Effet confinement : à Marseille, des cimetières envahis par les hautes herbes

Des tombes perdues dans les herbes. Au cimetière du Canet à Marseille, la nature a repris ses droits, jusqu'à l'envahissement du site. Un décor sauvage, qui désole les visiteurs. Car si le phénomène a été accentué par le confinement, plusieurs habitués assurent qu'il n'est pas nouveau.

C'est le décor parfait d'un film d'horreur. Les cimetières marseillais, fermés durant deux mois, ont été laissés à l'abandon le temps du confinement.

Résultat, au cimetière du Canet dans le 14e arrondissement, les hautes herbes et les plantes sauvages ont envahi les allées, leur donnant des airs de lieux abandonnés.

"Ma mère en a pleuré". Quand Marjorie Di Meglio et sa maman se sont rendues sur la tombe de sa grand-mère le 20 mai dernier, elles sont tombées des nues.

Des herbes hautes partout, des tombes inaccessibles... "C'est impossible de se recueillir dans un lieu pareil", se désole-t-elle, encore émue. "C'est complètement à l'abandon".

Dans le contrebas du cimetière, Géraldine* partage le même désespoir. Alors ce mardi matin, elle a décidé de prendre elle-même les choses en main.

Avec son balai, elle s'active à déblayer la tombe de sa tante. "J'ai passé la matinée à enlever les herbes hautes. Ensuite, je ferai celle de ma maman un peu plus haut".

Le fléau date-t-il vraiment du confinement ?

La Marseillaise connaît bien ce cimetière. Elle y a travaillé en tant que gardienne durant sept ans. Depuis, elle y vient toutes les semaines pour se recueillir.

Selon elle, le phénomène ne date pas du confinement. "C'est comme ça depuis plusieurs années. Les cantonniers ne passent plus. Et c'est pareil partout à Marseille : à Saint-Pierre, c'est une catastrophe", affirme-t-elle. 

Consternée, elle pose son balai et lève les yeux au ciel, face au champ d'herbes folles qui l'entoure. "C'est triste. Quand je vois ça, je me dis qu'il vaut mieux être incinéré".

Les herbes hautes sur les tombes, Marjorie Di Meglio en a vu aussi, bien avant le confinement. En février dernier, précisément explique-t-elle.

A l'époque, la jeune femme de Septèmes-les-Vallons s'était déjà indignée de la situation. Elle avait pris en photo les sépultures, perdues dans les broussailles.
La jeune femme est formelle. La nature a peut-être pris davantage de liberté durant la fermeture, mais le confinement n'y est pour rien.

"Ce cimetière est mal entretenu depuis toujours. Dans les allées, il y a des plaques tombales cassées qui traînent, et le gravier n'est pas renouvelé depuis neuf ans. Tout au long de l'hiver, les feuilles mortes recouvrent les caveaux".

Le gardien du site réfute ces accusations. Agacé par les interrogations, l'homme en jeans et sweatshirt l'assume, il n'aime pas "les mauvaises langues".

Sur la défensive, il s'empresse de justifier : "C'est le confinement, rien de plus. Avant les deux mois de fermeture, le cimetière était parfaitement entretenu ! Et maintenant, on travaille pour le remettre au propre".
 

Ils passent à la va-vite et repartent sans avoir fait le quart du travail.

Au bout de l'allée, dans un coin du cimetière, un cantonnier passe justement la débroussailleuse. "Vous voyez, on entretient les lieux", insiste le gardien en montrant la parcelle défrichée. 

Quelques instants plus tard, le jardinier repart déjà. Il s'en va vers un autre cimetière marseillais : "Je n'ai pas le temps de tout finir, il faudra repasser", explique-t-il, en prenant la route du cimetière Saint-Pierre. Tiens, justement. 

L'ouvrier s'en va, laissant derrière lui la majeure partie des allées encore envahies par les plantes sauvages. Un travail qui attendra une prochaine fois.

"C'est toujours pareil", se désole une autre habituée du lieux. "Ils passent à la va-vite et repartent sans avoir fait le quart du travail", se lamente-elle.
 
Contactée, la municipalité se contente d'une réponse écrite plutôt expéditive.

"Les règles de confinement fixées par le gouvernement dans le contexte de la crise sanitaire ont interdit à la Ville de Marseille d'assurer l'entretien quotidien des espaces naturels des cimetières depuis le 17 mars 2020".

La ville s'en remet au confinement, mais pas que. Le communiqué poursuit : "L'obligation depuis janvier 2020 de ne plus recourir, conformément à la législation, aux produits phytosanitaires en imposant d’envisager une gestion différenciée des espaces verts, s'est ajoutée à cette contrainte. Les services de la Ville de Marseille adapte donc ses dispositifs d'entretien face aux contraintes techniques et sanitaires de la période".

L'interdiction depuis janvier d'utiliser des produits phytosanitaires chimiques dans les espaces verts serait la cause du mauvais entretien des cimetières, selon la ville.

Marjorie Di Meglio, qui avait alerté la mairie le 22 mai, a reçu mot pour mot la même réponse.

"Leur réponse est complètement à côté de la plaque. Le confinement n'a pas du tout empêché aux paysagistes ou jardiniers de bosser, au contraire ! Le cimetière est grand, ils auraient pu travailler sans aucun risque".

Quant à l'interdiction d'usage de désherbants chimiques, la réponse fuse aussitôt : "Il existe des produits phytosanitaires naturels à la pelle," s'exclame la jeune femme.
Reste un constat. Au Canet, de nombreuses tombes ont disparu sous les feuillages. Confinement ou non, aujourd'hui, certaines allées ne sont plus praticables.

Dans ce champ sauvage, les bouquets de chrysanthèmes ne se distinguent plus. Les plaques tombales sont désormais fleuries par les pissenlits.

*Le prénom a été changé.
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