À seulement un mois du bac, certains lycéens de l'UNL 13 dénoncent leur manque de préparation et jugent l'épreuve du grand oral "totalement dénué de sens". De son côté, à Martigues, un collectif de professeurs s'est associé à un courrier de collègues de Saint-Brieuc contre la réforme Blanquer.
"Comment la Covid a-t-elle affecté la santé mentale des étudiants en France ?" et "Quels sont les nouveaux moyens pour militer dans le féminisme aujourd'hui ?"
Camille a ses questions en tête depuis longtemps, elle les a soigneusement choisi "en fonction de [sa] personnalité".
Pourtant, à l'approche du grand oral, le stress monte : "C'est surtout la présentation qui me fait peur. Dans les cinq premières minutes, je serai interrogée sur ma présentation. Mais les dix dernières, ce sera sur les chapitres étudiés cette année. Et là je vous avoue que je décroche totalement."
qd on va arriver devant le jury du grand oral pic.twitter.com/FBFKZXmn7E
— amico (@amc_adri) May 24, 2021
Avant de poursuivre au nom de ses camarades : "On n'a plus de motivation, on n'enregistre plus rien !"
Camille, élève en terminale au lycée Montgrand à Marseille, fait partie de ceux qui se sont mobilisés avec l'UNL 13 au début du mois pour demander l'annulation des épreuves. Mais malgré le blocus de son lycée pendant une semaine, elle passera d'ici un mois le grand oral et l'examen de philosophie. "Aux alentours du 17 juin mais on n'a aucune information" lâche-t-elle.
"Cet oral, c'est du grand n'importe quoi"
À Martigues, même son de cloche. Mais cette fois, du côté des professeurs. Le collectif SNES du lycée Langevin a fait savoir son mécontentement en s'associant au courrier de ses collègues de Saint-Brieuc, en Bretagne.
Dès les premières lignes de cette lettre adressée au ministre de l'enseignement, aux recteurs et inspecteurs de l'Académie, le ton est donné : "Nous vous écrivons pour vous faire part de notre désarroi, de notre colère et de notre dégoût, et probablement en des termes que notre hiérarchie trouvera inconvenants."
S'en suit un inventaire de tous les dysfonctionnements qui se sont aggravés dans l'Éducation nationale depuis maintenant plus de trois ans et la dernière réforme de Jean-Michel Blanquer.
Jean-Pierre Zoroddu, enseignant de mathématiques et délégué SNES de l'établissement martégal, fait partie des signataires.
"Le ton est rude mais aproprié à la situation dans laquelle on se retrouve. 30 de nos collègues (sur 120) ont décidé d'approuver ouvertement un texte très dur envers notre hiérarchie. C'est un acte fort qui dénote d'un certain malaise dans notre profession depuis la marche forcée, effectuée sans aucune concertation, de la réforme Blanquer", se justifie-t-il.
Parmi les principales préoccupations évoquées : des moyens d'enseignement réduits et un flou qui règne autour du grand oral.
Les consignes semblent confuses et ambiguës. "Elles sont carrément inexistantes. J'ai eu une formation à distance pour le grand oral qui n'a duré qu'une heure seulement" s'insurge Jean-Pierre Zoroddu.
Lui et ses collègues ont reçu leur convocation pour un stage de formation plus poussé. Problème : il aura lieu le 11 juin prochain, date de fermeture du lycée.
"C'est un comble. On doit préparer des élèves à un oral sans connaître à l'avance les attendus et les exigences. Qu'est-ce qu'on doit examiner ? Comment doit-on les évaluer ? On n'en sait rien !"
D'après lui, la réfome "contre laquelle la majorité des enseignants s'est levée" est un "raté complet". Spécialités et épreuves communes annulées en plein milieu de l'année du fait de la pandémie... Il ne reste que le grand oral comme lot de consolation.
"C'est le dernier totem de Monsieur Blanquer. La seule chose qui lui importe, c'est que ce dernier soit maintenu, et ce au mépris de l'intérêt des élèves" déplore-t-il. Avant de traiter cet examen de fabulation ou encore de simulâtre.
Mais ce qui l'inquiète surtout, c'est le retard accumulé sur le programme alors que la fin de l'année approche à grands pas.
Une crainte partagée par Camille, lycéenne à Marseille. Au bout du téléphone, elle soupire d'une voix lasse : "Le problème, c'est que les profs prennent de leur temps de cours pour qu'on travaille notre élocution. Mais je ne vois pas l'intérêt de préparer un oral, si cela se fait au détriment de notre programme. Surtout qu'il s'agit de nos spécialités, elles sont censées être plus importantes dans notre cursus. On a dû faire 7 chapitres sur 14, vous trouvez ça normal ?"
Avec un lycée en demi-jauge depuis novembre dernier, les élèves n'ont cours qu'un jour sur deux. "Sur les 16 notions que je devais aborder en spécialité mathématiques, je n'en ai vu que 9. La solution ? Annuler cet oral qui n'a aucun sens pour espérer rattraper autant que possible ce retard. Il en va de la réussite des gamins dans le supérieur !" continue Jean-Pierre Zoroddu.
Avec la réforme, les enseignants ont perdu trois heures de cours par classe et par semaine. "On nous enlève du temps au moment même où l'on doit fournir le plus de choses. On est de plus en plus en colère face à ces contradictions" s'exprime le professeur de mathématiques.
Jean-Pierre Zoroddu, très remonté, finit l'entretien téléphonique en évoquant la "pseudo loyauté des inspecteurs" : "Ils savent très bien que ce qu'on nous demande est imposssible à faire. D'ailleurs, ils nous le disent à demi-mot !"
Malgré les nombreuses remontrances, les épreuves du baccalauréat, elles, devront se tenir d'ici 4 semaines.