Où en est-on de l’épidémie ? Le virus est-il moins virulent ? Commence-t-on à être immunisé ? Un épidémiologiste et un infectiologue marseillais répondent à nos questions.
 

Alors que la rentrée scolaire vient à peine d'avoir lieu, des écoles ou des classes ferment déjà en raison de cas positifs parmi les élèves, les enseignants ou le personnel.
De quoi se poser des questions sur ce coronavirus qui ne semble pas faiblir... Au contraire.

En début d'été les nombres de cas d’hospitalisations et de décès ont chuté jusqu’à devenir inexistants dans de nombreux départements. Cela a redonné le goût des vacances à toute la population, heureuse de profiter de cette période estivale pour oublier les semaines de confinement.

Il y avait bien des clusters par ci par là ; on l’a constaté dans des lieux de travail comme certains abattoirs, ou parmi les travailleurs agricoles étrangers. Ou encore à travers quelques réunions familiales. Mais l’isolement immédiat des personnes infectées a permis de les contenir.

Ce n’est pas le virus qui a muté, c’est la population touchée qui a muté.


Dr Stanislas Rebaudet, infectiologue à l'Hôpital européen (Marseille)


Avec les festivals annulés, les boîtes de nuit fermées, les jeunes se sont adonnés à la fête. Comme le virus d’ailleurs, qui doucement mais sûrement, a recommencé à circuler.
Les cas positifs ont augmenté peu à peu. Asymptomatiques pour la plupart.

"Les jeunes font des formes moins sévères, très peu nécessitent une hospitalisation, extrêmement peu nécessitent d’être transférés en réanimation, et une infinité en décède", explique le Dr Stanislas Rebaudet, infectiologue à l’hôpital européen de Marseille, et chercheur en épidémiologie.
"Ce n’est pas le virus qui a muté, c’est la population touchée qui a muté".

La deuxième vague de l'épidémie

Beaucoup commençaient à croire que le Sars-Cov2 était certes contagieux,  mais moins virulent, moins « méchant » que celui de l’hiver. Mais selon les spécialistes, il s'agit toujours du même virus "qui n'a pas changé".

"On se doutait bien que malheureusement cette situation n’allait pas durer. On a vu le nombre de cas augmenter très fort chez les jeunes cet été et on se doutait bien qu’on allait observer un franchissement des générations. Après cette deuxième vague de cas, on constate une deuxième vague d’hospitalisations".
Ce sont à nouveau les personnes à risques, et les plus de 60 ans qui sont concernées.
Cette situation peut-elle être comparée à la celle du mois de mars dernier ?

"Non, répond l'infectiologue. "Le temps de doublement de l’épidémie est moins important qu'en début mars. Le fameux taux de reproduction (R) est beaucoup moins fort. En mars, nous étions à un R2 et R3. C'est-à-dire qu'une personne malade pouvait infecter deux à trois personnes en moyenne. Aujourd'hui, grâce aux mesures barrières (masques, gel, distanciation), nous ne sommes qu'à un taux de 1,3 à 1,5."

Une meilleure prise en charge

Dans les Bouches-du-Rhône où le virus circule le plus activement, les hôpitaux ont rouvert leurs unités d'hospitalisation et de réanimation Covid.
Et l'Agence régionale de santé (ARS) Paca a réactivé le plan blanc.

"Le nombre d’hospitalisations est en train de monter de manière très significative dans les Bouches-du-Rhône", souligne le Dr Stanislas Rebaudet. "On le voit par exemple à l’hôpital européen, on hospitalise tous les jours de nouveau patients y compris en réanimation".

Même si aucun traitement n'a encore été trouvé pour venir à bout de ce coronavirus, les centaines d'études menées jusqu'à maintenant pour mieux l'analyser commencent à porter leurs fruits. Elles permettent une meilleure prise en charge des malades hospitalisés.

"On a compris assez tôt qu'il faut anticoaguler les patients, pour leur éviter les caillots de sang, que peut provoquer la Covid-19. On sait désormais qu'il faut prescrire de la corticothérapie lorsque le malade est dans un grave état inflammatoire et a besoin d'oxygène. Plusieurs études l'ont démontré. Cela n'était pas évident car la cortisone peut être déléterre selon les situations".

