Accompagner les séniors du grand âge dans la dignité et la bientraitance, c'est l'engagement que propose l'Humanitude, une méthode labellisée, destinée aux professionnels du soin.
"Bien vieillir", c'est la promesse de la proposition de loi examinée ce lundi 20 novembre à l'Assemblée nationale notamment pour lutter contre l'isolement des personnes âgées et la maltraitance. "Vieillir debout", c'est l'objectif d'Humanitude, le premier label créé par des professionnels engagés pour garantir la qualité du "prendre soin" de nos aînés. France 3 Provence-Alpes vous explique cette nouvelle manière d'accompagner les personnes âgées dans des maisons de retraite.
Qu'est-ce que la méthode Humanitude ?
C'est une philosophie et une méthodologie de soin qui rend possible la bientraitance avec des techniques relationnelles éprouvées par 40 ans de pratique par les créateurs, selon ce qu'explique à France 3 Provence-Alpes Virginie Hubert, directrice des formations Humanitude Grand Sud. Elle s'adresse aux professions du soin à la personne dans le grand âge ou atteinte de maladie neurodégénérative, comme Alzheimer
L'Ehpad Marie Gasquet de Saint-Rémy-de-Provence, 121 pensionnaires, est en voie de labellisation depuis 2019. "On applique l'Humanitude dans tous les aspects de la vie quotidienne de nos habitants", explique Alexandra Martin, la psycholoque. "L'Ehpad est leur domicile, on est avant tout chez eux, ils ont leur clé de chambre, on ferme la porte, on toque avant d'entrer. Ils auront bientôt leur boite aux lettres. Comme à la maison". Et comme à la maison, chacun reste maître de ses choix : quand se lever, comment s'habiller, quoi manger au petit déjeuner, etc. Objectif : préserver l'autonomie, la dignité et le bien-être.
"L'Humanitude, c'est d'abord la capture sensorielle, souligne Alexandra Martin.
On va d'abord approcher la personne, en la regardant, en la touchant, en lui parlant à sa hauteur et rien que ça déjà, ça peut désamorcer pas mal de situations de conflit ou de non compréhension.
Alexandra Martin, psychologue Ehpad Marie GasquetFrance 3 Provence-Alpes
Dans l'Humanitude, le regard est prioritaire sur toutes les autres techniques d'approche. C’est aller chercher le contact, les yeux dans les yeux, pour entrer en relation. Se mettre dans son champ de vision, se placer face à elle et à sa hauteur pour lui parler. Et pour lui donner à manger, chercher à capter son attention avant de lui mettre une cuillère à la bouche. Ou encore au moment de la toilette, expliquer chaque geste et s'assurer que la personne consent à tout.
Des gestes qui rassurent. Des mots qui apaisent. Des techniques simples, douces, qu'il faut apprendre. "Je n'ai pas attendu ces méthodes pour être bienveillante, mais j'étais démunie dans certaines situations, je ne savais plus comment faire face à une personne qui est dans le refus, qui s'agite, qui crie, et là, il faut vraiment professionnaliser par une formation et une mise en pratique", explique Virginie Hubert. Comprendre ce qu'il se passe et agir autrement, pour éviter d'être maltraitant sans le savoir.
Qu'est-ce que ça change ?
Un environnement propice au bien-être des résidents comme des professionnels, selon les créateurs."En appliquant ces façons d'entrer en relation, d'être en relation et de sortir d'un temps de relation avec une personne vulnérable, on va pouvoir apaiser quasiment 90% des agitations pathologiques", selon Virginie Hubert.
A la clé aussi, sept fois moins de neuroleptiques consommés. Pour les soignants : une diminution de l'épuisement professionnel et 80% se disent confortés dans leurs compétences. "Il y a beaucoup moins de troubles du comportement et il y a une qualité de vie au travail qui est meilleure, parce qu'ils ont conscience du travail bien fait, ils sont contents d'eux, c'est ce que me disent les soignants", approuve la psychologue de l'Ehpad Marie Gasquet, Alexandra Martin.
Mais prendre plus de temps avec les pensionnaires, est-ce possible quand de nombreux établissements souffrent d'un manque de personnel ? "Cela ne prend pas plus de temps, c'est juste faire différemment, affirme Virginie Hubert.
Quand on est face à une personne apaisée, qui se laisse faire, qui participe au soin, ça va beaucoup mieux que quand il faut se battre.
Virginie Hubert, directrice formations Humanitude Grand SudFrance 3 Provence-Alpes
"Quand ça se passe mal, on se sent mal, c'est un moment pénible pour tout le monde, y compris le professionnel peut sortir abîmé de soins qui ne passent pas bien", ajoute-t-elle.
Qu'est-ce que le label Humanitude ?
Il se définit comme le premier label "gage de bientraitance". Humanitude a été créé en 2011 par deux anciens professeurs de sport, reconvertis dans les formations de manutention des malades, Rosette Marescotti et Yves Gineste. Ils ont mis au point une méthodologie de soin au travers de 150 nouvelles techniques pour garantir un accompagnement dans la bientraitance et la bienveillance des personnes âgées, malades ou atteintes de troubles neurocognitifs.
Le label est délivré aux Ehpad, structures pour personnes en situation de handicap ou services d’aide et de soin à domicile, qui ont formé leurs personnels au sein du réseau des instituts Marescotti-Gineste.
Le label exige le respect de cinq principes : zéro soin de force, sans abandon de soin (ne pas nuire : des soins acceptés, quitte à les reporter), respect de la singularité et de l’intimité (respect du domicile, des rythmes, des choix au repas, activités), lieu de vie, lieu d’envies (projets d’accompagnement personnalisé), , ouverture vers l’extérieur (aux familles, aux bénévoles, aux associations, aux écoles, à la culture), vivre et mourir debout (20 minutes par jour pour éviter de devenir grabataire).
Combien d'établissements sont labellisés ?
Début novembre, six labels ont été décernés à des établissements, trois renouvellements. En 2023, 30 structures sont labellisées, une centaine sont engagées dans le processus. En Paca, on compte actuellement trois labels et 10 certifications en cours.
L'Ehpad de Saint-Rémy a formé 45 % de ses 107 professionnels et le reste le sera progressivement, une aide-soignante référente Humanitude est par ailleurs chargée de la coordination et de l'accompagnement, indique la direction. Un investissement qui ne se répercute pas sur les tarifs pour les familles. "On est un établissement public, donc il n'y a aucun impact financier, précise Claire Thibaud, la directrice, on n'a pas d'intérêt financier à le faire, c'est un intérêt qualitatif."
Le label est délivré pour cinq ans sur la base d'un référentiel de plus de 300 critères de qualité, avec une obligation d'auto-évaluation annuelle et une visite de suivi sur site par l'association Asshumevie.
Au total, 24 000 professionnels ont été formés dans 800 établissements et services à domicile sanitaires et médico-sociaux en France.
Le label s'est exporté au Japon et au Portugal.