Les parents d'une jeune fille de 16 ans ont porté plainte après une suspicion de piqûre lors du festival Marsatac à Marseille le 11 juin. Les équipes de soin sur place déclarent prendre au sérieux le phénomène, sans parvenir à le matérialiser par des analyses toxicologiques.
Samedi soir à Marseille, Lara, 16 ans, se trouve juste devant la scène du Château au festival Marsatac. La jeune fille est venue écouter le rappeur belge Damso, comme des milliers de jeunes de sa génération. Ce soir-là, le festival affiche complet avec 15.000 festivaliers, Damso y est pour beaucoup.
"Une fille à côté de moi a fait un malaise, j'ai voulu l'aider à se relever parce que tout le monde lui marchait dessus, j'ai voulu l'emmener hors de la fosse sauf que là j'ai senti une piqûre sur mes fesses. Je me suis retournée mais comme tout le monde s'écartait pour laisser passer la fille qui avait fait un malaise, je n'ai pas vu qui était derrière moi."
Les symptômes sous surveillance
Lola se trouve alors avec cinq amies et trois adultes (dont son père), venus les accompagner. Ils décident, par mesure de précaution, de se rendre dans la tente où les pompiers assurent les premiers secours.
"J'avais juste envie de vomir, c'était le principal symptôme", explique Lara, qui n'avait pas bu une goutte d'alcool depuis son arrivée. Sur le stand des pompiers, elle rencontre un médecin pour qui il n'y a pas de doute. Il s'agit bien d'une piqûre.
"On voyait la marque, avec une auréole rouge", indique Lara. Les équipes de secours la gardent en observation une demi-heure, pour s'assurer de l'absence de symptômes de soumission chimique. Les secours lui conseillent de faire des analyses à l'hôpital, de rester sous surveillance six heures et de porter plainte.
De retour à Aix-en-Provence où Lara habite, sa mère, Julie, prend le relai. C'est elle qui l'amène à l'hôpital.
"Quand son père m'a appelée pour me dire ce qu'il c'était passé, j'étais en panique. J'étais à distance et je pensais à toutes les maladies qu'il pouvait y avoir, comme le VIH", relate-t-elle.
Au retour de sa fille, elle regarde et voit une autre trace de piqûre. Aucun doute pour elle : "celle qui était sur la fesse pouvait ressemblait à une piqûre d'insecte, mais celle sur la cuisse, on voyait la marque de la seringue appuyée, avec un rond rouge."
Inquiète, Julie amène Lara aux urgences de l'hôpital d'Aix-en-Provence. Il est deux heures du matin. Les équipes hospitalières d'Aix assurent ne pas connaître le protocole à suivre pour ce genre de piqûre. Ils dirigent Lola et sa mère vers l'hôpital nord de Marseille.
Dépôt de plainte
Il est trop tard pour s'y rendre. Julie décide d'aller directement au commissariat porter plainte. Les policiers lui fournissent un document officiel enjoignant les équipes du centre hospitalier du pays d'Aix de faire des analyses.
Il est 5 heures du matin. Le concert de Damso était à 22h30. Pour le GHB, la drogue généralement suspectée dans ce cas de figure (aussi appelée drogue du violeur), les analyses doivent être effectuées rapidement car le produit n'est plus détectable dans les urines au bout de 12 heures.
Mais Lara et Julie sont fatiguées, elles ont besoin de repos.
Dimanche, la mère et sa fille retournent à l'hôpital d'Aix avec leur document de la police. Il leur faut cette fois-ci attendre que les services de l'hôpital de la Timone, à Marseille, envoient un protocole à suivre aux équipes aixoises.
Un traitement préventif
Julie se sent fébrile, elle a encore envie de vomir. Elle n'aura pas ce dimanche le résultat des analyses de sang et d'urine. En prévention, elle doit prendre un traitement durant sept jours, dont elle ignore le but précis.
"Maintenant qu'il lui est arrivé ça, alors que ma fille a 16 ans et commence à sortir, je vais être stressée parce que ça peut arriver n'importe où", explique sa mère Julie.
Lara aussi explique être "moins à l'aise qu'avant". Le sujet des piqûres est souvent abordé dans son cercle d'amies mais jusqu'à présent, elle ne connaissait aucune victime. Elle avait même hésité à prendre des places de concert pour cette raison.
De son côté, le festival ne souhaite pas communiquer sur le phénomène. Pour l'heure, aucun cas de soumission chimique n'a été détecté officiellement. Aucune seringue n'a été retrouvée.
Des signalements, pas de preuve officielle
Côté pompiers, Rémi Pandolfi, pompier professionnel sur le stand de secours du festival, confirme : "Des personnes sont venues en disant qu’elles avaient eu l’impression d’être piquées. Je ne peux pas dire si elles ont été piquées ou pas. Mais nous, ce qu’on leur conseille c’est d’aller dans un centre de dépistage, par précaution."
Concentrés sur les premiers secours, les pompiers n'ont pas d'outils sur leur stand pour détecter la présence de drogue dans le sang des personnes qui viennent se signaler. "On n'a vu rien de grave, pas de symptômes importants, précise Rémi Pandolfi. Mais on prend tout de même le nom des personnes et on fait remonter cela auprès de l’Agence régionale de santé et du Samu."
Les festivaliers que nous avons interrogés se montrent modérément inquiets. "Je me méfie plus dans les bars ou les boîtes", déclare l'une d'elles. Et une autre d'ajouter : "Il y a toujours des trucs inquiétants partout mais on peut rien faire, on ne va pas se mettre une armure en métal."
Un festival sous étroite surveillance
Pour répondre aux "violences sexuelles et sexistes", Marsatac a été le premier festival à développer dès 2021 une application pour permettre aux victimes ou témoins de ces actes de les signaler en temps réel.
"Il y a trois niveaux d'alerte, détaille Marc Brielles, coordinateur de l'application, 'Je suis gêné.e, je suis harcelé.e, je suis en danger', à chaque signalement tous les bénévoles reçoivent l'alerte".
Pour cette édition de Marsatac, l'application a été téléchargée des centaines de fois. Il est trop tôt pour savoir combien de signalements ont été envoyés.
"S'il s'agit de violences et d'harcèlements sexuels et sexistes, les bénévoles qui ont été sensibilisés par notre parcours en ligne vont pourvoir prendre en charge la victime", explique Marc Brielles.
Si c’est plus grave, on va les accompagner sur le stand où une professionnelle du CIDFF (centre d'information sur les droits des femmes et des familles), va pouvoir intervenir et l’écouter. Après, sur d’autres agressions, on a la chance d’avoir les pompiers qui sont en maraude, qui accompagnent et qui surveillent, ainsi qu'un médecin, qui peut aussi ausculter les victimes et les réorienter vers l’hôpital si besoin."