Violences faites aux enfants : face au plan gouvernemental "ridicule", "on mérite mieux que ça" s'insurge un ancien enfant placé

Présenté lundi 20 novembre par Elisabeth Borne à l'issue d’un comité interministériel, le plan gouvernemental destiné à mieux protéger les mineurs déçoit les professionnels de l'enfance protégée. "On mérite mieux que ça " s'indigne Hamza Bensatem, le président de l'ADEPAPE13.

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C'est Élisabeth Borne, en personne, qui a porté le plan du gouvernement contre les violences faites aux enfants ce lundi 20 novembre. À l'occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, la Première ministre a dévoilé une batterie de 22 mesures à destination des jeunes qui relèvent de l'Aide à l'enfance.

Points phares de ce plan : le recrutement d'agents pour recueillir les premiers témoignages, via le 119 (la ligne d’urgence pour signaler un enfant disparu ou maltraité) et l'instauration d'un "pack autonomie" pour les jeunes, qui sortent à 18 ans du dispositif de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). L'État s'engage à leur verser automatiquement une enveloppe de 1 500 euros, sans aucune démarche.

"Décevant, pas assez ambitieux et ridicule face aux besoins" selon le président de l'ADEPAPE 13, Hamza Bensatem, lui-même un ancien de l'ASE, qui répond aux questions de France 3 Provence-Alpes.

France 3 Provence-Alpes : Quelles étaient vos attentes autour de ce plan du gouvernement ?

Hamza Bensatem : Ce dimanche au stade Vélodrome, pour le Tournoi des Défenseurs de l’Enfance, il régnait une sorte d'effervescence. Nous, les professionnels de l'enfance protégée, étions vraiment dans l'attente. On s'est dit, enfin les promesses du candidat Macron vont être tenues. Charlotte Caubel avait évoqué quelques jours avant "une révolution à accomplir pour protéger nos enfants" et là, ça fait flop ! Ce n'est pas à la hauteur du sujet et encore moins des besoins des jeunes qui sont placés. Je m'attendais à une vraie refondation du domaine social alors qu'on reste dans le bricolage et la survie.

Que manque-t-il à ce plan gouvernemental pour être efficace ?

Une campagne de recrutement d'éducateurs, parce qu'aujourd'hui, il n'y a en a plus. Dans les foyers, ce sont des animateurs qui changent tous les jours. On a aussi besoin de recruter des familles d'accueil, mal payées et peu considérées, et puis il faudrait faire plus de contrôles dans les établissements. Elles sont là les priorités, pour donner de l'espoir à cette jeunesse. 

Vous-même étiez un enfant placé, que pensez-vous du "pack autonomie" ?

Effectivement, j'ai 25 ans aujourd'hui, je suis en master en école de commerce parce que je me suis débrouillé pour faire financer mes études par une fondation. Avec le pack autonomie, on va donner aux jeunes 1500 euros pour solde de tout compte pour aller s'acheter des meubles Ikéa ? Mais on mérite mieux que ça ! On mérite d'avoir des perspectives et d'être accompagnés dans la vie d'adulte.

 

On ne veut pas être stigmatisés "enfants placés", être toute notre vie dépendants de l'État, réclamer, quémander... On demande à être autonomes et à ce que l'on croit en nos rêves.

Hamza Bensatem, président ADEPAPE 13

France 3 Provence-Alpes

Et puis stop aux "coups de pouce" et aux primes, nous réclamons une politique d'accompagnement digne de ce nom.

Comment offrir des perspectives à cette jeunesse protégée ? 

En finançant réellement leur avenir. En les accompagnant, vers des études supérieures ou de la création d'entreprise. Le prix de journée d'un enfant confié est de 160 euros par jour jusqu'à sa majorité. On met tant d'argent pour les lâcher dans la nature à 18 ans ? Au lieu d'en faire des citoyens émancipés qui vont gagner leur vie, payer des impôts et rendre à la société. Aujourd'hui, quand on est placé, on nous oriente vers des études courtes. Un jeune qu'on invite à se tourner vers un CAP, ou un bac pro, parce que ça coûte moins cher, alors qu'il a le niveau pour faire Sciences Po, on doit l'autoriser à être ambitieux ! Laissez-nous réaliser nos rêves ! C’est d’ailleurs ce que préconisait en juin dernier le Conseil national de la protection de l'enfance dans son rapport.

La prostitution en hausse chez les enfants confiés à l’aide sociale, pointée par un rapport de l'IGAS ne semble pas évoquée dans ce plan ?

C'est un fait, ces jeunes, garçons et filles, sont de plus en plus nombreux à se livrer à la prostitution, car leurs carences affectives en font des proies faciles pour des recruteurs du marché du sexe. Et puis, quand l’un de ces jeunes disparaît, qui les réclame ? C'est aux éducateurs de les retrouver, alors que c'est le travail de la police. Quand vous avez une fillette de 12 ans qui disparaît, normalement ça passe aux infos et tout le monde se mobilise.

Ce ne sont les enfants de personne, sans famille pour les chercher quand ils fuguent. Ils sont seuls et livrés à eux-mêmes et risquent de faire de mauvaises rencontres.

Hamza Bensatem, ex-enfant confié à l'ASE

France 3 Provence-Alpes

À l'ASE, personne ne s'intéresse à eux. On attend qu'ils reviennent par eux-mêmes. Il faudrait que les professionnels, la police, les psy, tout le monde, se mette autour d’une table pour les faire exister. On compte 370 000 enfants confiés en France, l'équivalent de la ville de Nice, ce n'est pas énorme, mais ce n'est pas rien.

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