"Ici, ce n'est même pas responsable mais pas coupable, c'est ni responsable, ni coupable, et personne ne change rien !", lance le procureur, à destination des sept prévenus et de leurs entreprises respectives, dont Live Nation France, la filiale française du géant américain des concerts.
Le jugement du procès de l'effondrement mortel de la scène prévue pour le concert de Madonna à Marseille en 2009 a été mis en délibéré au 17 février 2021, après les dernières plaidoiries de la défense qui ont dénoncé vendredi "un dossier lacunaire".
Le délibéré pourrait même être rendu plus tard encore si le tribunal accepte le supplément d'informations demandé par plusieurs avocats de la défense. Dans cette hypothèse, le jugement serait décalé de plusieurs mois, le temps d'attendre de nouvelles expertises.
Les requisitions
" 15 secondes pour s'effondrer, 11 ans pour être jugé", résume Michel Sastre, l'un des deux procureurs à parler en ce jour de réquisitoire.
Dénonçant "une accumulation de fautes graves", le parquet dans un réquisitoire à deux voix a demandé des peines allant jusqu'à un an de prison ferme et 150.000 euros d'amende ce jeudi au procès de l'effondrement mortel de la scène prévue pour un concert de Madonna en 2009 à Marseille.
"Quelle facilté et rapidité pour les entreprises d'être indemnisées à coup de millions et d'accords confidentiels, quand les victimes attendent encore. Même la grue a été indemnisée ! C'est choquant, a déclaré Jean-Yves Lourgouilloux, l'un des deux procureurs.
Ce 16 juillet 2009, sur la pelouse du stade Vélodrome, "on était plus dans le montage d'un cirque sur une place de village qu'à celui de la scène d'une tournée mondiale", accuse Michel Sastre, le premier des deux procureurs qui se sont succédé devant le tribunal correctionnel de Marseille.
Les requisitions
Contre Jacqueline Bitton ( directrice de Live Nation à l'époque) , 74 ans, qui réside à Los Angeles, le parquet a requis deux ans de prison dont 18 mois avec sursis, 30.000 euros d'amende et deux ans d'interdiction d'exercer sa profession.
A peine moins donc que la peine demandée contre Tim Norman, le patron d'ESG, l'entreprise anglaise propriétaire de la scène et chargée de son montage: deux ans de prison dont un an avec sursis et 40.000 euros d'amende.
Aucune peine de prison ferme n'a par contre été requise contre les autres prévenus: deux ans avec sursis et 10.000 euros d'amende contre les deux autres cadres d'ESG en cause.
Deux ans avec sursis, 25.000 euros d'amende et une interdiction d'exercer pendant deux ans contre le gérant de Tours Concept France, l'entreprise chargée d'assister ESG et pour qui travaillaient neuf des dix victimes.
18 mois avec sursis et 5.000 euros d'amende contre le chef d'équipe, le Britannique Scott Seaton, recruté pour ce chantier par ESG.
Et enfin 10 mois avec sursis et 4.000 euros d'amende contre le dirigeant de Mediaco, propriétaire de la grue en cause.
Concernant les trois entreprises au banc des prévenus, Live Nation France, Tours Concept France et Mediaco, les amendes requises sont respectivement de 150.000 euros, 70.000 euros et 30.000 euros.
Le procès
Le mercredi 7 octobre 2020, au tribunal correctionnel de Marseille à 14h s'est ouvert le procès très attendu lié à l'effondrement de la scène du concert de Madonna.
Suspendu le lundi 5 octobre, le procès va durer 10 jours.
Le 16 juillet 2009 au stade Vélodrome, la chute du toit avait fait deux morts.
"Que justice soit faite"
L'attente était grande pour les familles au début du procès de l'effondrement de la scène de Madonna
Plus d'onze ans d'instruction et deux renvois, ce procès supendu ce lundi 5 a débuté ce mercredi 7 octobre 2020.Le dernier report en date était dû au confinement.
La présidente du tribunal, Mme Marie-Pierre Attali, a pris le temps d’examiner les demandes de renvoi des avocats des prévenus anglais, responsables du chantier ainsi que la demande d’un défenseur qui est cas contact Covid-19.
