Le dirigeant a été condamné à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende pour harcèlement moral sur trois mineures ayant évolué dans cette structure de haut niveau, mais sans perdre le droit d'entraîner.
Le directeur technique du pôle France de gymnastique de Marseille a été condamné jeudi à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende pour harcèlement moral sur trois mineures ayant évolué dans cette structure de haut niveau, mais sans perdre le droit d'entraîner. Quinze mois de prison avec sursis et une interdiction d'exercer son métier, dont la durée avait été laissée à l'appréciation du tribunal, avaient été requis par la procureure à l'encontre de Vincent Pateau lors de l'audience du 31 mars. Visé par les plaintes de cinq jeunes sportives, ce dernier a été relaxé des faits pour lesquels il était poursuivi pour deux de ces plaignantes et condamné pour les trois autres.
Ce procès est survenu alors que la gymnastique est secouée depuis quelques années par la libération de la parole des sportifs, dans le sillage notamment de l'affaire Nassar, du nom de l'ex-médecin de l'équipe américaine, condamné en 2018 pour avoir agressé sexuellement au moins 265 gymnastes.
Après cette affaire hors norme, de nombreux gymnastes ont eux dénoncé les pratiques parfois abusives et la culture toxique de leur discipline.
"La parole des filles a été entendue, même si c'est décevant pour certaines, mais on savait que le dossier était compliqué, a commenté après le délibéré Anne-Laure Rousset, l'avocate des jeunes plaignantes, toutes mineures au moment des faits qu'elles dénonçaient. Je suis contente pour les filles, qui avaient peur qu'on dise qu'elles avaient menti."
"Il y a forcément une déception liée au fait qu'il n'y ait pas une interdiction d'exercer, mais la volonté première était que les choses évoluent, et c'est le ressenti que tout le monde a eu pendant les débats, a poursuivi Me Rousset. Tout le monde a pris conscience que la culture de la maltraitance dans le sport ne devait pas perdurer."
"Atmosphère de terreur"
"Les méthodes mises en oeuvre pour accompagner les athlètes de haut niveau dans un dépassement de soi doivent connaître les limites de la loi", avait lancé la procureure Véronique Fabron dans son réquisitoire, se félicitant "que ces méthodes d'entraînement fassent leur entrée dans le prétoire."
Brimades, remarques sur le poids, moqueries, propos grossiers ou blessants : dans les plaintes qu'elles avaient déposées, les cinq jeunes sportives avaient décrit ce qu'elles vivaient comme une "atmosphère de terreur", selon les mots prononcés devant le tribunal par l'une d'elles.
Tout en reconnaissant des "erreurs", de la "maladresse" parfois, Vincent Pateau s'était défendu pied à pied face à la présidente Julie Delorme, assurant aussi que les méthodes avaient évolué depuis l'époque où les plaignantes s'entraînaient au pôle France de Marseille.
Dans un entretien récent avec l'AFP, Vincent Pateau s'est aussi dit persuadé que "la performance (devait) se faire par le bien-être", pointant les effets néfastes de la recherche de la performance et de la pression de l'entourage. "La gymnastique changera. Dans quelques années on redeviendra compétitifs et on pourra être fiers d'avoir pris le virage les premiers", a-t-il aussi estimé, disant espérer que son procès - dans lequel la fédération française de gymnastique était partie civile - aura amené la gymnastique française à une plus grande réflexion sur ses pratiques.
Jeudi 4 mai, ni M. Pateau ni son avocat n'ont souhaité s'exprimer après le délibéré. Ils ont dix jours pour faire éventuellement appel de la décision rendue par le tribunal.
Un ex-entraîneur du pôle, Pierre Ettel, sera lui aussi jugé pour harcèlement moral, le 7 novembre, après la plainte d'une des cinq gymnastes qui visait M. Pateau.
(avec Martin DE MONTVALON / AFP)