L'infectiologue marseillais Didier Raoult fait appel devant le Conseil d'Etat pour contester la décision de l'Agence du médicament de ne pas autoriser largement la prescription d'hydroxychloroquine contre le coronavirus, qui va tarir ses capacités d'approvisionnement.
"Je ferai appel en Conseil d'Etat et j'ai décidé d'attaquer le directeur de l'ANSM car il joue un jeu dangereux pour la santé des Français". Tels sont les termes du Pr Didier Raoult, directeur de l'IHU Méditerranée Infection, lancés mercredi 4 novembre, dans une vidéo publiée sur le site de l'IHU.Ce dernier conteste la décision de l'Agence du médicament de ne pas autoriser largement la prescription d'hydroxychloroquine contre la Covid-19, qui va tarir ses capacités d'approvisionnement. Le Pr Raoult a mis au point, en début d'année, lors de la première épidémie, un traitement à base de cette molécule pour lutter contre le coronavirus.
Mais l'efficacité de l'hydroxychloroquine ayant été remise en cause par de nombreuses études mondiales, l'Agence du médicament (ANSM) a refusé le 23 octobre, de délivrer une recommandation temporaire d'utilisation (RTU) qui aurait permis une utilisation plus étendue de cette molécule.
Plainte pour "mise en danger de la vie d'autrui"
Le professeur Didier Raoult a donc déposé un recours devant le Conseil d'Etat, en fin de semaine dernière. Ce recours au fond ne devrait pas être examiné très rapidement. "Une plainte au pénal pour prise illégale d'intérêts et mise en danger de la vie d'autrui visant le directeur de l'ANSM, Dominique Martin, est par ailleurs en préparation", a précisé l'avocat de l'infectiologue, Fabrice Di Vizio.L'hydroxychloroquine est commercialisée en France par le laboratoire Sanofi sous le nom de Plaquenil, mais pour d'autres maladies comme des rhumatismes ou certains lupus.
La prescription par un médecin d'un médicament hors des indications prévues par l'autorisation de mise sur le marché (AMM) doit se faire "au cas par cas", en informant le patient des risques encourus et du non remboursement, et la mention "hors AMM" doit figurer sur l'ordonnance.
La recommandation temporaire d'utilisation (RTU), qui donne accès au remboursement, vise une prescription hors AMM massive, au-delà de la prescription au cas par cas. D'où la demande l'IHU Méditerranée Infection, qui a de très nombreux patients et rencontre des difficultés d'approvisionnement.
Sanofi a confirmé qu'"en dehors d'un tel cadre (RTU) et en l'absence d'essai clinique dûment autorisé, nous sommes tenus de nous conformer aux obligations qui sont les nôtres concernant la mise à disposition de notre spécialité Plaquenil".Actuellement nous ne pouvons plus traiter tous les patients qui arrivent. Donc nous allons commencer à faire du tri, comme les réanimations, pour traiter en priorité ceux qui ont le plus de risque vital
Le laboratoire continue donc "de livrer les quantités standard que nous avions habitude de livrer avant la pandémie (qui n'ont rien à voir aux quantités sollicitées dans le cadre de la Covid-19)", a-t-il ajouté.
"Sanofi n'a pas à savoir à quoi nous utilisons les médicaments que nous recevons dans un hôpital", a rétorqué de son côté le Pr. Raoult.
"Deux poids, deux mesures"
Après le refus de l'ANSM, le directeur de l'IHU Méditerranée Infection avait dénoncé sur Twitter un "deux poids deux mesures" de l'agence, destiné selon lui à favoriser l'antiviral remdesivir (Gilead) au détriment de l'hydroxychloroquine.Malgré encore plusieurs incertitudes sur l'efficacité du Remdivisir, relevées notamment par la Haute autorité de santé, la molécule du laboratoire Gilead a reçu début juillet une autorisation conditionnelle de mise sur le marché européen pour les formes graves de Covid-19, sous le nom de Veklury, sa marque commerciale.
Il bénéficie en France d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) de cohorte, une autre procédure permettant à certaines catégories de malades d'utiliser des médicaments pas encore mis sur le marché.