Le président doit annoncer ce jeudi 2 septembre un plan d'urgence de 1,2 milliard d'euros en soutien des écoles marseillaises, dont l'insalubrité est maintenant dénoncée depuis de longues années. De quoi susciter de hautes attentes, mais aussi des craintes face à l'ampleur de la tâche.
Certains ont vu la pluie pénétrer par les toits, d'autres ont vu la structure s'effondrer sous le poids des années. Il y en a qui ont croisé des rats rasant le sol des couloirs, ou découvert des punaises de lit dans leur dortoir. D'autres, enfin, étudient chaque jour entre des murs imprégnés d'amiante, ou dans des préfabriqués glacés en hiver.
Déjà plusieurs années que des parents d'élèves inquiets alertent sur les conditions indignes, voire dangereuses dans lesquelles leurs enfants sont scolarisés. Sur les 472 écoles de Marseille, la moitié des établissements ont besoin d'une réhabilitation publique, un quart d'entre eux necéssitent même une prise en charge en urgence.
Après de nombreuses rentrées à dénoncer l'inertie de la mairie, un partenariat public-privé controversé n'ayant jamais abouti et des finances exsangues mettant un frein à des travaux d'ampleur, le plan "Marseille en grand" annoncé par le président de la République suscite de hautes attentes ce jeudi 2 septembre.
Pour ce déplacement qualifié d'historique, Emmanuel Macron devrait annoncer l'investissement de 1,2 milliard d'euros de l'État pour participer à la réhabilitation des écoles. Une enveloppe colossale pour la ville, qui devrait permettre d'entamer des travaux dans 200 établissements marseillais.
Des caisses vides à la mairie
Le Printemps marseillais en avait fait l'une de ses priorités de campagne, espérant investir un milliard d'euros pour les écoles, mais la tâche s'est avérée plus difficile que prévu une fois aux manettes de la ville.
La nouvelle équipe municipale a trouvé des caisses vides, une dette abyssale, et les élus ont rapidement dû se rendre à l'évidence : malgré les 30 millions d'euros débloqués en urgence en juillet 2020, ils n'arriveraient pas à surmonter l'ampleur de la tâche sans une aide financière de l'État.
Au mois de mars dernier, Benoît Payan a donc rencontré le président de la République pour réclamer une aide d'urgence de l'État, faisant appel à la "solidarité nationale".
Benoît Payan (@BenoitPayan): "Quand je regardais les écoles [à Marseille] j'avais honte" pic.twitter.com/YQgH2Heqc0
— BFM Marseille Provence (@BFMMarseille) August 31, 2021
"J'ai fait le choix d'aller voir le chef de l'État, il n'y avait pas de raison de maquiller la situation", a expliqué le maire cette semaine sur RMC au micro de Jean-Jacques Bourdin. "Quand je regardais les écoles, j'avais honte", a-t-il ajouté, se félicitant d'entamer ce qui sera le "plus grand chantier local du pays".
Vingt-cinq ans d'inertie à compenser
Isolation thermique des bâtiments, végétalisation des cours de récréation, construction de nouveaux sanitaires... cette réhabilitation du bâti scolaire nécéssitera une organisation et des capacités matérielles conséquentes, pour ce qui s'annonce déjà comme un casse-tête logistique.
"Tout ce que j'espère c'est que les travaux seront bien faits, par des personnes compétentes, et qu'ils permettront de faire travailler des entreprises marseillaises pour bénéficier au tissu local", réagit Séverine Gil, présidente du Mouvement des parents d'élèves des Bouches-du-Rhône.
Impatiente après "25 ans d'inaction", cette maman d'élève engagée place beaucoup d'attentes sur ce plan, tout en espérant que les crédits soient utilisés à bon escient. Elle garde encore en mémoire un plan annoncé en 2016 pendant le quinquennat Hollande, censé répondre à l'urgence des écoles mais avec des fonds alloués, selon elle, "sans contreparties".
Il y a 25 ans d'abandon à rattraper à Marseille : il fallait à tout prix une aide, un renfort de l'Etat.
Faisant face à la colère des parents d'élèves, le maire Jean-Claude Gaudin avait finalement annoncé en 2018 un partenariat public-privé (PPP) estimé à un milliard d'euros. Il devait permettre la rénovation de 34 écoles GEEP, des bâtiments construits sur une structure métallique préfabriquée connus pour leur vétusté.
Conclu avec de grands groupes du BTP, qui auraient piloté l'opération de la construction à l'entretien, le plan avait suscité une levée de boucliers de la part des parents d'élèves, élus et syndicats d'enseignants, qui avaient lutté jusqu'à son invalidation par la justice administrative en février 2019.
Quelle structure pour piloter le chantier ?
Des doutes subsistent encore sur la forme que prendra cette aide, même si de nombreux médias font écho de la création d'une structure ad hoc pour une gestion des fonds partagée entre l'État et la Ville.
Bien que les modalités restent encore à confirmer, la députée LREM Cathy Racon-Bouzon se félicite que ce soutien financier se décline sous cette forme, qui permettrait selon elle d'apporter les ressources techniques et les compétences humaines pour mener ce projet à bien,"sans que l'Etat ne propose un chèque en blanc".
"C'est un espoir pour les enfants marseillais, et un enjeu national pour la deuxième ville de France", ajoute l'élue des Bouches-du-Rhône.
Malgré les espérances que suscitent cet investissement, prévu à priori sur cinq ans, Séverine Gil estime qu'il faudra une dizaine, voire une quinzaine d'années pour mener la réhabilitation jusqu'au bout. Elle souhaite aussi que parents d'élèves, habitants et personnel enseignant fassent partie d'une concertation avant le début de ces travaux.
Ce qu'on espère, maintenant, c'est l'Etat ne lâchera pas Marseille pendant les dix prochaines années. Il faudra absolument y être vigilants.
Au mois d'avril, un budget de 85 millions d'euros avait été validé lors du conseil municipal pour venir en aide aux établissements de la ville. Une somme qui devrait compléter la promesse du chef de l'État, dont on connaîtra les détails jeudi en fin de journée.