Proposition d'interdire la corrida : en Paca, "un cap" pour les anti-corridas, "la fin d'un métier" pour de nombreux professionnels

La proposition de loi du député LFI Aymeric Caron, pour interdire la corrida, sera débattue à l'Assemblée national le 24 novembre. "Un cap" pour les anti-corridas, "une menace" pour ceux qui en vivent de cette pratique. En région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, cette tradition est largement ancrée. Tour d'horizon des enjeux.

Pour Charlotte Yonnet, éleveuse de taureaux de combat à Salin-de-Giraud, abolir la corrida, "cela reviendrait à interdire notre travail". A 38 ans, la camarguaise appartient à la septième génération de manadiers. "J'ai grandi avec tout ça. Et aujourd'hui, ma vie repose sur l'élevage des taureaux, même si ce sont parfois d'énormes sacrifices", évoque Charlotte Yonnet. Sa famille, la première à élever des taureaux de combat dans la région, y est installée depuis plus de 160 ans.

"On fait naître, on élève et on fait grandir les taureaux, avec du respect. On les choit", énumère l'éleveuse, qui estime la profession "menacée depuis des années par des personnes qui ne connaissent pas le sujet".

Une quarantaine de manadiers concernés

Charlotte Yonnet élève 350 taureaux de combat, sur une surface de 1000 hectares en Camargue. "Ce sont des animaux qui naissent pour se battre et se défendre. Ils sont destinés à cela et ne peuvent être vendus pour de la viande, par exemple", développe-t-elle. Avec l'abolition de la corrida, elle serait inévitablement contrainte de cesser cette activité. Tout comme une quarantaine de manadiers, qui exercent encore cette activité dans le Sud de la France.

Actuellement, le Code pénal réprime les actes de cruauté envers les animaux mais fait une exception pour les "traditions locales ininterrompues" comme la corrida. L'ex-journaliste Aymeric Caron, engagé pour la cause animale, souhaite modifier le texte en ce sens, pour aller vers une interdiction de la pratique.

Sa proposition de loi était examinée ce mercredi en commission des Lois à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la niche parlementaire LFI.

"Un cap est franchi"

Pour Roger Lahana, président de l'association No Corrida, qui se bat depuis des décennies pour l'interdiction de cette pratique en France, "un cap est franchi", avec cette proposition.

Si "une quinzaine de propositions de ce type avaient déjà été formulées, depuis de le début de la Cinquième République, c'est la première fois que l'une d'entre elles est débattue à l'Assemblée nationale", se réjouit le militant. Pour lui, "c'est le signe d'une évolution sociologique", et le résultat de l'action des associations anti-corrida, notamment.

Guère surprise, Charlotte Yonnet estime que la fronde anti-corrida "monte crescendo". "Même si les anti-corridas ont toujours manifesté, le fait que ça aille jusqu'au Parlement, c'est autre chose", indique-t-elle.

La proposition suscite de vives réactions en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, où la pratique est largement ancrée. "La corrida, c'est aussi le Sud", a notamment tweeté Renaud Muselier, s'opposant à cette interdiction. "Je suis aux côtés des aficionados de la France entière, et particulièrement de la Région Sud, comme depuis toujours".

Au-delà des manadiers, la tauromachie est une source de revenus pour de nombreux acteurs locaux. La féria d'Arles représente par exemple plus de 12 millions d'euros de retombées économiques pour la commune.

Mais pour Roger Lahana, "il faut mettre fin à une intox généralisée. Ce qui rapporte de l'argent c'est la feria, et pas la corrida. Ceux qui vont dans les arènes de constituent qu'une infime partie de la fréquentation de ces événements festifs", développe-t-il, se disant favorable à l'inverse aux courses camarguaises, "qui n'entraînent pas la mise à mort du taureau".

Des marches d'élus de tous bords, d'aficionados et d'amateurs de traditions locales, sont annoncées samedi 19 novembre 2022 dans une douzaine de préfectures ou sous-préfectures du sud de la France, dont Arles et Istres, dans les Bouches-du-Rhône.

Le département est le seul de la région Sud à accueillir encore des corridas, à Arles, Tarascon, Saint-Etienne-du-Grès, Saint-Martin-de-Crau, Istres, et Châteaurenard, adhérentes de l'UVTF (union des villes taurines françaises). Dans le Var, Fréjus a cessé la pratique dans ses arènes en 2010.

Bien qu'elle divise la majorité, la proposition de loi du député LFI a peu de chances d'aboutir. Mardi 15 novembre 2022, le gouvernement a officiellement annoncé qu'il allait s'y opposer, ne souhaitant pas revenir sur la corrida "dans les endroits où elle est aujourd’hui autorisée, c’est-à-dire les endroits où elle est une pratique continue depuis des décennies". "Ca fait partie des traditions culturelles françaises" : le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau avait déjà jugé mardi 8 novembre "pas opportune" cette proposition de loi.

Ce mercredi, la proposition a également reçu un avis défavorable en commission des lois. Elle sera débattue le 24 novembre à l'Assemblée nationale.

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