Presstalis, le principal distributeur en France, est repassé ce lundi devant le tribunal de commerce de Paris. En attendant le délibéré, les quotidiens nationaux restent introuvables dans les Bouches du Rhône et le Var. La CGT réclame la régie de distribution et les kiosquiers craquent.
Presstalis, le principal opérateur de la distribution en France, de nouveau devant le tribunal de commerce de Paris. Seule proposition de reprise, celle de la Coopérative de distribution des quotidiens. En attendant, les quotidiens nationaux restent introuvables dans les Bouches du Rhône et le Var. La CGT réclame la régie de distribution. Les kiosquiers craquent, la presse vit des moments de grande difficulté.
A la Société d’Agences et de Diffusion (SAD) de Marseille, l’ancienne filiale de Presstalis, aucune machine ne tourne. Les locaux sont occupés depuis plus de six semaines, par les salariés licenciés le 11 mai dernier. 134 personnes ont perdu leur emploi.
« Lorsqu’il y a un problème, les dépositaires, comme ici la SAD, sont tenus d’assurer la continuité de la distribution de la presse », explique Maxime Picard, délégué CGT SAD Marseille.
"Cela passe par une régie. Nous avons là les locaux, les machines, les hommes et les femmes, qui les connaissent. Nous demandons à ce que la régie passe par nous pour assurer la distribution de la presse nationale dans les secteurs de Marseille, de Toulon, Avignon et Fréjus ».
Ce secteur correspond au périmètre de l’ancienne SAD. Selon la CGT, les discussions à ce sujet commencent à peine avec un autre distributeur, les Messagerie Lyonnaises de Papier (MLP). Mais « toujours aucune nouvelle de Presstalis ». La CGT souhaite pourtant conserver sur site le plus d'emplois possible.
Les kiosquiers, " pris en sandwich" dans le conflit
De leur côté, les kiosquiers et marchands de journaux se sentent « pris en sandwich » selon les termes de Christian Andrieux, le responsable Paca de Culture Presse, l'organe de la profession.
Ce conflit du papier est survenu après la crise du Covid qui les a fortement impactés. Cette « double-peine » risque d’être fatale pour plusieurs des 300 points de ventes de journaux qui étaient habituellement distribués par la SAD de Marseille. Depuis le 11 mai dernier, ils ne reçoivent plus aucun quotidien national. Ni magazines nationaux.
Cela représente jusqu'à 90 % de perte de leur chiffre d'affaires presse.
Cette nuit le dépôt de Grenoble a été victime de la destruction complète des quotidiens (AEF, L’Equipe et le Le Parisien région) par des personnes cagoulées. Le personnel est sous le choc et les marchands de journaux ainsi que les lecteurs seront privés de leur quotidien. pic.twitter.com/mavPrBHcsA
— Sarrand (@sarrand57) May 29, 2020
« La situation devient de plus en plus catastrophique . On est soumis au bon vouloir de nos camarades de la CGT », poursuit Christian Andrieux.
« Les cégétistes disent qu’ils ont eu des engagements pour Marseille et Toulon. Les éditeurs ne souhaitent pas leur donner Avignon et Fréjus. Tout va être bloqué tant qu’ils n’accepteront pas la totalité des sites. Nous sommes les otages d’une situation ».
Un plan de secours a été mis en place par Prisma, l’un des éditeurs parisiens. Quelques magazines nationaux parviennent jusqu’à Marseille et sa région, mais « ça ne fait pas grand chose en chiffre d’affaires » constate Christian Andrieux.
Sauvés par anticipation
Marie –Ange Sanguy est la rédactrice en chef d’une revue bimestrielle nationale, « Espace et exploration », lancée depuis Marseille en 2010. Un magazine ultra spécialisé dans l’aventure spatiale internationale.
« Nous faisons partie de ceux qui sont passé sous les balles, car nous sommes petits, et travaillons avec des intervenants bénévoles », explique la responsable.
Le magazine compte plus de 1000 abonnés à travers de nombreux pays, allant du Chili à la Chine.
Et le nombre n’a cessé de croître durant la crise du covid, mais aussi parce que l’équipe d' "Espace Exploration" avait anticipé.
"A partir du 11 mai, Presstalis devait passer au tribunal, nous nous sommes méfiés", poursuit Marie-Ange Sanguy. "Nous n’avons pas mis notre numéro 57 en kiosque, et avons prévenu nos lecteurs en leur disant : « Nous vous conseillons de le commander par avance ». Beaucoup l’ont acheté chez nous par précaution.
Notre nombre d’abonnés a aussi augmenté. Beaucoup de gens qui nous suivent nous encouragent face à l’épidémie de Covid et de la difficulté économique de notre diffuseur".
Mais toutes les parutions nationales n'ont pas eu cette chance.
La faillite du distributeur de presse Presstalis a mis en difficulté un bon nombre de titres déjà fragilisés par le contexte économique.
De nombreux titres ont perdu de l’argent. Le Parisien 5 millions d’euros. Paris Turf 1,5 millions d’euros. Le Monde 13 millions d’euros. Et L’Equipe prévoit un déficit de plus de 16 millions d’euros cette année (en comptant la crise sanitaire).
Journaux: la revue de stress de @jlefilliatre. «L’Equipe», « Le Parisien», «l’Express»… Les plans de restructurations se multiplient dans la presse et les actionnaires se défilent. L'épidémie et la faillite de Presstalis ont accéléré le déclin du papier https://t.co/UUU4IiSm9Q
— J-C Feraud (@JCFeraud) June 17, 2020
L’avenir de la SAD, une possible coopérative
Une proposition émanant d’anciens salariés de la SAD Marseille, portée par la CGT, les usagers et les éditeurs a été faîte sous forme de Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC).
Une proposition qui n’avait guère convaincu les vendeurs de presse.
"Ils veulent bien faire une SCIC mais pour l’instant, personne ne les accompagne », avait signifié Christian Andrieux, leur porte-parole. «Il n’y a pas de financement, pas d’éditeur, pas de collectivité territoriale. Pour nous, ce n’est pas un gage de reprise rapide de livraison ».