Un rassemblement s'est tenu à 14 heures 30 à Marseille en réponse à l'appel national d'associations et de syndicats pour lutter contre les violences faites aux femmes.
De la gare à la préfecture, environ 300 manifestants ont marché à Marseille ce samedi 25 novembre 2023. "Violences contre les femmes, stop!!!", "l'abolitionnisme n'a jamais tué. Le système prostituteur tue tous les jours !", "des moyens contre les violences", "l'esclavage existe toujours, mais il ne repose que sur les femmes". Les pancartes sont multiples à Marseille. Portées par des femmes, beaucoup de Kurdes, des hommes, des enseignantes, des militants. Ensembles, ils marchent contre les violences sexistes, contre la lesbophobie, contre les discriminations sexuelles, contre les féminicides. "Notre soutien va à toutes les femmes dans le monde, premières victimes avec les enfants des conflits armés. Nous manifestons particulièrement notre soutien aux femmes d'Ukraine, de Birmanie, de Palestine, d'Israël, du Haut-Karabakh", indique l'appel de l'association Grève féministe signé par des collectifs et syndicats.
Cette année, cette journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes est axée sur les violences au travail. Line par exemple, travaille depuis six ans dans la restauration à Marseille. Elle raconte à notre équipe de journalistes de France 3 Provence-Alpes : "un jour, j'ai demandé à un client de se décaler et c'est parti en violences physiques et menaces de mort."
Assises en terrasse, deux Marseillaises, serveuses, complètent : "souvent des gens bourrés se permettent des choses". Elles assurent devoir faire attention à leurs employeurs et s'assurer de travailler au sein d'une équipe soutenante. Car "on vit de l'humiliation dans la restauration, mais aussi dans la rue. Et demander de l'aide est compliqué parce que ça veut dire qu'on est vulnérables".
Des lois existantes mais insuffisantes
Dans le cortège marseillais, Caroline Chevé, secrétaire départementale FSU13 : "on a déjà une réglementation qui existe qui est parfois favorable, mais loin d'être appliquée, donc la première revendication est d'appliquer les textes." Elle précise que "seulement 45% des communes ont un plan d'action pour lutter contre les violences faites aux femmes : c'est trop peu."
Même constat au niveau national. Associations et syndicats réclament des actes et des moyens pour combattre les violences sexistes et sexuelles au travail. Le 12 avril, la France a ratifié la 190ᵉ Convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Pour les syndicats et associations, cette signature est insuffisante : "nous demandons au gouvernement de franchir une nouvelle étape en matière de prévention, d’obligations et de sanctions pour lutter contre ces violences et renforcer la protection des victimes".
30% des salariées ont déjà été harcelées ou agressées
Dans un communiqué intersyndical, il est rappelé que 30% des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail. 70 % de ces victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur. Pour celles qui parlent, c’est souvent la double peine : 40 % estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée, voire un licenciement.
Ces violences ne cessent d'augmenter, tout comme le nombre de victimes de violences conjugales depuis 2016.
En France en 2022, les services de sécurité ont enregistré 244 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2021.
Sanctions aux entreprises, interdiction de licenciement : les neuf propositions des syndicats
Concrètement, neuf points d'amélioration sont demandés par les syndicats nationaux :
- La mise en place de sanctions pour toutes les entreprises et établissements qui n’ont pas de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles et de dispositif de signalement négocié.
- Des droits pour protéger les victimes de violences conjugales : abrogation des jours de carence en cas d’arrêt maladie, interdiction de licenciement, droit à absences rémunérées pour faire ses démarches, droit à la mobilité géographique et fonctionnelle.
- L’obligation de formation des personnels des ressources humaines, personnels encadrants, élu·es dans les instances représentatives du personnel.
- Des moyens pour que les référent·es harcèlement/violence et les élues VDHA (violence, discrimination, harcèlement, agissement sexiste) puissent jouer leur rôle syndical : prérogatives clairement définies, temps de délégation, formations.
- L’obligation annuelle d’une sensibilisation sur les violences sexistes et sexuelles auprès de l’ensemble des salarié·es sur leur temps et lieu de travail.
- L’obligation de mise en place de dispositifs de prévention spécifiques pour les travailleuses et travailleurs les plus vulnérables et notamment les jeunes, les précaires, les personnes LGBTQIA+, les travailleuses de nuit ou en milieu non mixte.
- Des droits pour que les victimes de violences sexistes et sexuelles travaillant dans des entreprises sans représentant·e du personnel puissent être défendues et accompagnées par un syndicat face à leur employeur.
- Un accès aux soins garanti avec le remboursement à 100 % des consultations en psychotraumatologie pour les victimes.
- La construction d’un baromètre annuel pour évaluer le ressenti des salarié·es et des agent·es sur les violences sexistes et sexuelles au travail – qui pourrait être mis en œuvre par exemple par le Haut Conseil à l’Égalité.
Toutes les villes de France ont été appelées à manifester.
Les promesses d'Emmanuel Macron
De son côté, le président de la République a publié un "message important en ce jour de mobilisation contre les violences faites aux femmes" sur son compte X.
Message important en ce jour de mobilisation contre les violences faites aux femmes. pic.twitter.com/MU6tfDu2mZ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 25, 2023
La "persistance de la violence faite aux femmes n'est pas une fatalité", "nous devons y mettre fin et nous allons le faire", a déclaré le président de la République dans cette vidéo. Il a énuméré les actions déjà mises en place (élargissement des horaires du 3919, mise en place d'une plateforme numérique d'accompagnement, facilitation du dépôt de plainte, augmentation du nombre d'enquêteurs dédiés, déploiement de "téléphones grave danger" et de "bracelets danger immédiat", création de places d'hébergement d'urgence) et s'est félicité d'efforts "qui ont porté leurs fruits".
121 féminicides dans un cadre conjugal ont été comptabilisés cette année par les associations, un chiffre qui a déjà dépassé les 118 officiellement recensés pour toute l'année 2022.
Aide financière d'urgence pour les victimes
Le décret d'application de la loi instaurant une aide financière d'urgence pour les victimes de violences conjugales, votée en février au Parlement, est paru au Journal officiel samedi. Ce soutien financier, de 250 à 1 300 euros, sera versé à compter du 1ᵉʳ décembre. Il a pour but d'aider les victimes de violences conjugales à faire face à des dépenses urgentes en cas de mise à l'abri et de séparation, en attendant de trouver des solutions durables.
#ViolencesFaitesAuxFemmes
— Bérangère Couillard (@BCouillard33) November 25, 2023
Nous continuons d’agir pour protéger les femmes et faciliter la séparation avec leur agresseur :
✅ Pack Nouveau départ
✅ Aide financière d’urgence de 250€ à plus de 1300€
✅ Ordonnance de protection en 24h#les4V #25Novembre pic.twitter.com/rWf7yRqBKs
Le gouvernement va également tester dans cinq départements un "pack nouveau départ", avec un agent de la CAF chargé "d'organiser, avec les associations locales, le départ des femmes", a déclaré la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, samedi sur France 2. "Il y a encore trop d'allers-retours avant que les femmes puissent quitter définitivement le domicile et donc se séparer de leur agresseur", a-t-elle souligné.
Avec AFP et Laure Bourgoin.