Sans surprise, le tribunal de commerce de Marseille a mis ce lundi 20 février la société de Gémenos (Bouches-du-Rhône) en liquidation judiciaire, laissant sur le carreau les quelque 650 salariés employés dans les 163 magasins.
"Aucun projet de reprise sérieux n'a pu être soutenu et les dirigeants actuels n'ont pu faire aboutir leur projet d'offre de réserve faute d'investisseur", explique le tribunal, qui a annoncé la cessation immédiate d'activité face "à une situation qu'il n'est plus possible de redresser et s'aggrave de jour en jour."
Samedi soir, les rideaux des magasins se sont ainsi baissés pour la dernière fois, et les coups de fils entre salariés se sont multipliés face à cette liquidation devenue inéluctable. La "détresse" était palpable, raconte Helmi Farhat, secrétaire du Comité social d'entreprise (CSE) et représentant CGT des salariés.
"C'est tellement un choc, on ne s'est jamais retrouvé au chômage", avait réagi mercredi auprès de l'AFP une vendeuse d'un magasin des Bouches-du-Rhône. Le plus dur, "c'est pour les collègues plus âgés, qui ont trente ans de boîte": "Quand on voit des enseignes françaises qui ferment, ça fait peur. Le web, ça nous a tués, et puis une mauvaise gestion aussi", analysait-elle.
"Une page se tourne"
Sur le site marchand, l'enseigne spécialisée dans les chaussures pour femmes et la maroquinerie indique sobrement aux clients qu'"une page se tourne" après "42 années".
Confrontée à d'importantes difficultés, l'enseigne de chaussures provençale avait été placée en redressement judiciaire, à sa demande, le 23 septembre dernier.
Créée en 1981 à Gémenos près de Marseille, la société laisse sur le carreau 650 salariés, employés dans 163 magasins, dont 21 en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Après la liquidation de Camaïeu en septembre, le placement en redressement judiciaire de Go Sport en janvier, suivi de ceux de Gap France et Kookaï en février, l'hécatombe se poursuit pour un secteur du prêt-à-porter mis à mal depuis plusieurs années.
L'espoir d'un sauvetage de San Marina s'était éloigné début février, lorsque ses deux actionnaires avaient abandonné leur offre de reprise, faute de financements suffisants.
Aucune offre ne permettait de sauver les 650 emplois
Stéphane Collaert, qui avait racheté l'enseigne à Vivarte début 2020, et Laurent Portella avaient envisagé de reprendre un peu moins du tiers des 163 magasins San Marina en France, en cédant leur part majoritaire pour attirer d'autres investisseurs, notamment des fournisseurs de l'enseigne, mais sans y parvenir.
Sur la dizaine d'offres de reprise ensuite déposées auprès du tribunal de commerce de Marseille, seules trois avaient été soutenues le 10 février, dont aucune ne remplissait "les conditions de la loi pour être retenue en redressement judiciaire", avait expliqué à l'AFP Bernard Bouquet, l'avocat de San Marina.
Ces offres ne permettaient pas de sauver l'emploi des quelque 650 salariés du groupe, selon Helmi Farhat, secrétaire du Comité social d'entreprise (CSE) et représentant CGT des salariés. Le jugement fixe à 12 mois le délai imparti au liquidateur pour déposer la liste des créances déclarées.
Accompagner les salariés
Pour les salariés, la priori est désormais de tenter de négocier une "prime" de départ et une réunion
est fixée jeudi. La CGT réclame deux mois de salaire par salarié, sachant que la dernière proposition était à hauteur de 1.000 euros, ajoute le syndicaliste. Les dirigeants ont assuré dans un communiqué qu'ils concentreront désormais leur "énergie" à accompagner les salariés, avec les services de l'Etat, "afin qu'ils retrouvent un travail dans les meilleures conditions".
A l'instar d'autres enseignes du secteur, San Marina, avec un chiffre d'affaires estimé à 79 millions d'euros en 2022 (contre 63 millions d'euros en 2021) mais un passif proche de 56 millions d'euros, a notamment pâti des mouvements sociaux comme les gilets jaunes puis de la crise sanitaire de 2020 et ses conséquences.
A celles-ci, mais aussi à la concurrence de la vente en ligne et à l'essor du marché de la seconde main, sont venues s'ajouter ces derniers mois l'inflation ainsi que la hausse des coûts des matières premières et de l'énergie, portant le coup de grâce à plusieurs groupes de prêt-à-porter déjà fragilisés, notamment dans le milieu de gamme. Ce fut notamment le cas du chausseur André, première entreprise de la distribution textile à faire les frais de la crise sanitaire. Moins de trois ans après son placement en redressement judiciaire et la reprise partielle de ses magasins, l'enseigne de chaussures a repris le chemin du tribunal de commerce début février.
Avec AFP