Justice pour les mineurs : "On peut juger vite, mais ça ne va pas dans le sens d’une bonne justice"

La réforme de la justice des mineurs entre en vigueur ce jeudi. Elle doit permettre de raccourcir la durée des procédures à effectif constant. À Marseille, 800 mineurs sont déférés chaque année. Et de nombreux dossiers sont encore en souffrance dans l'une des plus grosses juridictions du pays.

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"On peut juger vite, mais ça ne va pas dans le sens d’une bonne justice", déclare Florent Boitard, magistrat et délégué régional de l'Union Syndicale des Magistrats (USM).

Désormais, un mineur présenté au parquet sera reçu par le procureur. La réforme repose ensuite sur le principe de césure : une première audience sur la culpabilité, une deuxième audience sur la peine, avec procureur et plaidoiries des avocats. Une éventuelle dernière audience avec le juge des libertés. 

Avant cette réforme, le contact se faisait dans le bureau d’un juge pour enfants. Une audience de jugement classique. Sans plaidoiries, sans procureur. Puis une seconde audience pour la peine.

"Les dossiers de mineurs ne présentent pas de grosses difficultés", explique Florent Boitard. "Ils ne font pas de gros montages financiers pour escroquerie financière. Ils sont jugés pour vol, cambriolage ou vente de cannabis. Et les mineurs reconnaissent très facilement les faits."

Après l'audience de culpabilité, le mineur peut porter un bracelet électronique, être placé sous contrôle judiciaire ou suivre une "mise à l’épreuve éducative".

Placé dans un foyer de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dans une famille d’accueil, un centre éducatif renforcé, il va suivre des stages, reprendre un rythme et des horaires normaux. 

Le mineur sait que sa peine sera prononcée pendant la seconde audience et que son comportement pèsera très lourd sur la décision. "Après cette mise à l’épreuve, on voit parfois que le mineur a complètement évolué. Il a compris. Ça, c’est grâce au temps", commente Florent Boitard

Julie Taxil est avocate et présidente de la commission des mineurs au barreau de Marseille. Ce jeudi après-midi, elle assiste à la toute première audience sous la nouvelle réforme. "La moitié du code de la justice pénale des mineurs a changé", fait-elle remarquer

Tous doivent s'adapter. "Procureurs, magistrats, avocats, greffiers, la mobilisation est remarquable à Marseille. Tout est fait pour s'adapter et pour que ça se passe au mieux", insiste l'avocate, "Certains disent que les mineurs ne sont pas bien accueillis par la justice à Marseille, c'est faux."

Julie Taxil décrit sa spécialité d'avocate pour mineurs comme un engagement quasi idéologique. "La rémunération pèse peu par rapport à notre implication." 

Pour ce qui concerne la réforme "il fallait changer les choses", selon l'avocate, "mais dans la pratique, l'avis des professionnels de terrain n'a pas été suffisamment pris en compte. Surtout dans une très grosse juridiction comme Marseille".   

"La difficulté de cette réforme, c’est qu’on veut aller très vite. On oublie que c’est bien de ne pas aller vite pour un mineur".

Avec la nouvelle organisation, le mineur sera convoqué dans un délai de dix jours à trois mois pour la première audience. Six à neuf mois maximum doivent ensuite s'écouler avant la seconde audience. Actuellement, le délai moyen tourne autour de 18 mois en France. 

Pour suivre ce nouveau rythme, les audiences seront chargées. "Elles vont durer plus tard, les professionnels seront fatigués. La qualité des intervenants compte, la quantité aussi", commente le magistrat. "Les audiences sont doublées", constate l'avocate.  

Les magistrats du syndicat USM ont soutenu le mécanisme de césure. Mais à condition que la réforme soit accompagnée de moyens supplémentaires. "Selon nous, les postes de procureurs et juges pour enfants doivent être doublés. Alors que la réforme se fait à moyens constants."

Un stock de dossier en souffrance

Marseille fait partie avec Bobigny, Lille, Lyon ou Paris des grandes juridictions qui n'ont pas réussi à juger une grande partie de leurs stocks avant l'entrée en vigueur de la réforme. 

Le stock d'anciens dossiers à Marseille ne sera fini d'être jugé qu'en "janvier-février 2023", estime la présidente du tribunal pour enfants, Laurence Bellon. 

Avec la réforme, elle craint "l'asphyxie" alors que les juges des enfants, qui ont la double compétence civile et pénale, ont déjà des délais très contraints au titre de la protection de l'enfance en danger. Laurence Bellon, coordonne 11 juges des enfants. 

Chaque année à Marseille, 800 mineurs sont déférés à l’issue d’une garde à vue. Réservée aux affaires les plus graves, la procédure du déferrement représente, à Marseille, 50 % des ouvertures de procédures. La moyenne nationale est de 20 %. 

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