder des corridas avec le sang et tout ça…Mais ce qu’il faut comprendre c’est que nous avons été habitués à ça et que cela représente toute une tradition".

Et de donner un conseil au public qui ne connaît pas l’univers de la corrida  : "C’est beaucoup mieux d’aller voir une corrida en étant encadré par quelqu’un qui s’y connaît. C’est toujours choquant la première fois, mais si on explique bien les temps de la corrida, et qu’on arrive à les assimiler, on comprend alors ce que représente la tauromachie". Pour lui, la question de l’âge est hors sujet : "Il n’y a pas d’âge, il faut juste être préparé".

"Ce n'est pas normal de montrer ça à des enfants"

Pourtant, ça ne devrait pas se discuter, selon l’association "No Corrida". "La corrida est un spectacle extrêmement violent par nature : dans un climat festif, on va se mettre à martyriser et à torturer un animal et après, on va lui donner la mort. Ce n’est pas normal de montrer ça à des enfants. On n’arrête pas de déplorer actuellement qu’il y a beaucoup trop de violence chez les jeunes. Et il y a ce spectacle qui est le seul autorisé où il y a une telle violence en France", fait remarquer Dominique Arizmendi, référente de l’association "No Corrida" pour les Bouches-du-Rhône.

Faire intervenir le législateur sur ce sujet ne représente-t-il pas d’une certaine façon un déni de l’autorité parentale ? À cette question, Dominique Arizmendi répond de façon catégorique. "La loi doit protéger les enfants. On les protège bien par rapport aux cigarettes, aux films pornographiques, à l’achat d’alcool. Si les parents ne sont pas suffisamment responsables pour comprendre que c’est une maltraitance pour les enfants et bien la loi doit suppléer et aider effectivement à ce que les enfants ne subissent pas cela".

Article écrit avec Mélanie Frey et Clémence Fournival.

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