Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement était à Marseille jeudi. Chantier prioritaire pour le gouvernement, la lutte contre l’habitat indigne est au coeur de ce déplacement. La ministre y a rencontré les collectifs créés après le drame de la rue d’Aubagne.
Lors de ce premier déplacement officiel à Marseille, Emmanuelle Wargon a d'abord rencontré les collectifs d'habitants créés au lendemain du drame de la rue d’Aubagne.
Puis la ministre déléguée au logement s'est rendue sur les lieux de l’effondrement des deux immeubles qui ont fait huit morts le 5 novembre 2018.
Qu'attendaient de cette "prise de contact" ces citoyens qui se sont mobilisés sans relâche contre le mal-logement près de depuis deux ans ? Le collectif du 5 novembre Noailles en colère a listé "5 mesures d'urgence pour sortir Marseille du péril".
Le 20 juillet, il a adressé une lettre ouverte à la nouvelle municipalité et à la remplaçante de Julien Denormandie. Kevin Vacher du collectif C5N a participé à la rencontre avec la ministre en préfecture, comme il avait rencontré son prédécesseur.
"Il y a une attente pressante de moyens exceptionnels, explique le militant, pour redéfinir les cadres des opérations de relogement".
Encore 500 personnes relogées à l'hôtel
Selon les derniers chiffres de la mairie, établis au 20 juillet, 614 immeubles ont été évacués depuis le 5 novembre 2018, 437 arrêtés de périls graves et immédiats ont été pris. 4.300 personnes ont été évacuées à Marseille, 1.330 habitants relogés.Pour le collectif, une bonne partie de ces relogés sont en fait en situation de mal-logement. Pour près de 500 autres, le relogement provisoire s'éternise dans des hôtels ou appart-hôtels.
La ministre chargée du logement admet qu'"il faut trouver une solution définitive parce que l'hôtel, ce n'est pas satisfaisant, sachant qu'on a chaque mois de nouveaux arrêtés de péril et on a 100 nouvelles familles qui ont besoin d'être relogées".On a chaque mois de nouveaux arrêtés de péril et 100 nouvelles familles qui ont besoin d'être relogées.
Kevin Vacher souhaite que l'État intervienne pour étendre le parc de logements disponibles "pour reloger ces personnes et permettre de faire les travaux d'office".
Le militant rappelle : "Julien Denormandie avait proposé que l'Etat se substitue aux propriétaires défaillants et finance les travaux d'office par avance de frais auprès de la mairie. On remet sur la table cette proposition".
Une quinzaine de propositions
Le collectif a soumis une quinzaine de propositions à la ministre. Il souhaite faire entendre l'expertise des habitants."On veut que les collectifs, associations et habitants eux-mêmes puissent être représentés pour pouvoir contrôler les opérations qui vont être menées notamment en termes de répartition du renouvellement du parc avec la part de logements sociaux", souligne Kevin Vacher.
Membre du collectif lui aussi, Maël Camberlin a cette expertise en tant que délogé. Pour lui, "la crise n'est pas passée et elle va durer des années".
Il rappelle qu'en janvier 2019, ils avaient demandé à Julien Denormandie la réquisition de logements vides du parc privé. "Il nous avait répondu, ça va prendre 6 mois, 1 an". Si ça avait été fait, il n'y aurait plus personne à l'hôtel", juge-t-il. Il ajoute "On a l'impression qu'on s'enlise".
"Denormandie était à l'écoute, on ne peut pas le lui reprocher, reconnaît Kévin Vacher, il avait transmis le message et il y avait eu très peu d'engagements de l'État".
"On va voir Madame Wargon, de la même manière qu'on va voir tous les politiques, expliquait Kevin Vacher au moment de rentrer en réunion. On va mettre nos propositions sur la table. Elles ont été produites avec les personnes concernées et des experts, elles sont sérieuses, il y a un rapport de dix pages qui a été transmis, et on attend la réaction des pouvoirs publics".
Dans la rue d'Aubagne, où la ministre déambule après sa rencontre avec les collectifs, une femme s'impatiente. "Je suis dans une exaspération totale à cause de l'inaction depuis 20 mois. "
"Ils ne se sont pas occupés des gens qui sont morts, ce sont nos voisins, des amis à nous qu'on côtoyait tous les jours".
Délogée elle aussi, elle a réintégré l'appartement dont elle est propriétaire au numéro 70. En plein confinement, elle a découvert dans la presse l'arrêté de déconstruction sans délai des immeubles 69 et 71. Juste en face du sien.
"Mon appartement est fissuré de partout, je ne peux même pas faire de travaux. Notre immeuble a été impacté par la chute des immeubles du 63,65 et 67, qu'est-ce qu'il va se passer quand on va déconstruire deux autres immeubles est-ce que quelqu'un peut me dire?", s'alarme-t-elle.
Emmanuelle Wargon a déclaré être venue "réaliser l'avancée de ce qui a déjà été fait depuis novembre 2018, et l'ampleur du chemin qui reste à parcourir", reconnaissant qu'"il y a encore énormément à faire".
"L'effondrement des immeubles a accéléré la prise de conscience de beaucoup de logements indignes ou en situation de péril, avec beaucoup d'arrêtés de péril qui ont été pris depuis. Les enjeux que nous avons maintenant, c'est de faire face à cette masse de logements pour lesquels il faut qu'on fasse des travaux massifs importants tout en trouvant des solutions de relogement."La ministre a rappelé que l'État a déboursé plus de 240 millions d'euros pour les copropriétés dégradées, les relogements et les réhabilitations à Marseille.
"Ces centaines de millions d'euros, ça ne parle à personne, ce qui parle c'est quand est-ce qu'on reconstruit, quand est-ce qu'on rouvre... estime-t-elle souhaitant que "tout se fasse dans le respect des procédures, mais vite."
20 mois après les effondrements de la rue d'Aubagne, l'urgence est toujours là. Le collectif du 5 novembre estime à plus de 2.600 les signalements d’immeubles sous suspicion de péril, en attente d’une prise en charge.