Des journalistes réalisent une nouvelle expertise balistique sur la mort de Zineb Redouane

Une nouvelle enquête analyse très précisément la façon dont Zineb Redouane a été tuée, le 1er décembre 2018, à Marseille. Cette enquête-là est journalistique. La trajectoire de la balle du CRS est soigneusement reconstituée. 

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Pendant 11 minutes, une vidéo démontre comment un CRS tire sur Zineb Redouane le 1er décembre 2018. Agée de 80 ans, la vieille dame meurt d’avoir reçu une grenade lacrymogène en plein visage, dans le quartier Noailles. Cette enquête s'intitule "Affaire Zineb Redouane, le symbole de l'impunité policière." 

Deux ans après les faits, des journalistes de Disclose sortent une contre-expertise balistique. Cette analyse contredit formellement l’expertise officielle. Ces journalistes d'investigation collaborent avec Forensic Architecture, un groupe basé à Londres, spécialisé dans l'usage de technologies architecturales pour enquêter sur des cas de violence.

Le film est pédagogique et très précis. On y voit des images tirées d’une caméra de vidéo-surveillance, des photos, des textes et surtout ces fameuses images "architecturales.". On voit le CRS tirer, la trajectoire de la balle est reconstituée, le tir est direct alors qu'il aurait dû être « en cloche », comme le veut le règlement. La grenade est tirée à 30 mètres environ de sa cible, au lieu des 100 mètres réglementaires. Elle arrive à 97 km/heure dans le visage de Zineb Redouane. Une très forte quantité de gaz lacrymogène, destinée à 1000 m2, se répand dans son appartement.

"Le film ressemble exactement à ce que j'avais imaginé" commente son fils, Sami Redouane. "J'ai recueilli plusieurs témoignages après sa mort, on nous a dit qu'elle avait été visée."
 
En mai 2020, la police est mise hors de cause par la justice. Selon ce rapport, le tir est dans les règles :" L’arme a été utilisée selon les préconisations et les procédures d’emploi en vigueur dans la police nationale ".
 

Une plainte est déposée contre Christophe Castaner

Le 19 mars 2019, alors que l'enquête ne fait que commencer, Christophe Castaner intervient dans la matinale de France Inter. A l'époque, il est Ministre de l'Intérieur : "Je ne voudrais qu'on laisse penser que les forces de l'ordre ont tué Zineb Redouane parce que c'est faux. Elle est morte d'un choc opératoire (...) après avoir reçu une bombe lacrymogène qui a été envoyée et qui est arrivée sur son balcon." 
Nous apprenons ce mardi par le journal Le Monde que l'une des filles de Zineb Redouane porte plainte contre Christophe Castaner pour "altération et soustraction de preuves" devant la Cour de justice de la République. 

Une enquête journalistique a-elle de la valeur dans un tribunal ?


Les avocats de la famille vont pouvoir utiliser cette enquête journalistique. "C'est une bonne chose, ça peut faire avancer l'enquête", espère Sami RedouaneMais ce travail n’aura pas la valeur d’une expertise officielle, elle n’a pas été réalisée dans les normes.

Maître Grazzini, avocat du fils de la victime, ne remet pas en cause l’indépendance des juges en charge de cette affaire. Un juge instruit, mais c’est l’Inspection Générale de la Police Nationale, l’IGPN, qui mène les interrogatoires. "Rien n’est fait en profondeur, il faudrait aller plus loin, ce sont dans les détails que se cachent les informations intéressantes", dénonce Brice Grazzini. " Les cinq armes en cause dans cette affaire ont été remises à la disposition d'autres policiers, l'IGPN aurait mieux fait de les saisir pour les expertiser. J'en ai marre de ces méthodes ! "
 

Maître Yacine Bouzrou est l'avocat d’une des filles de la victime :"J’estime que les magistrats en charge de ce dossier ont refusé jusqu’à maintenant de réaliser une enquête." Il demande une enquête "effective" à la juge d'instruction de Lyon, c'est-à-dire une enquête dans laquelle les magistrats acceptent de tirer les conséquences d'éléments de procédure. "Je leur demande de tirer les conséquences des éléments qui existent dans ce dossier et de mettre en examen le policier qui a tué Madame Redouane, pour violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner."

"Il ne se passe rien dans l'enquête depuis un an. A Lyon, la justice reprend tout à zéro, toute l'enquête faite à Marseille",
constate Sami Redouane, le fils de Zineb, qui habite près d'Alger. "Je ne suis pas découragé, je ne me découragerai jamais. Toute la famille s'apprête à combattre, jusqu'à ce que la justice soit faite correctement."
 
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