Le 19 mai prochain, les cinémas vont rouvrir, avec une jauge limitée à 35% dans un premier temps. France 3 est revenu voir William Benedetto, directeur de l'emblématique Alhambra, le cinéma des quartiers Nord de Marseille. "C'est l'effervescence, toute l'équipe a hâte de retrouver les spectateurs".
"Regarder la vie avec poésie change le réel", estime William Benedetto, directeur du cinéma l'Alhambra à Marseille.
C'est avec cet état d'esprit qu'il a traversé avec son équipe ce nouveau confinement culturel débuté le 30 octobre 2020.
L'Alhambra, cinéma emblématique de Marseille, fréquenté par Robert Guédiguian lorsqu'il était enfant, trône dans le quartier Saint-Henri, dans le 16ème arrondissement, face à la place Raphel.
Plus qu'un cinéma, c'est un lieu de lien social, de rencontres et d'échanges.
Cinéma fermé, mais pas à l'arrêt
L'annonce de l'ouverture prochaine "a fait plaisir" au directeur de ce cinéma, même s'il avoue avoir "été surpris".
Il pensait "que cela serait plus long pour les lieux culturels".
Se relever les manches et continuer.
Loin de se lamenter dans son coin, et d'attendre la réouverture en comptant les jours, le directeur de l'Alhambra a continué de travailler avec son équipe.
"Nous avons mis cette période à profit, pour monter des projets, des dispositifs et des partenariats", explique William Benedetto.
Ce cinéma de quartier accueille plus de 7.500 scolaires par an. Avec la fermeture de l'établissement, tous les projets mis en place ont été stoppés net.
Et pourtant, William Benedetto aime à rappeler que sa mission est de donner l'envie aux jeunes et à leurs parents, de fréquenter les salles obscures même et surtout dans ce quartier populaire, près de l'Estaque (16e).
"L'idée est de leur faire comprendre que ce genre d'endroit n'est pas réservé à une catégorie socioprofessionnelle, qu'ils soient décomplexés et puissent venir rêver aussi", insiste le directeur du cinéma.
Si tu ne viens pas au cinéma, le cinéma vient à toi.
William Benedetto et son équipe sont allés dans les écoles, les collèges et les lycées marseillais, présenter des courts-métrages avec leur "mission Gagarine", auprès de 1700 élèves.
William Benedetto est enthousiaste quand il en parle et intarissable.
" Avec cette mission "Gagarine", on présente deux courts métrages. Ils préparent la sortie du premier long métrage des mêmes réalisateurs, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, prévue en juin et qui parle de la même thématique".
Au-delà, du lien entre scolaires et cinéma, qui fait l'ADN de cet établissement, ce long métrage à venir, fait écho à des valeurs chères à ce directeur de cinéma.
"Le positif des Misérables"
À l'inverse de ce qu'écrivait Victor Hugo, la fatalité n'a pas de place dans ce film. Et c'est ce qui plait à William Benedetto, "Au contraire, tout est possible, lorsqu'on s'autorise, la poésie, de pouvoir changer sa vision du monde et de sa propre vie. Cela impacte le réel".
C'est en cela qu'il a toute sa place à Marseille et encore plus dans ce quartier pour son directeur.
"La ville de Marseille est fascinante avec des "acteurs/habitants" formidables et elle fait écho à ce film et inversement".
"Gagarine", c'est l'histoire d’une cité qui va être détruite en banlieue parisienne.
Un des jeunes habitants qui se rêve astronaute ne veut pas que sa cité soit détruite. Entre réel et imaginaire, on suit ce personnage qui va tout faire pour empêcher la destruction de sa cité.
Un atelier de réalisation a eu lieu aussi au cinéma avec le Collège Arthur Rimbaud de Marseille.
L'idée était de réfléchir aux différents comportements du spectateur de cinéma, ce qu'il peut ou ne pas faire pendant un film et de réaliser un petit film qui sera présenté avant les prochaines séances pour sensibiliser au respect.
