Logement insalubre à Marseille : les associations dénoncent le recul de l'Etat sur la charte du relogement

Après plusieurs mois de négociation avec les pouvoirs publics, les associations de soutien aux délogés ont obtenu une charte du relogement. Selon elles, l'Etat reviendrait en arrière sur certains points clés arrêtés le 7 juin dernier. Une réunion en préfecture a permis de conserver le texte initial.

Après l'effondrement de trois immeubles de la rue d'Aubagne à Marseille, des milliers de personnes ont été évacuées de leurs logements à la suite d'un arrêté de péril ou d'insalubrité.

Depuis cet événement, associations et collectifs de soutien aux délogés ont négocié avec les pouvoirs publics, une charte du relogement. Un accord avait été validé le 7 juin dernier, mais, selon les associations, "l'Etat tente d'imposer des reculs majeurs sur plusieurs des clefs de voûte du document négocié", ont-elles indiqué dans un communiqué.

Les associations ont reçu une nouvelle version de la charte du relogement, par la préfecture. "Ce document ne devait subir que des modifications de forme ou liées au contrôle de légalité préalable" indique le communiqué.

Mais en réalité, elles dénoncent un recul de l'Etat sur des points essentiels :  "la prise en compte des évacuations liées à l'insalubrité, la prise en charge à égalité de traitement des sans-papiers, la prise en charge des propriétaires occupants ramenée à une simple possibilité conditionnelle et discrétionnaire, et se réserve la possibilité de revenir en arrière à tout moment sur la mise en place des dispositions prévues par la charte".

Ce jeudi 13 juin à midi, une réunion a permis de rétablir les points prévus dans la charte, a indiqué Kevin Vacher, membre du collectif du 5 novembre.

Elle doit désormais être examinée lors du conseil municipal du 17 juin, avant d'être ratifiée par Pierre Dartout, préfet des Bouches-du-Rhône, Arlette Fructus, adjointe au maire, déléguée au logement et Patrick Padovani, adjoint au maire, en charge de l'hygiène et la salubrité. 

Les associations et collectifs de soutien aux délogés ont également adressé une lettre ouverte à Julien Denormandie, ministre du Logement, lui demandant de respecter les engagements pris lors des négociations. 

Dans cette lettre ouverte, les différentes associations indiquent que 3 000 personnes ont été délogées à Marseille et 1 500 d'entre elles sont encore hébergées en urgence ou relogées temporairement. Cette situation a généré de profonds traumatismes psychologiques et financiers.

Lettre ouverte au ministre du Logement
"M. Denormandie, allez-vous abandonner les personnes délogées de Marseille ?
Lettre ouverte des représentant·es des personnes délogées à Marseille, des collectifs, associations et conseil citoyen, adressée au Ministre du logement.

Depuis le 5 novembre 2018 et l’effondrement des 3 immeubles de la rue d’Aubagne, nous vous avons accueilli à trois reprises à Marseille. Vous avez déclaré que l’Etat accompagnerait la prise en charge des personnes délogées afin d’assurer leur protection dans une situation qualifiée d’exceptionnelle. Depuis 7 mois, 3000 personnes ont été délogées et 1500 d’entre elles sont encore hébergées en urgence ou relogées temporairement. La situation est grave à Marseille : grèves de la faim, décrochages scolaires, gouffres financiers, tentatives de suicide et passages à l’acte … Médecins du Monde n’hésite plus désormais à parler de crise humanitaire. Les psychiatres et psychologues parlent également d’une situation de «per-trauma», car les situations ne se stoppent pas, mais elles s’inscrivent dans le temps. Sans réponse, il est impossible de «faire le deuil». À chaque évacuation, réintégration de logement qui se passe mal, retour dans des logements présentant des manquements en matière d’insalubrité, ou de sécurité, se réveillent pour les habitant·es, délogé·es ou non, d’anciens traumatismes et l’angoisse d’un nouvel effondrement. Les citoyen(ne)s ont écrit une charte de relogement pour encadrer leurs droits et stabiliser une situation gérée de façon chaotique. Hier matin, et ce après plus de 2 mois de négociation, la préfecture est revenue sur la quasi-totalité des clefs de voûte du document que nous proposions et qui avaient pourtant fait l’objet d’accords verbaux et écrits après de nombreuses discussions :
  • La prise en compte des évacuations liées à l’insalubrité en la ramenant aux arrêtés avec interdiction définitive d’habiter et ce alors que nous avions convenu que la situation d’évacuation, quasi-identique pour tou·tes les délogé·es, et non la situation de l’immeuble, devait être la raison d’une prise en charge.
  • La prise en charge à égalité de traitement des personnes sans-papiers, conformément au droit. Ce point faisait d’ailleurs accord auprès de tous les opérateurs.
  • La prise en charge des propriétaires occupant·es, ramenée quant à elle à une simple possibilité conditionnelle et discrétionnaire (la mairie leur demandant de rembourser les frais d’hébergement même lorsqu’ils n’ont aucune responsabilité dans le péril de leurs immeubles),
  • L’accompagnement psychologique des habitants, réduite à peau de chagrin et à des hypothétiques futures discussions.
  • Pour la première fois dans l’histoire de Marseille, nous pouvions laisser place à la co-construction des politiques publiques, à l’expertise citoyenne, à la démocratie tout simplement
Nous avons construit un cadre pour l’action publique nous fondant sur nos constats de terrain. En cela nous avons fait notre part du travail. Le recul subit des représentants de l’Etat, à quelques jours seulement du vote du Conseil Municipal, nous apparaît être une marque de mépris à notre égard et ne sera pas accepté par nos associations et collectifs. Les conséquences humanitaires, sociales et politiques d’un tel recul sont importantes. Nous allons donc inviter à nouveau la Mairie et les services de l’Etat pour une dernière réunion de négociation sur la base du texte négocié le 7 juin et qui avait fait l’objet d’un accord préalable. Nous vous demandons donc en conséquence de bien vouloir soutenir notre démarche et enjoindre la Préfecture, représentant l’Etat, à respecter les engagements pris lors des négociations.

Signataires : Les représentant·es de l’assemblée des personnes délogées, Collectif du 5 novembre – Noailles en colère, Ligue des Droits de l’Homme Marseille, Collectif le Panier en colère, Conseil Citoyen 1/6, AMPIL, Compagnons bâtisseurs Provence, Emmaüs, Un Centre-Ville Pour Tous."

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