La crise sanitaire a engendré une crise humanitaire. Les personnes en grande précarité sont de plus en plus nombreuses à devoir recourir à l'aide alimentaire. Mais les stocks ne suffisent plus. Le Secours Populaire des Bouches-du-Rhône a besoin de dons.
Il est à peine 9 heures et déjà une dizaine de personnes patientent. Les chariots à roulettes sont vides. Toutes viennent les remplir d’un peu de nourriture, et de chaleur humaine.
Avec la crise sanitaire, les distributions de la permanence du Secours Populaire de la Blancarde se font à l’extérieur.
"C’est moins intime, peut-être plus expéditif. On ne peut pas se permettre d’avoir une trop grande concentration de personnes", explique Monique Lerouet, responsable de l’antenne d’urgence de la Blancarde.
Du lundi au jeudi, la matinée est consacrée aux distributions alimentaires pour les plus démunis. A la Blancarde, plus de 500 personnes viennent une fois par mois chercher "un coup de pouce".
Dans la file d’attente, pas un bruit, seul un petit garçon qui accompagne sa mère, rit en sautant dans les petits escaliers qui jouxtent le bâtiment.
Caché sous une casquette et un masque chirurgical, un jeune homme patiente, tenant fermement son chariot à roulettes rouge. Son regard inspire la sérénité. Et pourtant, A. n’a pas la vie facile.
Cet Algérien de 37 ans a dû fuir son pays et sa famille qui n’acceptait pas son homosexualité. "Mes demandes d’asile ont été refusées, alors je suis sans-papiers. Je ne peux pas travailler", raconte-t-il calmement.
A. trouve bien parfois quelques gâches "au black", mais il l’admet sans détour : "j’ai parfois recours à la prostitution". Il faut manger, et payer son loyer, 200 euros par mois.
Ce petit colis alimentaire, perçu une fois par mois "ce n’est pas suffisant, mais ça dépanne bien, au moins pendant une semaine. On est contents d’avoir ça".
Il y a aussi Marie, qui vient de fêter ses 50 ans. Marie souffre de diabète sévère et ne peut pas travailler. Son unique revenu, 700 euros par mois d’allocations familiales. Elle élève seule son fils de 17 ans.
Le Secours Populaire, ça m’aide énormément. Moralement aussi. Quand je viens ici je vois des gens, je reçois un peu de soutien, un peu de bonheur.
Des réserves au plus bas
La baisse des réserves, Kader Yeklef la constate tous les jours. Ce bénévole est responsable de la logistique alimentaire sur le site de la Blancarde.
C’est lui qui accueille les bénéficiaires, vérifie leurs droits, et encaisse aussi 2,5 € par colis. Petite contribution pour que le Secours Populaire puisse continuer de payer ses charges.
"Avant le Covid, on préparait environ 100 colis par semaine, aujourd’hui, c’est entre 150 et 200", constate le bénévole.
Aujourd’hui, c’est Laurent et Eric tous deux bénévoles, qui préparent les colis : purée, pack de lait, farine, huile, céréales et confiture … Douze produits secs et de première nécessité.
"La semaine dernière, on a eu des œufs et du fromage, c’était bien", explique Laurent. "C’est lourd, c’est physique, mais ça fait du bien", sourit-il en déballant les packs de lait de la pallette distribuée par le fond européen.
Depuis sa retraite, Laurent donne du temps et du réconfort à ceux qui en ont besoin. "J’ai vu une petite fille, qui avait dans sa poche une petite bille bleue. C’était son unique jouet. Quand vous avez vu çà, vous comprenez". Laurent sait que la précarité augmente.
Et avec elle, l’urgence alimentaire. C’est pourquoi le Secours Populaire des Bouches-du-Rhône lance un appel à l’aide : les stocks de nourriture ne suffisent plus face à l’augmentation des demandes.
Un appel au Secours
La crise sanitaire a été un accélérateur de la pauvreté. "Nous sommes confrontés à une augmentation croissante de la demande. Et devant une situation de manque à distribuer, ce qui en découle, c’est l’installation d’une double frustration. D’un côté celle de la personne aidée qui ne reçoit pas suffisamment, et de l’autre, celle du bénévole qui ne peut plus agir. Il y a alors une double rupture dans la chaîne de la solidarité dans le don et dans l’action", constate Monique Lerouet.
Avant la Covid, en février 2019, la permanence soutenait 371 familles. Elles sont aujourd’hui 504.
Travailleurs précaires, étudiants, sans-papiers ou sans-emploi, la crise sanitaire est devenue une crise humanitaire. Et les stocks de nourriture s’envolent.
Pour la fédération des Bouches-du-Rhône, il va manquer 1 mois et demi de stocks, soit 416 palettes de denrées, avant la prochaine attribution budgétaire. Cela équivaut à 16.800 colis.
Il va manquer du lait, du sucre, de la purée. A partir du mois de juin, le Secours Populaire 13 ne sera plus en capacité de distribuer 12 produits par colis. Et ce jusqu'en septembre. C'est pourquoi l'association interpelle les collectivité, les entreprises, les particuliers.
Toute aide est la bienvenue, qu'elle soit en nature ou financière. C'est un véritable appel au secours.
Les bénévoles mobilisés
Malgré la tension qui pèse sur les réserves, on ne baisse pas les bras pour autant.
"Monique, je commence à trier ce sac ?","Monique, est-ce qu’on a un matelas pour cette dame ?","Monique on sort la vaisselle ?"
Monique Lerouet, c’est un peu la géo-trouvetou du Secours Populaire. Chaque jour, les dons de vêtements ou de jouets affluent, alors il faut organiser un temps de décontamination potentielle, trier, réserver pour la grande braderie de juin, voire même pour les cadeaux de Noël prochain. Monique a une place pour chaque chose, une place pour chacun.
On entend rire dans les locaux. On s’affaire, on se croise, on se donne un coup de main, on plaisante avec ces mamans qui viennent au vestiaire acheter pour un euro quelques vêtements aux enfants.
"Il y a une très bonne ambiance ici et beaucoup de gens formidables", sourit Annie, une autre bénévole qui ne voit pas sa retraite ailleurs qu’ici, simplement parce que ça lui fait du bien de faire plaisir.
Chaque jour, cinq à huit bénévoles se relaient pour faire tourner cette incroyable machine de solidarité. Ils sont 21 au total, à donner du temps, de l’énergie et des sourires. Et ils aimeraient, grâce à votre générosité, continuer de distiller un peu de chaleur humaine auprès de celles et ceux qui se battent pour garder la tête hors de l'eau.