Récit. A Marseille, découvrez l'histoire du "chariot magique" de Papa Omri, symbole populaire saisi par la police

Papa Omri est vendeur à la sauvette. Son chariot magique vient d'être saisi. Symbole de Marseille et du J4, tantôt objet de figuration dans Plus Belle La Vie, tantôt oeuvre exposée au Mucem, il est surtout le gagne-pain de ce retraité. Une histoire peu commune que l'on vous raconte ici.

"Sur mon chariot magique, je pose le thé à la menthe avec pignons, une recette marocaine. Dans le casier de droite, je range les canettes, à gauche, les petites bouteilles d’eau, là, les cacahuètes. Je vends aussi des pralines, mais très peu".

Le chariot de Papa Omri est décoré, il joue de la musique, il est magique et attire l'oeil comme un sapin de Noël. 

A 72 ans, il est présent sur l’esplanade du J4 tous les jours, entre mai et septembre. Là, le soleil tape, trop éblouissant, à côté du Mucem, sombre et majestueux.

Le 14 juillet, le chariot magique est confisqué par la police. 

Un remplacement qui tourne mal

Le 14 juillet, Omri accompagne sa femme à l’hôpital.

Son beau-fils lui propose de le remplacer sur l'esplanade. Mais il est contrôlé par la police. Ses papiers ne sont pas en règle, il est placé en centre de rétention et pourrait être expulsé vers l’Algérie.

Le pittoresque chariot magique, lui, est enfermé au commissariat de Noailles. Confisqué, car il fait partie d'une deuxième procédure contre le beau-fils d'Omri, dans le cadre de la lutte contre les vendeurs à la sauvette.  

L’émotion dans le quartier du panier

Le post ci-dessous a mis "le feu aux poudres". La nouvelle s'est répandue dans les rues du Panier et bien au-delà.

Papa Omri est un symbole. Symbole du petit retraité qui travaille pour arrondir ses revenus. 

Une pétition est mise en ligne pour "rendre le chariot magique de Papa Omri". Le jeudi 6 à midi, elle atteignait presque 2.500 signatures. 
Les habitants qui se regroupent autour de Papa Omri envisagent d'organiser une collecte pour lui racheter un chariot.

Même la mairie du 2ème arrondissement de Marseille s'en mêle. La nouvelle équipe souhaite épauler Omri dans ses démarches administratives. Elle voulait également exposer le premier chariot, acheté par le Mucem en 2006.
Mais il faut six mois pour sortir un objet conservé dans les réserves d'un musée ! 

"Le Mucem nous a proposé des photos grand format. En septembre, pendant les journées du Patrimoine, nous ferons une petite fête et exposerons les photos dans la cour de la mairie", raconte Emilia Sinsoilliez, première adjointe du 2ème secteur de Marseille.
 

La police lutte contre les vendeurs à la sauvette

C'est dans ce cadre-là que le beau-fils d'Omri a été contrôlé. Un contrôle sur réquisition de la procureure de la république.

"Le contrôle n'était pas ciblé, il avait lieu sur tout le secteur", explique le capitaine Bianchi, de la DDSP des Bouches-du-Rhône. "Les paramètres sanitaires qui accompagnent la crise du Covid accentuent ces actions".

Le chariot est au commissariat de Noailles. Il a été saisi dans le cadre de cette procédure administrative.

Il ne sera pas détruit tant que l'enquête ne sera pas close. "Sa destruction n'est pas à l'ordre du jour", ajoute Philippe Bianchi.

Lorsque je répète ces mots à Omri, il étouffe un gros sanglot : "Vous êtes sûre qu’ils ne l’ont pas détruit ? Parce que ce chariot-là, moi, je l'aime vraiment beaucoup".

Papa Omri, une histoire

Omri habite à Marseille depuis 1973. Il a quitté la Tunisie, travaillé un an à Saint-Etienne puis s'est s'installé à Marseille, quartier du Panier.

Il a toujours été intérimaire dans le bâtiment. Il y a vingt ans, il a commencé à vendre des boissons, en plus de ses contrats sur les chantiers.

Aujourd'hui à la retraite, il tient absolument à justifier son activité de vente à la sauvette : "Je touche 642 euros de retraite chaque mois. Avec 375 euros de cigarettes, 106 euros de loyer, 40 euros d'électricité, 30 euros de mutuelle, 30 euros de gaz et 20 euros de téléphone. Il reste zéro, zéro, zéro !!"

C'est le plus beau chariot de Marseille. Les touristes le prennent en photo, "Plus belle la vie" l'a placé trois fois dans son décor, le chariot est même dans des guides touristiques sur Marseille.   

Depuis 20 ans, Papa Omri bichonne ses chariots. Leur décoration est parfois surprenante. "L'inspiration vient, comme ça", explique-t-il.

Voici la version "Emmanuel Macron et Jean-Claude Gaudin en train de fumer la chicha". Cette idée-là est née avec le mouvement des gilets jaunes.
Et voici la version plus "militante", sur le dernier chariot. On y voit George Floyd, mort à cause de violences policières en mai 2020. Et Arnaud Beltrame, connu pour s’être substitué à un otage au cours de l’attaque terroriste de mars 2018.

L'un est mort à cause d'Al-Qaïda, l'autre à cause du racisme. "Les deux morts m'ont fait de la peine. Pour moi, c'est pareil", confie Omri.  
Le dernier chariot est construit sur un fauteuil roulant. Papa Omri l'a amené en Tunisie en 2013 pour l'améliorer "parce que c'est moins cher là-bas".

Il a remplacé le bois par du métal, deux batteries sont à l'intérieur, ce qui le rend assez lourd. Une sono est intégrée, pour jouer Dalida, Johnny, Elvis Presley ou la Marseillaise. 

Alors que l'un de ses chariots est au commissariat, l'autre est dans un musée. Et pas le plus petit puisqu'il s'agit du Mucem. 

En 2006, le Mucem achète ce symbole de l'art populaire

Pour l'exposition " Entre ville et mer : les Pierres plates", le Mucem achète le chariot magique "entre 200 et 250 euros", selon Omri.
L'exposition dure du 20 mai au 13 novembre 2006.

Marina Zveguinzoff nous envoie l'argumentaire du musée qui accompagnait le pittoresque chariot :

"Lors de l’inauguration, "Papa Omri", le marchand ambulant de boissons fraîches et de thé, régale les invités.
Sa carriole est la copie exacte de celle qui figure dans l’exposition, la première qu’il a faite, pour montrer le petit commerce qui s’installe dans les alentours du musée et l’influence orientale dans la ville."

La direction du Mucem n'a pas souhaité réagir à la récente confiscation du chariot d'Omri.
   

Symbole populaire ? Personnage marseillais haut en couleurs ? Activité hors-la-loi ? Un peu les trois, dirait-on.

Depuis quelques semaines, Papa Omri travaille avec une glacière comme toutes les autres, bien moins personnalisée que son chariot.

Il appelle tout le monde "Papa" ou "Mama", comme toujours. Et travaille "cache-cache", pour ne pas croiser la police. On ne sait jamais, on pourrait lui saisir sa glacière...
 

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