Cinéma: lieu de culture et rôle social
En pleine pandémie depuis plus d'un an et la fermeture des lieux culturels ou encore des lieux de vie comme les bars et restaurants, les liens sociaux commencent à se distendre.
"C'est pour cela que plus que jamais, la réouverture des cinémas, théâtres et musées est importante. Le cinéma apporte du mieux, du positif et du collectif ", précise William Benedetto.
De chez soi, on a accès à toutes les oeuvres.
Pour cet amoureux du 7ème art, lorsqu'on sort pour se rendre dans les lieux de culture, "On ne va pas voir l’œuvre de la même façon, on n'a pas la même façon de la recevoir, on est plus mobilisé".
"L'expérience de la salle en tant que telle, est une démarche particulière, on rentre dans un endroit on sait que ça va durer, on va s’arracher du réel, et se confronter à des illusions nécessaires", analyse William Benedetto.
De cette expérience, les spectateurs sont en manque et ils le font savoir non sans humour.
Impatience du public
Un collectif "informel" de quartier s'est monté à l'Estaque.
Les membres ont collé des affiches en lieu et place des affiches habituelles de films de leur cinéma préféré… en détournant les titres des films.
Le directeur du cinéma a même commenté d'un "bravo" la publication sur les réseaux sociaux cette initiative.
Les connotations avec la situation sanitaire actuelle et le confinement sont explicites.
Pierrot Duval, un des membres du collectif explique que c’est leur façon à eux de soutenir cet établissement cher à leurs yeux.
"Le cinéma c’est le leur, ils en ont besoin, d’où cette action", commente ému le directeur des lieux.
Car à l'Alhambra, c'est plus que du cinéma que l'on vient chercher, ce sont des amis, une vie sociale, des échanges.
Du cinéma au bar d'en face, il n'y a qu'une étroite rue à traverser. Et c'est cette convivialité qui fait aussi le charme de ces lieux tant apprécié des fidèles.
C'est d'ailleurs "LA" signature de l’Alhambra, un cinéma à taille humaine, un rapport convivial et humain entre ceux qui le font tourner et ceux qui viennent se divertir.
Une programmation dense et tous publics
Depuis l'annonce de la réouverture, toute l'équipe du cinéma est en pleine effervescence.
Entre le choix de la programmation, le nettoyage des lieux, il faut vérifier que tout fonctionne...
La première séance est prévue le mercredi 19 mai à 9h, avec la projection de "Deux", oscarisé et césarisé.
Mais il y aura aussi, les films "Drunk" et "Slalom".
Le cinéma avec son unique mais grande salle, proposera entre trois et cinq séances par jour, pour les grands mais aussi pour les petits.
La dernière séance aura lieu vers 19h pour respecter le couvre-feu de 21h.
"Il nous faudra le temps de nettoyer et aérer enter chaque séance, dans un premier temps, la jauge est fixée à 35% de sa capacité avec 85 places et deux fauteuils d'écart entre chaque personne, puis mi-juin on passera à 70%", précise le directeur à propos du protocole sanitaire imposé.
Mais le coeur du métier c'est la diffusion sur le grand écran.
"On travaille sur la grille", nous confie William Benedetto, tout en précisant que "les gens n’ont pas besoin de comédies, mais de récits forts".
Pour lui, c'est réjouissant "de proposer des choses fortes et adaptées à notre public. La concurrence des terrasses ne lui fait pas peur, il sait que "l'attente est forte" et que "le public sera là".
"Cannes en juillet va servir de locomotive. Cela va dynamiser le secteur et on reviendra peu à peu à des salles ouvertes à 100% de leurs capacités. On va être bien en septembre", estime le directeur de l'Alhambra.
En tant que professionnel, il reconnaît que cette date de réouverture "entre dans un bon timing et que le calendrier d'augmentation des jauges progressives laisse de belles possibilités".
Et puis William Benedetto relativise, "nous ne sommes qu'un cinéma".
S'il est content de rouvrir, "parce que cela veut dire qu'on voit le bout du tunnel de cette crise sanitaire", il n'oublie pas "qu'il y a encore beaucoup de gens touchés".