Métaux lourds, perturbateurs endocriniens, PCB et autres polluants rejetés dans la Méditerranée : la société Chantier naval de Marseille (CNM) a été condamnée aujourd'hui pour n'avoir pas mis en place un système de récupération de ses eaux polluées, malgré les injonctions.
La filiale du chantier naval italien San Giorgio del Porto s'est vu infliger une amende de 300 000 euros et son ex-président, Jacques Hardelay, deux amendes de 60 000 et 1 500 euros, pour le non-respect, de septembre 2019 à novembre 2020, d'arrêtés de mise en demeure préfectoraux.
En août 2017, le chantier naval avait obtenu l'autorisation d'exploiter trois formes de radoub du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. L'exploitant s'engageait à mettre en œuvre, dans un délai maximum de six mois, un système temporaire de collecte des eaux "de fonds" pour les épurer. Les échéances étaient fixées à 2020 et 2021 pour une solution définitive.
Les eaux de carénage des navires contiennent en effet des biocides issus des peintures, destinées à limiter le développement d'algues et mollusques sur la coque. Dans les cales exploitées par CNM, des inspections de la Direction régionale de l'environnement (Dreal) avaient identifié des résidus de cuivre, de zinc, de plomb et de tributylétain, un perturbateur endocrinien interdit depuis 2003 mais toujours présent sur la coque de certains bateaux, ainsi que des PCB reconnus comme substances écotoxiques.
"Contraintes d'exploitation"
Ces rejets étaient effectués dans les bassins du port, donc dans la rade de Marseille, qui présente déjà un état chimique des eaux qualifié de mauvais. La société CNM avait été mise en demeure de se conformer aux prescriptions le 1er juillet 2019, avant d'être frappée un an plus tard d'une amende administrative de 15 000 euros. CNM avait évoqué des contraintes d'exploitation rendant impossible la mise en place d'une solution temporaire.
Le tribunal a notamment rappelé que le respect des arrêtés incombe à l'exploitant qui bénéficie des autorisations préfectorales, alors que CNM soutenait que les travaux de mise en conformité étaient du ressort du Grand Port Maritime de Marseille, propriétaire des cales concédées par un contrat d'occupation du domaine public maritime.
"La continuité de l'exploitation à permis à la société (et) à son président de continuer d'engendrer des profits, et en cela les infractions ont un but lucratif, même s'il ne peut être contesté que la société CNM est un acteur important dans le bassin d'emploi marseillais", souligne le jugement.
Les associations France Nature Environnement Paca et France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, qui avaient déposé plainte, obtiennent chacune 10 000 euros de dommages et intérêts.