Après 16 jours d'audience consacrés aux dérives présumées d'un système clientéliste, le tribunal correctionnel de Marseille devant lequel comparaissaient le sénateur Jean-Noël Guérini, son frère Alexandre et 10 autres prévenus a mis mercredi son jugement en délibéré au 28 mai.
Un jour et demi de plaidoiries et quatre avocats pour Alexandre Guérini, sa compagne et sa société SMAE.
L’entrepreneur, spécialisé dans le transport, le traitement des déchets et l’assainissement, est le personnage principal de ce procès. Il est mis en examen pour sept délits dont le blanchiment, l’abus de biens sociaux ou encore le trafic d’influence. Les procureurs ont requis à son encontre huit ans de prison avec un mandat de dépôt et 500.000 euros d’amende
L’un des conseils, d’Alexandre Guérini, maître Jean-Charles Vincensini a expliqué aux trois magistrats du tribunal qu’après ces 12 années d’attente avant l’ouverture du procès ne pas être rancunier, mais avoir la fâcheuse manie de ne pas oublier.
"Je suis plutôt du genre ruminant"
Les quatre avocats ont violemment attaqué l’enquête menée par le juge d’instruction Charles Duchaine (le premier juge en charge de l’affaire), les gendarmes et le parquet de Marseille. "Le juge a triché, les enquêteurs ont triché !"
Les avocats d'Alexandre Guérini se sont attachés à démonter, avec minutie, chaque élément, développé par l’accusation lors du réquisitoire de mercredi 31 mars, et démontrer point par point qu’ils n’ont aucun fondement juridique, pour condamner leurs clients.
L’argumentation a été longue et très technique, portant notamment sur les marchés publics de traitement et d’enfouissement des déchets à la fois sur la décharge du Mentaure à la Ciotat, et la Vautubière à la Fare les Oliviers.
Prise illégal d'intérêt et trafic d'influence
Au sujet du premier site, il est reproché aux deux frères une prise illégale d’intérêt. L’aîné aurait préempté et classé un terrain en espace naturel, sur lequel poussait une plante rare, le liseron duveteux.
Quelque temps plus tard, ce même terrain est revendu à la Communauté d’Aubagne et du Pays de l’Etoile pour agrandir sa décharge. Alexandre Guérini avait remporté le marché d’exploitation du centre d’enfouissement.
A propos du second site, il est notamment reproché à Alexandre, un trafic d’influence, dans le cadre de la revente de sa société, qui exploitait cette décharge, à Veolia.
Selon l’accusation, une partie du le prix de vente aurait été soumis à l’autorisation préfectorale d’agrandissement du centre de stockage des déchets, dont Alexandre, se serait fait fort d’obtenir.
Pour l’un de ses avocats, Benoît Caviglioli, la démonstration du parquet ne tient pas. "Le tribunal devra prononcer la rolex…heu…la relaxe ! C’est mon côté Séguéla, j’approche les 50 ans, ça me travaille… Pour moi, l’infraction est prescrite. Le tour de passe-passe de l’accusation, ne tient pas la route."
"Un dossier qui prend l’eau"
Le dernier à prendre la parole, maître Jean-Louis Seatelli, lui non plus, n’a pas mâché ses mots vis-à-vis du réquisitoire, de l’enquête et de la presse.
"Si Jean-Noël Guérini n’avait pas été poursuivi, Alexandre ne serait pas ici. Parce que celui que l’on veut atteindre, celui que l’on veut éliminer, c’est Jean-Noël", assure l'avocat.
"Dans cette affaire vous avez une presse collaboratrice et zélée au service de certains juges qui aiment le sensationnel. Certains juges (…) ont abandonné leur idéal au profit de leur carrière".
Quatre semaines de procès, douze prévenus
Dans ce procès 12 prévenus dont une entreprise appartenant à Alexandre Guérini ont comparu pendant quatre semaines.
Parmi eux l’ancien président de la Communauté du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, la compagne d’Alexandre Guérini, l’ancien directeur de la propreté de la Communauté Urbaine de Marseille devenue Métropole et l’ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini.
A leur encontre, le parquet a requis des peines d’un an avec sursis à deux ans de prison dont un ferme et des amendes allant de 15.000 à 100.000 euros. Contre Jean-Noël Guérini quatre ans de prison dont deux avec sursis, 70.000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité
Tous ont plaidé la relaxe totale sauf trois. Le jugement sera rendu le 28 mai.