L'EMI ECO est une unité mobile intersectionnelle qui propose des soins spécifiques aux enfants placés par l'ASE. Alors que le taux d'occupation dépasse les 100% dans les foyers d'urgence, ce dispositif unique en France permet d'apporter un soin adapté à plus de 70 enfants de 0 à 12 ans, sur Marseille et ses environs.
Haut comme trois pommes, un petit garçon de cinq ans s'approche de la voiture de Laurence Leblond. L'enfant vit actuellement en foyer d'urgence à Marseille, et souffre de troubles du comportement. Laurence Leblond est infirmière pédopsychiatrique. Elle travaille au sein de l'équipe mobile intersectorielle pour enfants confiés (EMI ECO) à Marseille. Chaque jour elle part à la rencontre de ces enfants confiés à l'Aide Sociale à l'Enfance. La plupart d'entre eux a vécu la maltraitance.
Créer un lien sécurisant entre l'enfant et l'adulte
Main dans la main, Laurence et le petit garçon promènent dans un parc de Marseille. Sentir l'odeur de l'herbe humide, lancer des petits cailloux dans l'eau, le rôle de Laurence, c'est bien plus qu'un loisir. Elle espère créer un lien sécurisant enfant-adulte.
"La sensation du vent sur sa peau c’était un peu compliqué, là on sent vraiment un petit garçon qui s’ouvre qui pointe, qui reconnaît où sont les toboggans, les jeux, et même les smarties ! " explique l'infirmière.
Complicité, bienveillance, et surtout confiance en l'adulte, le petit garçon a déjà fait de gros progrès.
Les structures manquent
Cette unité composée d'une dizaine de soignants, est soutenue par l'AP-HM et l'hôpital psychiatrique de Valvert. Et depuis son ouverture il y a moins de deux ans, son activité a été multipliée par 6, signe que les structures manquent, pour accueillir ces enfants trop nombreux.
En effet en 2023, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) indiquait que dans le département des Bouches-du-Rhône les foyers d'urgence étaient saturés, et que les délais pour obtenir une place en CMP (Centre Médico-psycologique) étaient bien trop longs.
Aujourd'hui l'EMI ECO se déplace ou reçoit près de 70 enfants, dans l'objectif de repérer précocement les troubles du développement et les troubles mentaux, et ainsi leur apporter les soins adaptés. Car un adolescent sur deux placé à l'ASE présente un trouble psychiatrique.
"C'est la population qui a le plus besoin de soin psychiatrique et qui y accède le moins facilement", explique le docteur Jokthan Guivarch, pédopsychiatre d'EMI ECO.
"En France la psychiatrie est sectorisée, et en fonction du parcours de l'enfant, il peut changer de placement, et à chaque fois on repart à zéro", ajoute-t-il.
Un travail hors les murs
L'unité a besoin de soutien financier, notamment pour des sorties thérapeutiques. Car le plus gros travail avec l'enfant est fait hors les murs de l'hôpital.
"Les enfants confiés à l'ASE ont été échaudés par l'adulte, et en se retrouvant dans un bureau face à un adulte, il n'y a pas grand-chose qui se joue", explique le pédopsychiatre, "Pour accompagner ces enfants, il faut être signifiant à leurs yeux, et donc partager des moments de vie avec eux".
Car faire ensemble, c'est aussi l'occasion d'aborder les questions importantes.
Justement, aujourd'hui c'est atelier créatif pour une adolescente de 12 ans. Elle vit dans une MECS, Maison d'Enfant à Caractère Social. Jusqu’alors, ses suivis psychologiques ne lui convenaient pas.
"Avant j’avais une psychologue mais j’aimais pas. Elle me regardait et ne parlait pas. J’avais demandé d’arrêter et on m’a dit que j’allais avoir une psychologue comme ça, j’aime bien car on fait des activités, du sport", confie l'enfant, "j'arrivais pas à gérer mes émotions, et maintenant ça va mieux".
La durée de prise en charge des enfants par l'unité mobile avoisine une année, durant laquelle le parcours de soins est spécifique à chacun. Mais l'objectif c'est avant tout que les enfants trouvent les ressources en eux, pour ne plus avoir besoin de ce soutien.