Après deux ans de calvaire pour Monique Faure, les squatteurs qui occupaient sa maison viennent d'être expulsés. Mais en retrouvant la demeure familiale, dans le 12ème arrondissement de Marseille, elle découvre des immondices, ses meubles et souvenirs cassés... Un cauchemar.
L'expulsion était tant attendue, c'était une vraie bonne nouvelle. Les squatteurs ont été prévenus, ils sont partis avant l'arrivée des forces de l'ordre. Après deux ans de lutte, le mardi 13 octobre, Monique Faure a pu entrer dans sa maison. Mais là, elle décrit un capharnaüm "il n'y a plus rien des affaires, meubles, souvenirs, ils ont tout cassé. C'est d'une saleté incroyable, il y a des tonnes d'immondices, d'objets de toute sorte, c'est inimaginable."
La maison ressemble à une ruine, et le jardin à un dépotoir. Des câbles ont été tirés partout, une salle de bain a été transformée en cuisine, les fleurs du jardin ont disparu, des toilettes sèches ont été installées dans une cabane.
Les seuls souvenirs intacts sont un tableau représentant Pagnol dans le garage et un petit auto-collant sur lequel il est écrit Papi, sur une fenêtre. Apparemment, au moins trois familles vivaient là.
Mardi matin, trois véhicules du Samu social sont venus les aider. Ce qui met Monique Faure hors d'elle. Sa famille n'a reçu aucune aide depuis le début. Elle va maintenant se retourner contre l'état.
Une société de gardiennage
La maison est de nouveau vide mais elle pourrait intéresser d'autres squatteurs, malgré son état. La famille a décidé de faire appel à une société de gardiennage 24h/24.La maison devrait être remise en vente, en l'état, ou presque.
Deux ans de calvaire
Cette maison familiale, bâtie par les parents et située dans le 12e arrondissement de Marseille, est occupée sans le consentement des propriétaires depuis octobre 2018. Le préfet s'était engagé par écrit à un octroi de la force publique à partir du 12 octobre.
Le calvaire de la famille avait démarré en octobre 2018.
Une propriétaire "à bout"
Monique Faure est dépassée. Au téléphone, cette sexagénaire bientôt à la retraite s'excuse pour son émotion. "Vous comprenez, je n'en peux plus, je suis à bout", lâche-t-elle, essouflée.Depuis 2018, deux familles vivent dans sa maison d'enfance dans le 12e arrondissement de Marseille. Celle construite et habitée par ses parents, Henry et Elisabeth Tirlot. Issus d'un milieu modeste, le couple l'a bâtie "pierre par pierre, à la brouette et de leurs propres mains" en 1960. L'installation illégale a été dénoncée immédiatement par Monique, son frère Michel et sa soeur Brigitte, propriétaires de la demeure depuis le décès de leurs parents.
"Même après le décès des parents nous continuions d'y aller. Mes enfants y ont grandi. Nous y avons encore des meubles, des biens mais surtout tant de souvenirs", s'émeut-elle. Les pierres, le terrain de 2000 m2 et ces grands arbres qui mènent à leur maison d'enfance sont alors autant de raison pour la garder dans la famille.
Une impasse
Huit ans après le décès de leurs parents, en octobre 2018, Monique, son frère et sa soeur décident finalement de "faire quelque chose de cette maison". Ils la mettent en vente. Des acheteurs se montrent intéressés et se disent prêts à signer, "un vendredi, c'est important" précise Monique Faure. Ils demandent à revenir le dimanche pour refaire un tour mais constatent la présence d'individus en train de s'installer dans la maison et appellent Monique. "Les squatteurs avaient cassé pour rentrer, ils l'ont d'ailleurs reconnu sans problème", raconte Mme FaureImmédiatement, Michel Tirlot se déplace au commissariat de police pour dénoncer l'occupation. Or, on aurait refusé de prendre sa plainte. Selon lui, les forces de l'ordre auraient prétexté être débordées, notamment en raison du match de l'OM contre le PSG qui se tient au Stade Vélodrome ce jour-là. Les policiers demandent à ce que la famille reviennent la semaine suivante. Mais le délai légal des 48h pour dénoncer un squat est dépassé quand le frère et les deux soeurs reviennent trois jours après.