La présidente du tribunal a souligné "la nécessité de prêter attention aux parties civiles et à leurs proches, qui ont vraiment besoin que ce procès se tienne".
Un soulagement pour les familles
" Il s'ouvre un peu tard, mais c'est un soulagement pour toute la famille, parce que cela fait plus de onze ans. entr temps, certains ont déposé le bilan, les rats ont quitté le navire", constate Paul Criscenzo, le frère de la vicime Française, Charles Criscenzo."Il y a eu deux morts, des blessés et des gens traumatisés à vie", insiste-t-il.
Depuis onze ans, les familles ont fait le deuil, mais réclament des explications.
" Je pense qu'il est important que l'on sache ce qui s'est passé. Depuis des années on a tout entendu, tout esperé, essayé de comprendre. Il est nécessaire de revenir dessus, sinon cela voudrait dire que cela n'a pas existé. Avec ce procès on veut mettre un point final", explique Janine Criscenzo, la soeur de Charles Criscenzo.
"Mon frère c'était un pilier aimé de tous, pour eux ce n'est qu'un décès mais pour nous c'est un élément de notre édifice qui s'est effondré", détaille Paul Criscenzo.
Ce procès va clore un épisode douloureux, afin que les familles de victimes puissent commencer une nouvelle vie.
"L'enquête a été reprise 4 ans après, car elle avait été baclée à l'origine, parce qu'il fallait que l'OM joue rapidement dans le stade", déplore Francine Criscenzo, la veuve de Charles Criscenzo.
Un tragique accident
Deux personnes ont trouvé la mort ce 16 juillet 2009, lors de l'effondrement de la structure du toit de la scène prévu pour le concert de Madonna, Charles Criscenzo, un Français de 52 ans, et Charles Prow, un Anglais de 23 ans.Huit autres ouvriers avaient été blessés, dont l'un, Giuseppe di Silvestro, s'était suicidé deux ans plus tard.
Après onze ans d'instructions et plusieurs renvois, onze prévenus ont été appelés à la barre ce mercredi: Live Nation France 2006, l'organisateur du concert, et sa dirigeante Jacqueline Bitton.
Mais aussi Edwin Shirley Group (ESG), l'entreprise anglaise propriétaire de la scène pour qui travaillait Charles Prow et trois de ses représentants en Grande-Bretagne.
Il y a également, Tour Concept France, la société française chargée d'assister ESG pour le montage, pour qui travaillaient toutes les autres victimes, et son dirigeant Mathieu Anton.
Au niveau local, est présente aussi Mediaco, l'entreprise marseillaise propriétaire du camion-grue impliqué dans le drame, et son dirigeant Gérard Billia.
Et enfin, est ausi à la barre le Britannique Scott Seaton, travailleur indépendant, recruté comme chef d'équipe par ESG.
Dix jours d'audience
Dix jours d'audience doivent permettre de clarifier cette affaire compliquée, dans laquelle s'enchevêtrent plusieurs prévenus, de plusieurs nationalités.Dans ce dossier très technique, les experts diligentés par la justice affirment une chose: la chute du toit est la conséquence directe du mauvais placement d'une sangle utilisée par une grue pour hisser l'un des angles du toit, suite à la panne de moteur de deux des quatre treuils. Une sangle qui avait été mise en place par Charles Prow.
Mais cette erreur n'est que le résultat de la "totale improvisation" qui régnait sur le chantier, selon le juge d'instruction Pierre Philipon, qui avait rendu son ordonnance de renvoi en janvier 2019.
Me Charles-Henri Boeringer, avocat de l'un des dirigeants d'ESG, a dénoncé ce mercredi "les nombreux angles morts" de l'instruction.
Pour lui on serait "en présence d'un simple accident de grue" et le grutier aurait fait "une faute gravissime" en désamorçant le système d'alarme pour surcharge de son engin.
Mis en examen au départ de l'instruction, le grutier en question, Alexandre Debionne, avait pourtant bénéficié d'une ordonnance de non lieu.