Au concert de Jul à Marseille ou lors du concert TF1 à Toulon... Les témoignages de victimes de piqûres à la seringue en soirée se multiplient. Mais que risquent les victimes ? Nous avons posé quatre questions à une experte pharmacologue à la Timone.
Samedi 4 juin, 60.000 fans de Jul étaient au Vélodrome pour assister au show du rappeur marseillais. Ce qui devait être une soirée festive a viré au cauchemar pour Antoine, 15 ans. Pris d'un malaise qui pourrait être dû à une piqûre à la seringue, le jeune homme a fini aux urgences, à l'hôpital Saint-Joseph. "C'est très stressant, parce que c'est votre enfant de 15 ans et on vous parle du VIH...", a témoigné son père.
La veille, à Toulon, des dizaines de personnes ont porté plainte se disant victimes de piqûres lors du concert de TF1 "La chanson de l'année" sur les plages du Mourillon. "J’avais la tête qui tournait, les fourmis dans les mains, témoigne une victime. Je n’ai rien senti parce qu’on était trop serré." "Cela fait 6 jours que je ne sens toujours pas ma jambe", raconte une autre.
Les plaintes comme celles-ci pour piqûres à la seringue se multiplient. En trois mois, 350 plaintes ont été déposées sur le territoire français. Le phénomène suscite une grande inquiétude dans la population, mais que risque-t-on vraiment ? Nous avons posé la question au professeur Joëlle Micallef, directrice du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance - Addictovigilance (CEIP-Addictovigilance) PACA Corse.
- Que peut-on dire des analyses qui ont été faites sur ces piqûres ?
L'épidémie de piqûres sauvages attire toute notre attention. Ce qui est essentiel, c’est de rassurer ces jeunes filles, ces jeunes hommes. Car à l’heure actuelle, sur plus d’une centaine de prélèvements effectués, aucune substance n’a été retrouvée, notamment ce fameux GHB dont on entend beaucoup parler, mais aussi d’autres substances qui ont été recherchées de façon exhaustive. Il n’y a aucune substance psychoactive ou autre qui n’a été retrouvée à ce jour.
- Y a-t-il un risque d'infections liées à ces piqûres ?
D'abord, pour rechercher ce risque infectieux, il est important de consulter, que ce soit son médecin traitant, aller aux urgences ou aller dans les centres de diagnostic, les CeGIDD. C'est important, car la piqûre peut être très légère. C’est de la médecine, c’est du cas par cas. Après vous serez pris en charge pour savoir s’il y a un risque avéré, potentiel… c’est important de faire cette démarche.
Ensuite, les risques infectieux avec des seringues, quelques qu’elles soient existaient déjà il y a vingt ans de ça, avec les seringues sur les plages notamment.
Si la seringue a été utilisée avant, c’est un risque lié au fait qu’il y ait du sang ou pas. Donc c’est le VIH, mais surtout les hépatites.
Pr Joëlle Micallef
Il est donc important de se rapprocher d’une aide médicale pour être pris en charge et être mis éventuellement ou pas sous un traitement.
- Les témoignages parlent de personnes incommodées, de spasmes, de douleurs… A quoi cela est-il dû ? Les personnes peuvent-elles souffrir d'un trouble psychosomatique ?
Quand quelqu’un s’est senti agressé par un objet pointu – car parfois on ne sait pas si l'on a été piqué par une seringue – on n'est pas bien. Toute personne qui se sent victime de quelque chose à son insu ne se sent pas bien. Avoir toute une série de manifestations n’est pas étonnant. Si d’autres personnes ont des manifestations, cela amplifie l’intensité de cette perception désagréable.
C’est pour cela que lorsque cela nous arrive, il ne faut pas rester seul, il faut en parler avec d’autres, il faut demander de l’aide médicale pour être pris en charge dans les meilleures conditions.
- Le phénomène se retrouve-t-il ailleurs qu'en France ?
Oui tout à fait, le phénomène n’est pas isolé, il existe dans d’autres régions depuis le début de l’année et également dans d’autres pays d’Europe comme l’Angleterre qui a connu fin 2021 une épidémie de piqûres sauvages.
Cette épidémie a donné lieu à beaucoup d’investigations, judiciaires, toxicologiques, médicales et qui ont abouti aux mêmes conclusions que je vous fais aujourd’hui à savoir : aucune substance psychoactive retrouvée. Il ne s’agit absolument pas de soumission chimique ou d'intoxication au GHB ou autre.