Le Conseil d'Etat a suspendu lundi l'arrêté du gouvernement interdisant la vente de la fleur et de la feuille de chanvre chargée en CBD, la molécule non-psychotrope du cannabis. La fin d'un "coup politique" estime Xavier Pizarro, avocat de l'Union des professionnels du CBD.
Xavier Pizarro, avocat de l'Union des professionnels du CBD, salue une décision qui témoigne d'une "maîtrise du droit européen, là où le gouvernement veut faire un coup politique".
"On a des relations émotionnelles très fortes avec le cannabis en France et nous sommes à rebours de ce qui est en train de se faire en Europe", estime l'avocat marseillais.
"Le Luxembourg, la Belgique ont bougé sur le sujet, l'Italie est en train de faire un référendum, l'Allemagne a prévu de légaliser, ce ne sont pas des narco-états pour reprendre une expression du ministre de l'Intérieur".
La plus haute juridiction administrative avait été saisie par divers acteurs de la filière souhaitant obtenir la suspension en urgence d'un arrêté pris par le gouvernement le 30 décembre et qui proscrit la vente et la consommation de fleurs de chanvre contenant du cannabidiol (CBD).
Dans son ordonnance, le Conseil d'Etat a estimé qu'il "ne résulte pas de l'instruction (...) que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n'est pas supérieure à 0,30% revêtiraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d'interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs".
"Du point de vue du ministère de l'Intérieur, ce n'est pas possible de dépenser des campagnes de pub pour expliquer que le cannabis tue et en même temps voir fleurir 2.000 boutiques en deux ans qui se mettent à vendre en face de mairies", indique Me Pizarro.
"C'est le vieux fonds de commerce d'une droite un peu sécuritaire, estime encore l'avocat, la France est sur une position très dogmatique où cette interdiction ne repose que sur le fait qu'il est question de cannabis (…) or au sens large le cannabis représente des milliers d'emplois en France quand on parle de chanvre que ce soit en isolation ou pour les vêtements par exemple".
Le Conseil d'Etat a précisé dans un communiqué que la suspension s'applique "à titre provisoire" en attendant que l'instance "se prononce définitivement au fond sur la légalité de l'arrêté contesté".
L'Etat devra verser la somme totale de 13.000 euros aux treize sociétés requérantes.
Un milliard d'euros de chiffre d'affaires
En novembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne avait ainsi jugé illégale l'interdiction en France du CBD, autorisée dans plusieurs autres pays européens, au nom du principe de libre circulation des marchandises.
La justice européenne avait estimé qu'il n'avait "aucun effet nocif sur la santé" et ne pouvait être considéré comme un stupéfiant, à la différence de sa molécule jumelle, le THC, que l'on peut trouver sur le marché noir et qui est dotée d'effets psychotropes.
La Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, lui a emboîté le pas considérant en juin que tout CBD légalement produit dans l'UE pouvait être vendu en France.
La France comptait quelque 400 boutiques de CBD début 2021 selon le Syndicat professionnel du chanvre (SPC), il en existe désormais quasiment quatre fois plus.
Le chiffre d'affaires du secteur est estimé par les syndicats à un milliard d'euros, les deux-tiers issus de la commercialisation des fleurs et feuilles brutes.