Au fil des trente dernières années, Marseille est devenue une place forte de la glisse urbaine, notamment grâce à la construction du bowl du Prado où se sont succédées des générations de champions. Le livre "skateboard culture", qui vient de sortir, lui consacre de nombreuses pages
Mer, plages, pelouses, planches à voile, joggers et rollers donnent parfois à Marseille un petit air de Californie. Le mythique bowl de l'escale Borély n'y est pas étranger. Construit en 1991 avec des rampes et des courbes parfaitement conçues par Jean-Pierre Collinet, il est devenu la Mecque des skateurs du monde entier, faisant jeu égal avec les plus grands sites de glisse urbaine d'outre-atlantique.
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Car Marseille et le skate c'est toute une histoire. La planche à roulettes a débarqué dans la cité phocéenne en 1977. "Et en 1991, la ville décide de construire un skate park gratuit municipal, en béton et à une période où le skate est au creux de la vague. À ce moment-là, même les Américains hallucinent et commencent à venir en masse pour voir si ce lieu existe vraiment, raconte le journaliste marseillais Sébastien Carayol, auteur du livre sorti récemment Skateboard Culture, avec Morgan Bouvant (Ed. Chêne).
"Quand j'ai commencé, il n'y avait ni magazine, ni vidéo"
Le bowl de Marseille, précurseur, a d'ailleurs servi de modèle pour en construire 250 autres dans le monde entier. Une réussite mondiale qui a fait naître des milliers de vocations depuis les années 90. Certains adeptes sont aujourd'hui de fringants quinquagénaires. "Dans le skate, il y a beaucoup de mimétisme, raconte l'un d'entre eux, Stéphane André, 52 ans. Quand j'ai commencé, il n'y avait pas de vidéos, pas de magazines, et quand on voyait quelqu'un en l'air, on se demandait comment il avait fait. On ne savait pas, par exemple, à quelle vitesse il fallait se lancer pour pouvoir sauter."
Mais avec le web et les réseaux sociaux, la discipline a gagné en nombre de pratiquants et n'est pas du tout devenu un sport vintage. Le bowl, parfait outil, a permis aux jeunes du cru d'atteindre un niveau international. Le Marseillais Vincent Matheron a ainsi participé aux JO de Tokyo (2021, 7ᵉ place de la finale) et de Paris (2024, 12ᵉ place des qualifications). Même s'il est parti aux États-Unis pour se confronter aux meilleurs et progresser, il doit sa carrière, qui n'est pas terminée, au skate park marseillais, où son père Patrick lui a enseigné l'art de la glisse à roulettes.
Une deuxième maison
Et pour beaucoup de jeunes Marseillais, le bowl est une deuxième maison, un lieu d'apprentissage aussi pour la "bowl génération". "Il y a toujours eu cette tradition quand des jeunes arrivent sur un spot. Les plus âgés leur montrent les figures, les règles à respecter, ce qui est dangereux, ajoute Sébastien Carayol. Le skate à Marseille n'est pas du tout quelque chose de passéiste.
Comme le foot, l'"apéro" ou la pétanque, une culture skate s'est façonnée dans la cité phocéenne au fil des trois dernières décennies. Plusieurs générations sont déjà passées et vivent ensemble, comme le fil conducteur d'une tradition bien ancrée.
Article écrit avec Thierry Bezer, France 3 Provence Alpes