Dans une tribune publiée par Le Monde, des sociétés médicales dénoncent le plus grand essai clinique sauvage jamais mené et appellent les autorités à réagir.
Seize sociétés médicales dénoncent un "essai clinique sauvage", mené sur plus de 30.000 patients traités à l’hydroxychloroquine à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille sous la direction du professeur Didier Raoult, dans une tribune publiée dans Le Monde ce dimanche 28 mai.
Il est reproché aux équipes du professeur Raoult "la prescription systématique, aux patients atteints de Covid-19 (...) de médicaments aussi variés que l'hydroxychloroquine, le zinc, l'ivermectine ou l'azithromycine (...) sans bases pharmacologiques solides, et en l'absence de toute preuve d'efficacité".
"Ces prescriptions systématiques ont été poursuivies, ce qui est plus grave, pendant plus d’un an après la démonstration formelle de leur inefficacité", s'insurgent les signataires, soulignant qu'elles ont été réalisées "en dehors de toute autorisation de mise sur le marché, mais aussi en dehors de tout cadre éthique ou juridique".
Pour le collectif, il s'agit "vraisemblablement le plus grand essai thérapeutique "sauvage" connu à ce jour".
Dans cette tribune, ces spécialistes dénoncent le silence et l'inaction des autorités sanitaires, malgré leurs alertes réitérées sur de graves effets indésirables.
Interrogé par Le Monde, le pneumologue et pharmacologue Mathieu Molimard, chef de service du CHU de Bordeaux à l'initiative de la tribune, qualifie les travaux de l’IHU de "déviance scientifique doublée d’un scandale en raison de l’inaction des autorités".
L'ANSM envisage de saisir la justice
Dans un mail, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a indiqué qu'elle "poursuit ses analyses et saisira, le cas échéant, de nouveau la justice, si ces dernières mettent en évidence des manquements à la réglementation des essais cliniques."
C'est la publication d'une étude co-signée par le professeur Raoult, le 4 avril dernier, sur le site MedRxiv, qui a déclenché cette nouvelle attaque contre l'infectiologue marseillais. Le texte, publié en "pré-print", sans relecture par des pairs, décrit le suivi de 30.423 patients Covid-19 traités à l'hydroxychloroquine, entre le 2 mars 2020 et le 31 décembre 2021.
Le professeur Raoult s'en est fait l'écho sur Twitter le 25 avril : "Etude des 30.000 cas de Covid 2020-2021, efficacité de l’Hydroxychloroquine et du vaccin pour éviter la mort !".
Une association de victimes en création
Selon le JDD, les victimes s'organisent pour se regrouper au sein d'une association en cours de création.
Dans un Tweet posté le 4 mai dernier, le professeur controversé avait créé la surprise en annonçant que l'hydroxychloroquine ne "marche plus" contre le Covid, spécifiant cependant sur le "variant Omicron de 2022".
Promoteur de traitements à base d'hydroxychloroquine vilipendés par ses pairs pendant la crise sanitaire, le professeur Raoult a quitté la direction de l'IHU Méditérranée à la fin de l'été dernier. Réagissant à cette nouvelle mise en cause, son successeur, Pierre-Edouard Fournier a estimé que "cette étude n’est en aucun cas un essai clinique" sans se prononcer sur ses conclusions.
D'autres procédures en cours
En avril dernier, l'Agence du médicament (ANSM) a estimé que l'utilisation de l'hydroxychloroquine
"expose les patients à de potentiels effets indésirables qui peuvent être graves". Le parquet de Marseille avait ouvert en juillet 2022 une information judiciaire, après un rapport cinglant de l'ANSM, pour "faux en écriture", "usage de faux en écriture" et "recherche interventionnelle impliquant une personne humaine non justifiée par sa prise en charge habituelle". A ce stade, il n'y a pas eu de mise en examen, a indiqué le parquet à l'AFP fin mai.
Après un rapport d'inspection accablant (Igas/IGESR) sur les dérives médicales, scientifiques et managériales de l'IHU sous le pilotage de Didier Raoult, le gouvernement avait aussi annoncé le 5 septembre dernier saisir la justice. Sur ce volet, le parquet de Marseille est toujours en phase d'analyse, a-t-il indiqué à l'AFP. Interrogé dimanche lors du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, le ministre de la Santé,
François Braun, a rappelé que son ministère et celui de l'Enseignement et de la Recherche avaient saisi le procureur sur le mode de fonctionnement de l'IHU de Marseille. "L'enquête est en cours, je n'en dirai pas plus", a-t-il dit. Interrogé pour savoir si l'enquête portait aussi sur le nouvel essai clinique "sauvage", il a répondu: "bien sûr".
Avec AFP.