Les "neurones des caresses" sont au cœur de son travail. Sophie Ugolini passe à la loupe les systèmes nerveux et immunitaire et étudie comment ils s'allient pour réparer les tissus. Cette chercheuse marseillaise vient de recevoir le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller.
Dans son laboratoire du Centre d'Immunologie de Marseille-Luminy, Sophie Ugolini décode les mécanismes des systèmes nerveux et immunitaire. Depuis quelques années, avec son équipe, cette chercheuse tente de comprendre comment les deux se coordonnent pour "sauver notre peau". Plus précisément pour cicatriser les lésions des tissus et monter la garde contre les infections. Par le biais des neurones sensoriels, les caresses pourraient jouer un rôle d'activateur.
Les caresses activent les neurones
Après ses recherches sur le coronavirus, cette immunologiste, directrice de recherche à l'Inserm s'attaque ici à un sujet plus doux : le rôle régulateur du système nerveux dans l'immunité, qui intervient non seulement dans l'élimination des bactéries ou des virus, mais aussi dans la réparation et la cicatrisation.
"Les neurones sensoriels régulent l'inflammation et lorsqu'ils sont absents, la réponse contre le virus est moins bonne", explique Sophie Ugolini, "donc nous avons pensé que les caresses en elles-mêmes pourraient avoir ce rôle d'activation des neurones et cette connaissance peut avoir des conséquences intéressantes sur la santé".
L’activation des "neurones des caresses" pourrait avoir des effets sur la cicatrisation et la réponse antivirale.
Sophie Ugolini, chercheuse en immunologie à l'INSERMFrance 3 Provence-Alpes
Au cœur de ce processus, la molécule "Tafa 4" qui naîtrait de la stimulation des neurones et donc des effleurements de la peau. Au travers ces recherches," nous allons identifier d'autres molécules produites, étudier pourquoi elles jouent ce rôle et comment ça marche", expose Sophie Ugolini, "si elles ont des vertus thérapeutiques, on pourra peut-être les injecter ailleurs dans le corps et les utiliser pour d'autres indications dans d'autres traitements".
La caresse sur une plaie elle-même est à déconseiller, car sur une inflammation, elle peut être douloureuse. Je l'envisage plutôt périphérique, à côté et autour de la zone lésée.
Sophie Ugolini, immunologisteFrance 3 Provence-Alpes
La confirmation expérimentale de cette découverte constituerait une avancée pour les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques et auto-immunes : "Dans les deux cas, le système immunitaire s'attaque aux tissus sains", précise la chercheuse marseillaise, qui affirme avec prudence que "l'on pourrait utiliser cette molécule, parce qu'elle joue sur une sous-population de cellules qui s'appellent les macrophages. Et pouvoir les reprogrammer serait très intéressant ".
Cinq ans pour avancer
Des caresses pour réparer les brûlures et les autres lésions de la peau : un projet qui a convaincu la Fondation Bettencourt Schueller. Grâce à son programme Impulscience, placé sous le parrainage d’Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie, Sophie Ugolini et son équipe de 10 chercheurs va bénéficier de 2.3 millions d'euros sur cinq ans pour lui permettre de développer son projet de recherches.
"C'est un budget conséquent, plus important, que celui que l’on obtient habituellement en France, ce qui autorise à être ambitieux, confie Sophie Ugolini. Voilà qui devrait permettre de recruter des chercheurs, des ingénieurs, mais aussi de financer des appareils et de la technologie qui demeurent très coûteux. Une enveloppe bienvenue donc pour son laboratoire et surtout du temps "pour décortiquer des mécanismes et aller jusqu'à des propositions de thérapies".