"Grand Palais Chicha Lounge", la première série du réalisateur Florent Sauze dépeint avec tendresse une jeunesse populaire confrontée à la transformation des quartiers. Cette comédie romantique prend pour décor un club à chicha. Le réalisateur de la série dissipe l'écran de fumée en cinq questions.
Tournée à La Ciotat (Bouches-du-Rhône), la première série du réalisateur Florent Sauze, Grand Palais Chicha Lounge, est une comédie romantique. En sélection au festival de la Rochelle en septembre dernier, cette comédie romantique étonnante est à découvrir sur France.tv Slash à partir du 15 décembre.
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France 3 Provence Alpes : choisir un bar à chicha pour décor, ce n'est pas un peu audacieux ?
Florent Sauze: Dans mon idée, il s'agissait un peu de montrer le village d'Astérix contre l'envahisseur romain, sauf que le village d'Astérix, il a finalement une autre gueule, il est métissé (sourire). Ces lieux sont nombreux dans tout le sud de la France, ce sont des cabarets au sens moderne où les gens viennent faire la fête, quelle que soit leur catégorie sociale. Ces lieux populaires se heurtent à des a priori de vulgarité. Les personnages de Jassim et Charlène, qui poussent pour la première fois la porte d'un bar à chicha, découvrent tout un univers et on le découvre à travers leur regard.
Pourquoi avoir choisi des acteurs débutants ?
C'est un véritable challenge que de prendre des comédiens locaux dont c'est la première expérience, mais je ne voulais trahir ni la chicha, ni le sud (sourire). Un acteur parisien "installé", ça ne pouvait pas coller. Je n'allais pas non plus mettre Pierre Niney en patron de bar à chicha même si je le trouve très fort et doué ! Et puis la question de l'accent est essentielle, je viens d'une famille qui a gommé son accent pour s'élever socialement. Or, je crois que c'est important que l'on défende l'authenticité, la sincérité. Si on regarde le rappeur Elams, il n'a pas la technique de l'acteur, mais il joue avec le cœur, et il se situe là, son talent de comédien.
Pourquoi cette importance du rap dans la série ?
Les Français ne sont pas prêts à accepter que c'est ça, la nouvelle variété française, du rap, des mots crus sur des mélodies sucrées. Et puis, il y a une forme de racisme culturel qui empêche les artistes populaires d'accéder aux scènes traditionnelles par les circuits classiques. Donc, ils ont d'autres réseaux. Alonzo, le rappeur marseillais, se produit souvent dans un chicha-club d'Aubagne. C'est son réseau, là où il rencontre son public. Donc, le rap fait corps avec la série. C'est d'ailleurs Spike Miller, producteur de la scène rap marseillaise qui signe la musique originale.
On a du mal à remplacer Johnny par Jul ou France Gall par Aya Nakamura et pourtant ce sont eux qui font danser toute la France !
Florent Sauze, scénariste et réalisateurFrance 3 Provence-Alpes
C'est aussi pourquoi je voulais donner au club un nom majestueux, pour le rattacher à l'élite culturelle française. Aujourd'hui, le summum du luxe, c'est le Louvre... Jay-Z et Beyoncé se sont payé le Louvre ? Eh bien mes personnages Ouarda et Treizor, eux, ils ont leur Grand Palais. Et puis, je trouvais que c'était un pied de nez que de donner un nom de musée à un bar à chicha.
Dans la série, les femmes sont au pouvoir... un personnage féminin pour diriger un club à chicha, c'était réaliste ?
Alors justement, il existe une véritable Ouarda qui tient un bar à chicha en Corse ! C'est certain qu'il y a peu de femmes à cette place, mais c'est un moyen de prendre la masculinité, très attendue dans ce type de sujet, à rebrousse-poil… Et puis la série répond aux codes de la comédie romantique, il ne faut pas l'oublier !
La gentrification qui raye de la carte des lieux populaires qui sont pourtant l'ADN des quartiers, c'est un sujet sérieux pour une comédie, non ?
La transformation des centre-villes et des quartiers est un sujet complexe. Ce n'est pas manichéen, les méchants promoteurs immobiliers parisiens contre les gentils marseillais, ce serait caricatural. J'essaye ici de faire entendre les arguments de deux mondes qui s'opposent. Et c'est pour cela que j'ai choisi comme décor une petite ville, dans laquelle des échanges humains directs sont encore possibles.