Interdiction de la vente de fleurs de CBD : une incompréhension pour les détaillants de la Côte d'Azur

Un arrêté ministériel du 30 décembre 2021 interdit la vente de feuilles et de fleurs de « CBD » en France. Une incompréhension pour les professionnels du secteur sur la Côte d’Azur.

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Il y a des lois qui passent facilement, d’autres qui à l'inverse, suscitent des réactions. Le 30 décembre 2021, le gouvernement a publié un arrêté pour réguler la vente et la consommation de CBD (cannabidiol) on y retrouve notamment cet alinéa : « sont interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation.»

Une décision qui ne passe pas, ni pour les vendeurs ni pour les consommateurs.

Sur Twitter, les réactions étaient nombreuses :

Parmi les raisons invoquées pour cette interdiction, l'incapacité pour les policiers de différencier les consommateurs de CBD et de cannabis.

Pourtant, des tests fiables existent. En Suisse, la police dispose depuis 2018 de tests, qui lui permettent de distinguer une molécule de l’autre. Il suffit de disposer quelques brins d’herbe de cannabis dans un petit sachet de plastique épais contenant deux mini-ampoules. On presse pour libérer les réactifs chimiques présents. On secoue et en moins de 30 secondes, le liquide se colore.

Rose, c’est du CBD, bleu c’est du THC.

Des recours déposés

Deux recours ont été déposés par Maître Véronica Vecchioni, avocate au barreau de Nice, qui a été contactée par une vingtaine de gérants azuréens.

Elle estime que la France ne respecte pas ses obligations en matière de libre-échange, car le droit européen autorise la vente de ces produits. 

Je ferai tout ce qui est dans mon possible pour annuler cette décision. Cela me met en colère, on a toujours avancé de manière modérée, intelligente, la France balaye tout d'un revers de la main alors qu'il n'y a aucune justification de santé publique.

Me Véronica Vecchioni

L'arrêté est entré en vigueur ce 3 janvier 2022, depuis le téléphone de cette avocate spécialisée dans le droit européen ne cesse de sonner. La profession est inquiète. La France décide de faire l’impasse sur une grande partie des revenus que peut générer l’or vert, le marché du CBD représente 400 millions d'euros par an.

Plus de 60% de la vente concerne les fleurs et les feuilles du produit.

"Avec cette interdiction, il y a des risques sanitaires pour les consommateurs et économiques pour les vendeurs. C'est une condamnation à mort !", poursuit-elle.

En revanche, cet arrêté très attendu contient une décision inattendue. Terminé le taux de 0.2 % de THC, la molécule psychotrope du cannabis, à respecter dans les produits finis. Désormais, cette limite passe à 0,3 %.

Si les vendeurs ne se conforment pas à cette loi, ils risquent les mêmes sanctions que des trafiquants de stupéfiants. 

"On risque de fermer nos commerces et de mettre nos employés au chômage"

Sur les gérants et les vendeurs planent les risques d'être poursuivis, de saisies de stock, de gardes à vue ou encore de fermetures administratives."Cet arrêté nous est tombé dessus, j'ai créé ma société en 2013 et ma première boutique en 2018. On se sent trahis. On est en contradiction avec la France, mais en droit avec l'Europe", s'indigne Franckie Rugulo à la tête d'une franchise de 108 magasins dont 15 dans le Var et les Alpes-Maritimes.

Ce chef d'entreprise avait déjà dû batailler avec la justice pour maintenir ses enseignes ouvertes, c'était en février 2021. Le tribunal de Grasse avait prononcé une triple relaxe. 

Les détaillants tentent de garder espoir face à cette nouvelle mesure, mais l'amertume se fait sentir. "On risque de fermer nos commerces et de mettre nos employés au chômage", souffle Yoann Bricaud-Scholla à la tête d'une enseigne indépendante à Villeneuve-Loubet dans les Alpes-Maritimes. 

Le CBD, qu’est ce que c’est ?

On estime à 7 millions le nombre de consommateurs en France. 

Démocratisé en 2018, le cannabidiol, aussi appelé CBD, est une molécule extraite de la plante de cannabis. Elle est qualifiée de phytocannabinoïde, c'est-à-dire qu'elle active des récepteurs  présents dans le cerveau. Ces derniers jouent un rôle essentiel dans la régulation des systèmes nerveux et immunitaires. 

Contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), le CBD est toléré en France. Il ne produit pas, les effets psycho-actifs de son cousin (altération de certains processus mentaux ou création d'effets euphorisants notamment).

En somme, à la différence du THC, molécule psychoactive du chanvre, le CBD n’a pas d’effet stupéfiant, mais il est "relaxant".

L'accoutumance au THC n'est pas le plus problématique. On peut arriver à s'arrêter sans éprouver trop de manque physique. Le plus inquiétant, ce sont les risques de cancer avec la consommation de cannabis et les problèmes neurologiques sur les jeunes cerveaux. Je ne vois pas l’intérêt de s’acharner sur le CBD alors que ça pouvait être une alternative et qu’on a l'alcool et le tabac qui sont des drogues légales.

Christian Carrère, addictologue

Pour ce spécialiste, des risques avec le CBD subsistent uniquement si les dosages ne sont pas respectés et que les vendeurs contournent les normes établies de 0,3% de THC dans le produit brut.

Il ajoute : "Selon moi, le CBD a peu d’action pour les gros fumeurs, mais pour quelqu'un qui n’a jamais touché au cannabis ça peut être bien. Surtout pour les jeunes qui seraient tentés d'essayer cette drogue." 

Pour bien comprendre la différence entre le "chanvre récréatif" et le CBD : 

Le CBD peut être consommé sous différentes formes : e-liquides pour cigarettes électroniques, huiles, tisanes, crèmes, gâteaux ou autres friandises.

On retrouve ces produits dans des distributeurs automatiques ou dans des magasins spécialisés.

Voire cookies ou pizza comme dans certaines boutiques de Nice.

En tout, il y aurait 1500 points de vente en France. 

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