Une professeure du conservatoire de musique de Marseille, visée par trois plaintes dont une pour viol, fait l'objet de nouvelles accusations. Un étudiant, convoqué mercredi 13 mars devant un conseil de discipline, se dit victime de représailles pour avoir dénoncé des agissements de cette enseignante, toujours en poste. La direction dément vouloir la protéger.
Les faits ont été révélés durant l'été 2023. Sous couvert de "gestes pédagogiques", une enseignante du conservatoire Pierre-Barbizet à Marseille aurait agressé sexuellement trois étudiants et violé l'une d'entre eux. Tandis qu’une enquête pénale est en cours, de nouvelles accusations sont portées par Gabriel* qui suit les cours de chant lyrique de cette professeure, toujours en poste.
L'étudiant, convoqué mercredi 13 mars devant un conseil de discipline, se dit victime de représailles pour avoir dénoncé des agissements de cette enseignante. La direction dément vouloir la protéger.
Images sexuelles et propos déplacés
Gabriel*, un jeune élève de 19 ans, a réussi le concours en septembre 2023 et intégré le Conservatoire, sans jamais avoir eu vent de l'affaire. Mais dès les premiers cours, il affirme avoir été choqué par les propos de la professeure : "elle nous a prévenus qu’elle allait utiliser des 'images cochonnes' dans sa façon de nous parler et elle employait des phrases déplacées comme 'le son, il faut que ça sorte par le cul', raconte le jeune homme, soulignant qu'elle lui aurait également fait des remarques sur son "tour de taille, très fin."
Gabriel affirme avoir ressenti "qu'une graine était plantée", que "les choses iraient crescendo" et conclut : "j'ai voulu partir vite de cette classe, parce que j'ai eu peur... Je me suis dit, si ça commence comme ça, dans un mois, c'est une main déplacée ?"
J'ai senti le début d'une emprise que j'avais pu voir sur d'autres élèves, car c'est une femme qui a un tel charisme, qu'elle vous écrase par sa présence.
Gabriel, élève du Conservatoire Pierre-Barbizet à MarseilleFrance 3 Provence-Alpes
"Brutaliser verbalement", choquer les élèves, faisait clairement partie de sa méthode, estime le jeune homme. D'abord mal à l'aise, puis "angoissé de retourner en cours ", Gabriel demande le 30 novembre 2023, dans un mail adressé à la direction, à changer de classe, ce que refuse l'administration.
Le 13 février 2024, alors qu'il discutait entre deux cours avec une autre étudiante, Gabriel rapporte avoir été surpris pas la professeure tandis qu'il critiquait sa méthode d'apprentissage. Cette dernière, furieuse, l'aurait vivement menacé de saisir la justice.
"La grande diva est protégée"
C'est ainsi que l'étudiant s'est retrouvé convoqué mercredi 13 mars devant un conseil de discipline, ce qui lui fait dire que "l'on est face à une direction outrageusement partiale, qui ne soutient pas les élèves et si elle ne le dit pas, ses actes le crient à sa place".
Selon son avocat, Me Armand Feste-Guidon, également conseil des trois autres plaignants dans le dossier des violences sexuelles, la direction du Conservatoire a "fait le choix d'étouffer l'affaire et de jouer le pourrissement".
On ne touche pas aux grands artistes, c’est un modèle de pensée ante-Me Too, digne des années 80 ! Mais ils n'ont pas écouté Judith Godrèche ? On ne peut plus faire ça !
Me Armand Feste-Guidon, avocat de plusieurs plaignantsFrance 3 Provence-Alpes
"La grande diva, elle ne peut être accusée de rien, alors qu'elle fait l'objet d'une enquête pénale pour des faits d'agressions sexuelles, et on va taper sur un étudiant qui s'est plaint de sa professeure dans une conversation privée ? J’en tombe de ma chaise ! ", s'indigne l'avocat.
"Aucun élément sérieux pour sanctionner la professeure"
En revanche, pas de malaise ni d'émotion du côté de la direction du Conservatoire qui s'exprime par la voix de son avocat. Me Christophe Pinel affirme que l'établissement a pris toutes les "dispositions possibles pour que l'enseignement se poursuive dans les meilleures conditions pour les élèves", en attendant que justice soit rendue.
Pour l’instant, l'avocat rappelle que, dans un premier temps, l'enseignante visée par les plaintes avait fait l'objet d'une suspension provisoire, mais affirme, à ce jour, ne disposer "d'aucun élément objectif sérieux" dans le dossier pour prendre des sanctions à son endroit.
Il ne suffit pas de crier au loup pour justifier d'une terreur. Aujourd'hui, j'ai l'impression que les médias se font l'écho des cris au loup d'un certain nombre d'étudiants.
Me Christophe Pinel, avocat du Conservatoire Pierre Barbizet de MarseilleFrance 3 Provence-Alpes
Quant à la procédure disciplinaire de Gabriel, Me Pinel répond que l'élève aurait agressé verbalement son enseignante, "un mode de communication inacceptable qui ne peut être celui du lynchage, de l'injure ni de la diffamation".
La direction réfute toute volonté de couvrir des agissements quelconques. Elle affirme, en attendant que la justice tranche, ne pas vouloir "se précipiter à prendre une décision".
Dans la tourmente, Gabriel, qui se dit "soutenu par les autres élèves", envisage aujourd’hui de poursuivre son apprentissage dans un autre conservatoire.
*Gabriel est un prénom d'emprunt