Covid-19 : on vous explique la polémique entre le docteur Louis Fouché et la direction des hôpitaux de Marseille

Soutenu par Didier Raoult, il a été entendu jeudi par sa direction, qui lui reproche de nier la gravité de la situation dans les hôpitaux marseillais. Anesthésiste réanimateur à l’Hôpital de la Conception, il se montre très critique sur la gestion de la crise sanitaire dans les médias.
 

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La mortalité du Covid-19, le port du masque, le reconfinement, les tests PCR... Le médecin marseillais affiche depuis le début de la crise sanitaire des positions très critiques sur les mesures gouvernementales. Anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de la Conception à Marseille, il a dû s'expliquer jeudi 5 novembre auprès de sa direction. On vous explique pourquoi il y a de la friture sur la ligne entre l’AP-HM et ce jeune médecin très militant.

1. Qui est le docteur Louis Fouché ?

Taxé de "complostiste" et de "rassuriste" par ses détracteurs, salué pour son courage par ses défenseurs, ce jeune médecin anesthésiste-réanimateur est en poste à à la Conception, l'un des quatre établissements de l'Assistance Publique des Hôpitaux Marseillais.

Initiateur du collectif Réinfo Covid qui regroupe environ 400 médecins, chercheurs, soignants et citoyens à travers la France, le docteur Fouché a signé la tribune publiée par Médiapart dénonçant les mesures gouvernementales en septembre.  

"Je n'ai pas de conflit d'intérêt, je ne touche pas d'argent, je parle en mon nom de médecin-anesthésiste réanimateur et comme porte-parole de Réinfo Covid, et non pour l'AP-HM", aime souligner le Dr Fouché en préambule de toute interview. 

"On cherche à sortir les gens de la peur, ajoute-t-il, à éclairer les enjeux autour de la crise sanitaire, et à rouvrir l'espace du débat démocratique et scientifique qui est complètement confisqué et verrouillé".  
 

2. Quelles sont les thèses qu'il défend ?  

"Je sais que je porte un discours qui est différent de celui de l'AP-HM, mais je pense que c'est très sain qu'on aille discuter ensemble et confronter les points de vue", explique Louis Fouché reconnaissant être "un peu inquiet" de voir, qu'ailleurs, plusieurs membres du collectif ont été mis à pied par leur direction.

Lors de l'annonce du reconfinement par Emmanuel Macron, le docteur Fouché a récusé l'utilité de cette mesure, comme il l'avait fait au printemps dernier. "C'est disproportionné, affirme-t-il. On a dit fin août qu'il n'y aurait pas de deuxième vague, on a été qualifiés de 'rassuristes' et on s'est trompé. Mais ça reste disproportionné, ça l'était déjà le premier coup".

Selon le médecin réanimateur, les bénéfices du confinement ne sont pas prouvés, alors qu'il induit des effets collatéraux qu'ils jugent dévastateurs pour la santé, le lien social et l'économie.

Le docteur Fouché propose à l'AP-HM de créer un collectif interne à l'institution pour permettre le débat d'idées. Il préconise aussi de cibler les mesures sur les personnes à risque plutôt que les appliquer sur la population générale. "Il faut donner des masques FFP2 aux gens qui sont âgés, aux gens qui sont fragiles, immuno-déprimés, qui ont des comorbidités, hypertendus, diabétiques ou obèses, et même à ceux qui ont peur".

Il remet aussi en cause la létalité du virus qu'il estime surévaluée dans les hôpitaux. "On fait semblant que ça tomber sur n'importe qui, ce n'est pas vrai", assure le docteur Fouché qui ne nie pas pour autant que les services de réa sont "vraiment en tension".
 

Sur les 470 malades en réanimation en PACA,il y en a moins de 20 qui ont moins de 50 ans.

Dr Louis Fouché, anesthésiste-réanimateur


Autre urgence selon lui : arrêter les tests en population générale et laisser les médecins les prescrire, ou encore donner de l'argent à l'hôpital public.  

Soutenu par le professeur controversé Didier Raoult, patron de l'IHU Méditerranée et défenseur de l'hydroxychloroquine, relayé par le professeur Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de Garches et auteur du brûlot "Y a-t-il une erreur qu'ils n'ont pas commise", le docteur Louis Fouché trouve un écho de plus en plus grand, favorisé par les revirements successifs du gouvernement.

3. Pourquoi ses positions sont critiquées ? 

Concernant la létalité de la maladie décriée par Louis Fouché, Sylvie Le Minez démographe à l'Insee, estime dans Le Figaro que la hausse très importante de décès au printemps ne peut certes pas être intégralement attribuée au Covid-19, "mais l'épidémie en est indéniablement responsable en grande partie". La létalité du virus est, quand elle, aussi régulièrement remise en cause par d'autres spécialistes qualifiés de "rassuristes". Mais comme le rappelle Le Monde, ces critiques sont souvent très discutables car basées sur des calculs biaisés.

Quant aux critiques du jeune médecin réanimateur contre le reconfinement, elles sont balayées par le gouvernement. Pour justifier du retour du confinement le 30 octobre, le président de la République a ainsi mis en avant l'explosion des cas positifs qui place toutes les régions au seuil d'alerte. Emmanuel Macron a ainsi souligné que "le nombre de contaminations a doublé en moins de deux semaines". De son côté, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a estimé jeudi le nombre de personnes infectées à "probablement un million". De nombreuses études ont d'ailleurs prouvé que le premier confinement avait eu des effets très positifs pour reprendre le contrôle face à l'épidémie au mois de mars.

De son côté, Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, a déjà annoncé une troisième vague et d'autres encore jusqu'à l'immunité collective vaccinale ou naturelle. Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du conseil scientifique qui guide le gouvernement, a lui annoncé pour sa part "le pic des hospitalisations pour la deuxième semaine de novembre et le pic en réanimation pour la troisième semaine". Pour lui, le confinement est une nécessité et même s'il fonctionne bien, selon les régions, il faut s'attendre selon lui à ce que la circulation du virus soit encore importante à Noël.

4. Comment réagit l'AP-HM ?

Ce jeudi après-midi, le docteur Louis Fouché s'est entretenu avec le président de la Commission médicale d'établissement de l'Assistance Publique des Hôpitaux Marseillais, le professeur Dominique Rossi et le directeur général de l'AP-HM, Jean Olivier Arnaud. L'AP-HM indique que l'anesthésite-réanimateur n'a pas été "convoqué" mais qu'il s'agit d'un échange. 

L'AP-HM veut notamment que le médecin s'explique sur ses propos concernant la létalité du Covid-19 dans les hôpitaux, surévaluée selon lui. A l'issue de la rencontre, l'AP-HM a indiqué dans un communiqué qu'elle "a souhaité rencontrer le Dr Fouché pour des échanges ouverts en vue d’éclairer le rôle de chacun", dans un contexte "de très grandes tensions sur (ses) capacités d’accueil de tous les patients Covid et non Covid et alors que la charge de travail qui pèse sur (ses) équipes est de plus en plus lourde".

L’AP-HM rappelle que ses 16 000 professionnels "bénéficient dans le cadre privé de la même liberté d’expression que tout citoyen" soulignant cependant qu'elle doit s'exercer "dans le respect des missions et des obligations du service public hospitalier".
 
Inquiets d'éventuelles sanctions, les partisans du docteur Fouché avaient appelé à un rassemblement de soutien devant les locaux de la rue Brochier au moment de la réunion. 

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