ENTRETIEN. "Nous sommes des survivants de Marseille capitale culturelle"

Pour mieux comprendre ce que Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013 a légué aux "petits acteurs" culturels de la ville, Stéphane Sarpaux, instigateur du OFF Marseille 2013 répond aux questions de la rédaction.

Dans l'euphorie ambiante de cette année culturelle 2013, les voix discordantes de certains agitateurs avaient tenté de se faire entendre, en vain. Les flonflons de la fête l'avaient emporté sur les grincements des laissés pour compte. Un documentaire réalisé par Nicolas Burlaud du média local Primitivi avait fait du bruit, surprenant la ville encore engourdie par sa gueule de de bois. "La fête est finie" dénonçait les dégâts sociaux de cette capitale européenne et les dangers de son renouvellement urbain.

De son coté le OFF Marseille 2013 avait vu le jour, le premier off de l’histoire des capitales européennes de la culture. Le collectif mettait alors au programme la contre culture avec des manifestations comme le Banquet de Platon, le camping artistique Yeswecamp, le Festival International du Film Chiant, Phocéa Rock ou encore Poubelle moderne.

A la genèse de ce collectif, Stéphane Sarpaux est aujourd'hui le directeur de Marseille 3013 qui vise depuis 10 ans à prolonger la dynamique du off. Péniblement autofinancé, son collectif demeure est un incubateur d'artistes dans un paysage culturel dominé par les grandes structures.

  • Que s'est-il passé quand le rideau est tombé sur cette année capitale de la culture et capitale pour la culture à Marseille ?

Stéphane Sarpaux : on était un peu drogués par l'excitation, c'était un événement exceptionnel, les gens étaient avides et curieux, le public répondait présent, tout était possible ! Et puis dans les dix années qui ont suivi, cela a été la descente aux enfers. Pour 2013, 600 projets ont été sélectionnés, c'était une avalanche de financements publics et puis derrière tous les robinets ont été coupés pendant 3 ou 4 ans. Beaucoup de petites structures n'ont pas survécu. Aujourd'hui il y a toujours un gouffre entre les "gros", arrosés d'argent public et un vivier de petits qui sortent de terre et végètent faute de moyens.

  • Lorsque l'on compare à d'autres villes labellisées capitale de la culture, Marseille fait-elle figure de mauvais élève? 

Il n'y a pas qu'à Marseille que la puissance publique n'a pas su capitaliser sur la capitale européenne. En revanche Lille 2004 en a fait un levier pour pérenniser son action culturelle avec de nombreuses manifestations. Ici, cela n'a pas fonctionné. D'ailleurs, on l'a vu avec les mécènes. Les entreprises qui avaient mis la main à la poche à un moment où la culture était porteuse en terme d'image se sont envolées dès la fin de l'année 2013. Elle n'ont pas vu l'intérêt de poursuivre là où les pouvoirs publics se désengageaient.

  • Comment votre collectif Marseille 3013 a-t-il pu s'en sortir dans ce contexte ?

Nous sommes des survivants. C'est un miracle que nous soyons encore là! Il a fallu trouver des solutions pour augmenter notre autofinancement et s'installer dans un local. On a fait appel au financement participatif pour faire des travaux. Nous avons accepté des missions en dehors du monde artistique pour alimenter les caisses comme monter des stands dans des congrès. Aujourd'hui, nous offrons un lieu d'exposition à des artistes et à des porteurs de projets, sans aucun jugement, sans critère qualitatif ni exigences. Nous les accueillons comme nous aurions aimés être accueillis en 2013.

Les attentats de 2015, Charlie Hebdo, Nice, ont changé la donne avec une sécurisation massive de l'espace public qui a tout verrouillé.

Stéphane Sarpaux

à France 3 Paca

  • L'espace public avait été ouvert pour la première fois à des manifestations culturelles en 2013, 40 % des manifestations se sont déroulées dans la rue. Que reste-t-il de cet élan? 

Malheureusement, il est devenu difficile d'accéder à l'espace public mais cela n'a rien à voir avec la  culture, c'est de la peur qu'il s'agit. Les attentats de 2015, Charlie Hebdo, Nice, ont changé la donne avec une sécurisation massive de l'espace public qui a tout verrouillé. Pour les arts de la rue notamment, c'est devenu compliqué. Par contre, de grands évènements ont pu trouver leur place sur les plages du Prado, c'est cela résulte certainement  de cette réappropriation de l'espace public durant l'année capitale.

  • Quel héritage culturel Marseille2013  a-t-elle légué à la ville ? 

Cette année là, la culture a été un phénomène de mode, avec un début et une fin. Par opposition, une politique a pour objectif de s'inscrire dans la durée. A défaut, il ne reste pas grand chose lorsque la bulle s'est crevée. Le Mucem reste la plus visible des réussites. De notre coté,  Yeswecamp, incubé par le OFF Marseille 2013 a poursuivi son chemin jusqu'à Paris mais le J1, reste un échec cuisant. Ce hangar portuaire transformé avec un grand succès en espace culturel  et fermé en 2014 va devenir un hôtel 5 étoiles avec piscine. Pour preuve qu'à Marseille, on privilégie clairement le tourisme balnéaire à la culture.

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