Marseille : imbroglio autour de l'arrivée d'un cirque et de ses animaux sauvages

Un cirque avec animaux s'est installé lundi sur un terrain privé à Marseille. Selon une association riveraine, son arrivée ne s'est pas faite dans les règles. Le propriétaire du terrain aurait porté plainte. Le cirque plaide la bonne foi.

Le chapiteau rouge et jaune du cirque Muller s'est déployé lundi 14 mars à Grand Littoral, centre commercial du 15e arrondissement de Marseille. Au grand dam de l'association Foresta, selon laquelle sa présence n'est pas en règle.

La directrice, Rim Mathlouthi, explique avoir été contactée par e-mail et téléphone par le cirque Muller, après les fêtes de fin d'année. "Ils nous ont dit qu'ils aimeraient installer un petit cirque pédagogique, sans animaux. Qu'ils allaient raconter l'histoire du cirque aux enfants et les faire participer", explique-t-elle, amère. 

Le projet plaît beaucoup à cette association qui gère le parc Foresta. Un terrain de plus de dix hectares appartenant à Gurvan Lemée, directeur de la société Mall 95.

L'association fait de ce terrain un tiers lieu pour des activités en lien avec l'écologie, avec les habitants du 15e et 16e arrondissement : promenades à cheval, ferme urbaine…

Alors quand l'idée d'un cirque pédagogique est proposée par le cirque Muller, l'association est enthousiaste et dit ne pas se douter "un instant" de ce qui va arriver. 

Après être venu visiter les lieux et repérer un espace, le cirque envoie dans la foulée un papier "très laconique" selon l'association,  une convention d'occupation du 5 au 27 mars. Rime Mathlouthi la signe, mais n'appose pas le cachet de l'association Foresta. "Je leur ai dit que l'on mettrait le cachet à leur arrivée".

Elle assure avoir insisté sur l'impossibilité d'accueillir des animaux. "Je leur ai bien demandé s'ils n'avaient pas de tigres ou d'éléphants"

Du cirque pédagogique aux animaux sauvages

À 8h, lorsqu'ils ont vu arriver "la dizaine de semi-remorques", les membres de l'association ont compris que ce n'était pas un petit cirque pédagogique. "Rien à voir avec ce qui était prévu", raconte la bénévole.

Rim Mathlouthi  reconnaît plusieurs "grosses erreurs" de sa part. D'abord, ne pas avoir cherché sur Google le nom du cirque. Effectivement, le cirque Muller est célèbre pour ses animaux sauvages : des tigres, dromadaires, tigres, zèbres, mais également, Jumbo, un hippopotame de trois tonnes, le plus gros d'Europe. En deuxième lieu, ne pas avoir demandé de preuves écrites.

"Physiquement, réellement, ce n'était pas possible qu'ils s'installent dans le parc Foresta. Il n'y a pas la place", raconte celle qui a assisté à l'installation, "subjuguée". 

On a vécu un film surréaliste.

Rim Mathlouti

 "Ils nous ont dit : 'on ne bougera pas d’ici, sinon on coupe des arbres, on brûle tout'. Ils nous ont également dit : 'On vous donnera des billets gratuits, vous allez avoir plein de billets gratuits pour vos enfants, vous allez être contents"'.

Le propriétaire du terrain aurait porté plainte

Au moment de leur arrivée, le directeur du Grand Littoral, François de Bonnières et celui du Mall 95, Gurvan Lemée, sont arrivés. Ce dernier constate alors que le cirque s'est installé sur son terrain privé. 

"Franck Muller était sans doute mal renseigné, explique la présidente. Peut-être pensait-il que le terrain en question était en gestion par l'association Foresta ? Mais il ne fait pas partie du parc Foresta, il appartient à Gurvan Lemée, directeur du Mall 95. Donc le terrain ne rentre pas dans la convention signée. Ils ont menti à tout le monde sur toute la ligne. On s'est tous fait avoir comme des bleus".

