Pour rompre l'isolement des adolescents placés en foyer ou en famille d’accueil, une application s'invite dans leur quotidien. Imaginé par les jeunes eux-mêmes, cet outil propose de leur mettre un guide en poche, avant de s'élancer seul dans la vie d'adulte.
Accompagner les adolescents vers l'autonomie, c'est habituellement le rôle de parents. Mais bien souvent, à leur majorité, les jeunes confiés à la protection de l'enfance se retrouvent seuls en quittant le giron de l'ASE. Dans les Bouches-du-Rhône, une association a imaginé une application mobile baptisée "13 Autonome" pour les assister dans leurs premiers pas d'adultes et "les rassurer dans certaines situations".
D'anciens enfants placés ont participé à sa conception pour répondre à des attentes concrètes : consultation de leur dossier d'aide à l'enfance, accès à des bourses pour faire leurs études, à des aides aux logements, des conseils sur la santé et l'alimentation... Avec également un espace dédié aux appels de détresse.
"Le chaînon manquant"
L'association ADEPAPE 13 est à l'origine de cette idée. Son président, Hamza Bensatem connaît bien le sujet et se revendique comme "un ex de l'Aide Sociale à l'Enfance " qui veut "remettre les enfants placés, au cœur de la société".
Cette application, il l'envisage tout d'abord comme un moyen de créer une communauté. En se connectant en réseau, depuis leurs foyers, "les jeunes ne se sentiront plus si seuls, ils pourront échanger, mais aussi s’entraider à travers du soutien scolaire, des bons tuyaux, des conseils".
Bien au-delà, "13 Autonome" sera "le chaînon manquant, une pierre dans la construction de leur autonomie et de leur accomplissement". Face au manque de professionnels qualifiés au sein de la protection de l'enfance, il y avait urgence selon lui à venir en aide à ces enfants, que l'institution "pousse vers la sortie dès leurs 18 ans, sans les aider à accomplir leurs ambitions".
"S'autoriser à avoir un avenir"
Hamza Bensatem, aujourd'hui étudiant dans une école de commerce, tient à ce que les jeunes soient "informés sur leurs possibilités de formations, de bourses, sur leurs droits, pour s'autoriser à avoir un avenir".
Cet "assistant numérique" a été imaginé par une quinzaine de jeunes confiés à la protection de l'enfance des Bouches-du-Rhône, qui gère environ 5000 enfants privés de parents. Parmi les fonctionnalités, la possibilité d'être informé par notifications ou de trouver les interlocuteurs directs pour certaines démarches essentielles, telles que l'accès à son dossier personnel.
La consultation de son dossier, quand on est un enfant placé, n'a rien d'anodin. C'est ce moment où l'on plonge dans son histoire familiale, que l'on découvre d’où on vient. Difficile d'être seul dans cette démarche.
Hamza Bensatem, président de l'ADEPAPE 13France 3 Provence-Alpes
"On découvre parfois des choses dramatiques et cela nécessite la présence d’un psychologue" explique le président de l'ADEPAPE 13, "l'application les guidera dans cette démarche qui est longue et parfois douloureuse".
Dans le volet administratif, les jeunes trouveront ainsi des réponses sur de nombreux sujets spécifiques tels que le Contrat jeune majeur, ou la qualité de pupille de la Nation.
Répondre à l'abandon et la détresse
Pour Hamza Bensatem, il était important de créer un espace d'expression où les jeunes peuvent déposer des témoignages, des vidéos, messages vocaux, et livrer leurs états d'âme. Ce qui offrira à l'association l'opportunité de renouer du lien en cas de fugue. Pas question de les géolocaliser, ni de se substituer au travail des autorités, affirme le président de l'ADEPAPE13, mais bien de leur tendre la main. Les bénévoles de l'association s'engagent à les recontacter dans les 24 heures pour leur proposer des "solutions d'urgence, leur payer l'hôtel ou les aider matériellement dans un premier temps"
"Ces enfants que personne ne réclame quand ils disparaissent, il faut qu'ils puissent rester connectés pour être entendus, quelque part, dans leur détresse"
Hamza Bensatem, ex-enfant confié à l'ASEFrance 3 Provence-Alpes
"Nous avons aussi travaillé avec des jeunes qui ont connu la prostitution, ce fléau qui touche nombre de ces enfants vulnérables et abandonnés ", l'idée étant, selon Hamza Bensatem, de leur proposer, dans l'application, le nom et le contact d'interlocuteurs directs qui peuvent leur venir en aide.
"C’est un guide pratique qui ne doit pas se substituer à l'humain, car on a toujours besoin des autres" rappelle ce responsable d'association, qui se félicite du partenariat du ministère de la Justice dans la création de cet outil numérique "unique en France". Cependant, il promet de veiller à ce que cette application reste à l'échelon local,"dans la proximité, pour être efficace sans diluer l’information"'.