Des résultats encourageants pour l'immunité individuelle

Si le nombre de cas augmente à vive allure, pourrait-on se diriger vers une immunité collective ?

"Pour l’immunité de groupe, les modélisateurs estiment qu’il faudrait atteindre 60 à 70% de la population", précise l'infectiologue. "Là on en est loin, à moins de 10%. Il y a des enquêtes de sérologie qui en attestent, comme celle menée chez les donneurs de sang par exemple".

On peut dire raisonnablement que l’immunité contre le Covid semble être généralement établie. Par contre, on ne sait pas pour combien de temps la personne est protégée


Dr Stanislas Rebaudet, infectiologue à l'Hôpital européen (Marseille)


Et qu'en est-il de l'immunité individuelle ? Plusieurs cas concernant une deuxième infection au Sars-Cov2 ont été décrits dans des études. Tout dernier en date, le footballeur olympien Steve Mandanda, testé pour la deuxième fois positif au coronavirus.

"Ce sont des cas qui restent exceptionnels parmi les 25 millions de malades confirmés dans le monde", explique le Dr Rebaudet. "Une équipe islandaise a montré que, quatre mois après la vague épidémique, il y avait encore 90% des patients qui avaient des anti-corps à des taux importants. C'est tout de même encourageant. On peut dire raisonnablement que l’immunité contre le covid semble être généralement établie. Par contre, on ne sait pas pour combien de temps la personne est protégée".

15000 morts en "étant optimiste"

L'épidémie n'a donc pas disparu, le virus circule toujours activement, mais la situation inquiète moins les épidémiologistes. Cette fois-ci, ils ont de nombreuses données sur lesquelles s'appuyer pour faire leurs modélisations.

"Au début, lors du premier pic on ne testait pas, c'était difficile de voir la progression réelle de l'épidémie", explique Jean Gaudart, médecin en santé publique et mathématicien de formation (Inserm, Amu, et IRD). "N'étaient comptabilisées que les données d'hospitalisation et les décès. Aujourd'hui, nous avons beaucoup plus d'informations grâce au dépistage, et on inclut les données des laboratoires par exemple".

Pour l'épidémiologiste, pas de doute, dans les Bouches-du-Rhône tout au moins, nous allons droit "vers un deuxième pic".

"Nous assistons bien à la poursuite de la première épidémie de Covid-19, qui a deux pics. Je pense que l'on va vers un deuxième pic", poursuit le docteur Jean Gaudart. "Dans les Bouches-du-Rhône le nombre de cas positifs parmi les personnes de plus de 60 ans augmente avec un temps de doublement de 15 jours à peu près. La majorité est encore jeune, mais petit à petit, la moyenne d’âge commence à regrimper".
 

Au spécialiste de la modélisation, on s'aventure à demander quel serait le modèle le plus optimiste de l'évolution de l'épidémie en France pour les semaines à venir.

"Imaginons un temps de doublement d'un mois, et en imaginant un taux de létalité de 0,5%, c'est-à-dire de cinq décès pour 1000 malades, nous obtenons tout de même 15000 morts lors du deuxième pic".

Quelle sera la capacité des hôpitaux ?

Vu sous l'angle des épidémiologistes, le nombre n'est pas énorme.

"En respectant les mesures barrière, ça marche", précise le Dr Jean Gaudart. "Les études prouvant l'efficacité du port du masque sont nombreuses et sérieuses. Il faut à tout prix éviter les grands rassemblements".

Le grand questionnement concerne à présent la capacité des hôpitaux à prendre en charge une nouvelle vague d'hospitalisations.

Lors du premier pic durant l'hiver, les activités médicales et chirurgicales avaient été déprogrammées au profit des patients Covid.

Laissant pour compte bon nombre de malades atteints de cancer ou d'autres maladies graves.
Cette fois-ci, les hôpitaux devront réussir à maintenir leurs activités traditionnelles, tout en intégrant les patients Covid.

Une situation complexe, alors que l'hôpital, selon les soignants eux-mêmes, souffre depuis longtemps d'un manque crucial de moyens.

 
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