Gurvan Lemée aurait déposé plainte pour "occupation illicite d'un terrain privé". De son côté, la mairie du 15e ne peut rien faire puisqu'il s'agit d'un terrain privé. 

L'association ne compte pas déposer plainte. "Nous n'avons pas les moyens ni l'énergie. On attend que le mois passe…"

"Je n'imagine pas dans quel état ils vont laisser le terrain. Qui va payer le ramassage ?", craint Rim Mathlouti. La question des animaux sauvages reste également préoccupante sur le plan sécuritaire. "Et si un animal s'échappe ?"

"On nous fait passer pour les brebis galeuses"

Pour Franck Muller, propriétaire du cirque, il n'y a pas eu de mensonges. "J'ai stipulé sur la convention signée que c'était un cirque. J'ai fourni l'assurance de responsabilité civile sur laquelle il y avait toute la liste des animaux"

Le patron du cirque explique qu'au moment de l'envoi du plan d'installation, par mail, il n'était pas stipulé qu'une parcelle du terrain de Gurvan Lemée avait été vendue à Carrefour.

"Aujourd'hui, des animaux se trouvent sur la parcelle de Carrefour qui se retourne contre Foresta, moi je ne suis pas censé savoir que ça a été vendu ! Le terrain n'est pas délimité par des plots".

En clair, le cirque s'est installé sur une parcelle de 800 m2 appartenant à Gurvan Lemée à 70% et à Carrefour à 30%. Un embrouillamini difficilement déchiffrable.

On peut dire que c'est vraiment le cirque !

Franck Muller

"J'ai des preuves écrites qu'il y a bien eu une autorisation, clame Franck Muller. Une commission de sécurité a été faite par la mairie et la préfecture. On nous fait passer pour les brebis galeuses, je ne suis pas content du tout".

Le cirque a proposé un "compromis" à Carrefour, offrant cent places gratuites à faire gagner à ses clients. 

Le cirque Muller déjà en cause plusieurs fois

Au-delà de la question du terrain occupé, la présence de ces animaux sauvages pose question. En novembre dernier, l'association de défense des animaux PAZ dénonçait l'arrivée du cirque Muller sur un parking privé de La Valentine, dans le 12e arrondissement de Marseille.

"Le cirque Muller emprisonne notamment des primates, des tigres, des zèbres, des camélidés, des équidés... Il est impossible de répondre à leurs besoins fondamentaux dans de telles conditions", avait affirmé l'association dans un communiqué. 

Le maire de Marseille Benoît Payan s'était engagé publiquement contre cette pratique en juillet 2020 : "

Le 5 octobre 2020, le Conseil municipal de Marseille avait voté unanimement un '"vœu relatif à l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques".

"Un arrêté interdisant la venue des cirques avec animaux sauvages sur le territoire municipal devrait suivre", avait alors précisé Benoît Payan.

Un an plus tard, cet arrêté, pour lequel la nouvelle équipe municipale s'était clairement engagée, n'a pas été pris.

En septembre 2020, dans un entretien accordé à nos confrères de France Bleu Provence, Franck Muller exprimait son désaccord.

"Même si on me donne 40.000 ou 100.000 euros aujourd’hui pour se reconvertir, quel est l’avenir de nos enfants ? (...) Si on m’enlève mes animaux, que vont devenir toutes les entreprises de cirque, et où va-t-on mettre tous ces animaux ?" 

Plus récemment, du 12 au 20 février, le cirque Muller avait déployé ses tentes rouges et jaunes à Digne, sur le parking privé de King Jouet.

Ce malgré l'opposition de la mairie jugeant l'utilisation des animaux "incompatibles avec les besoins biologiques des animaux et portant atteinte aux valeurs de respect de la nature et de l'environnement".

L'édile Patricia Granet n'avait pas pu intervenir malgré l'arrêté pris en 2018 dans sa commune. 

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