Policiers en colère : à la Bac de Marseille "tous les jours, on se fait insulter et on ne peut rien dire"

De Marseille à Nice, plus de 800 policiers de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont manifesté leur colère mercredi à Paris. L'un d'eux travaille à la Brigade anti-criminalité de Marseille. Suicide, politique du chiffre, irrespect, il témoigne de la dégradation de son métier.

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Nous l'appellerons Christophe, pour préserver son anonymat, peut-être par crainte de représailles. Il est policier depuis 20 ans et travaille à la Brigade anti criminalité (BAC) à Marseille depuis dix ans.

Christophe a pris une journée de congés, parce qu'il n'a pas le droit de faire grève. Ce mercredi matin, il est allé à Paris avec plusieurs collègues, pour participer à "la marche de la colère".

Comme lui, 800 policiers du sud-est de la France ont fait le déplacement. 

Dix ans à la BAC à Marseille

Vingt ans d'expérience, dont dix ans passés à la Bac à Marseille, Christophe a toujours travaillé dans les quartiers difficiles et il est un des rares à garder la foi.

"Beaucoup de mes collègues veulent quitter la boîte, certains me disent que ce qu'on fait ne sert à rien", confie -t-il. "Il y a deux ans, un de mes meilleurs amis s'est suicidé, c'était très dure à supporter".

En dix ans, Christophe a vu ses conditions de travail se détériorer. Dégradation des locaux bien sûr, baisse des effectifs, ils étaient 10 dans le service il y a sept ans, ils ne sont plus que 6 aujourd'hui. Mais ce qui s'est le plus détérioré, c'est surtout le manque de respect et de reconnaissance.

"Tous les jours, on se fait insulter, cracher dessus et on ne peut rien dire... Je me suis fait tirer dessus deux fois par des hommes armés et si on riposte en légitime défense, on met des mois à se justifier auprès de la hiérarchie", s'insurge Christophe, rappelant qu'il risque sa vie dès qu'il prend son service.

La hiérarchie justement, "la politique du chiffre, la pression permanente de la hiérarchie, c'est épuisant", poursuit le policier avant d'ajouter : "Rien ne remplacera le policier sur le terrain".

"Quand Mélenchon nous traite de barbare"

"Une majorité de la population est avec nous, ils nous le disent, souvent discrètement", reconnait aussi Christophe. "C'est bien qu'une bonne partie de la population a conscience du travail des policiers et de leur engagement, surtout depuis l'attentat contre Charlie Hebdo".

"Mais quand Mélenchon nous traite de barbare, il ne se rend pas compte à quel point c'est douloureux à entendre pour nous", insiste-t-il. "La République, ce n'est pas lui, c'est tout le monde, tous les citoyens".

Aujourd'hui, Christophe ne demande qu'une seule chose, du respect et de la reconnaissance pour son travail et son dévouement.

51 suicides depuis le début de l'année

51 policiers se sont suicidés depuis le 1er janvier en France, un triste record. C'est probablement la raison pour laquelle, ils sont dans la rue aujourd'hui.

"Le policier a l'impression de porter sur ses épaules tous les problèmes de la société", indique Bruno Bartoccetti, secrétaire régional Paca de l'unité SGP Police. "La pression de la hiérarchie et des hautes instances politiques, ce n'est plus supportable".

Le délégué syndical rappelle qu'en 25 ans, il y a eu trois pics de plus de 50 suicides sur un an. "En 1996, il y a eu 71 suicides chez les policiers. Les pouvoirs publics avaient alors pris conscience de nos conditions de travail et avaient apporté quelques améliorations, notamment sur les plannings".

En France, les policiers totalisent plus de 20 millions d'heures supplémentaires, preuve qu'il y a un réel sous-effectif. "Nous sommes sans cesse rappelés sur nos jours de repos pour travailler... Nous demandons à avoir au moins un week-end sur deux de repos pour avoir une vie de famille", insiste Bruno Bartoccetti.

Sur les agressions de policiers et les "tueurs de flics", "nous attendons des réponses pénales adaptés, insiste le délégué syndical, pour que la population se sente en sécurité, il faut que les policiers se sentent en sécurité et soutenus par la justice".

Au niveau de la prévention des risques psycho-sociaux, "nous n'avons pas de médecins du travail, mais des médecins de prévention et certains collègues n'ont pas été vu en consultation depuis 20 ans", conclut le délégué syndical.
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