C'est le début d'une longue et pénible procédure. Pourtant, Dominique, Brigitte et Monique finissent par obtenir une ordonnance du Tribunal de Grande Instance, demandant l'expulsion des squatteurs en septembre 2019.
"On se pensait tirés d'affaires et on imaginait qu'ils allaient enfin partir mais pas du tout".
En effet, suite à ce document demandant au préfet de police la réquisition de forces de l'ordre pour expulser les occupants, rien n'aurait été fait. Normalement, le préfet a deux mois pour faire appliquer la décision de justice. Or, un an après, les squatteurs sont toujours là, malgré des relances en février, mai et juillet 2020. "L'huissier relance et renvoie une demande d'expulsion tous les deux mois, sans aucun retour des autorités", se désole la famille. Face à eux, se dresse un mur administratif.
"Nous sommes des citoyens honnêtes"
Même l'avocat de la famille semble avoir lâché l'affaire selon les Tirlot - Faure. "Je suis désespérée, tout le monde me dit qu'on ne peut rien faire tant que la police n'intervient pas", soupire Monique. Et pas question de se faire justice soi-même. "Nous sommes des citoyens honnêtes, nous avons toujours voulu passer par la justice mais même une avocate au début de la procédure m'avait conseillé de faire appel à 'des gros bras', je m'y suis toujours refusée", explique Mme Faure. Aujourd'hui, fatiguée et bouleversée par deux ans de procédures, elle semble presque regretter de ne pas avoir pris les choses en main elle-même.
Comment expliquer l'inaction des autorités publiques ? Du côté de la Région, le préfet Christophe Mirmand nommé en juillet dernier n'a pas connaissance du dossier. "Malheureusement je ne peux pas vous expliquer pourquoi rien n'a été entrepris à la suite de la décision de justice", nous a répondu le préfet. Possibles motifs selon lui : les différentes trêves hivernales qui visent à empêcher toute expulsion (de novembre à mars) ou bien le fait qu'il soit impossible de reloger les occupants ailleurs. "Je ferai un point avec mes équipes lundi 21 septembre pour comprendre la situation", nous a indiqué M. Mirmand.
En une semaine, le préfet aura donc réagi en écrivant à la famille pour lancer la procédure d'expulsion.
Contacté également le 19 septembre, le Préfet de police préfère étudier le dossier avant de nous répondre. Le maire de secteur (11/12), Julien Ravier nous avait assuré qu'il recevrait Mme Faure dans les jours à venir. Au téléphone, il nous a assuré dénombrer plusieurs cas similaires à celle de Monique Faure et sa famille dans son secteur. Mais les mesures d'expulsion relèvent de l'autorité de la préfecture. "Le 'problème' dans cette loi reste l'obligation de reloger les occupants, surtout s'il y a des enfants scolarisés, ce qui serait le cas dans la situation de Mme Faure", explique M. Ravier.
Monique Faure et sa famille, eux, attendent. Ils ne s'approchent plus de leur maison, devenue insalubre et dont le jardin ressemblerait désormais à une décharge à ciel ouvert. Le coût des procédures et l'absence de considération des pouvoirs publics - "du mépris" - leur a fait perdre tout espoir.
Un nouvel amendement
Face à la recrudescence de cas de squats, les députés ont adopté, le 16 septembre, un amendement qui permet de mieux protéger les propriétaires. Cet amendement étend la notion de domicile à la résidence secondaire.
"A partir du moment où vous trouvez un squatteur chez vous, vous déposez plainte, vous faites constater que c'est bien chez vous et après vous interpellez le préfet. Le préfet a 48H pour vous répondre et au bout de 48H le préfet lui-même met en demeure le squatteur de partir." a précisé Emmanuelle Wargon, ministre du logement.
Actuellement, si le propriétaire expulse lui-même les squatteurs : il encourt 3 ans de prison et 30 000 euros d'amende, plus que le squatteur dont la peine maximale sera d'un an de prison et 15 000 euros d'amende. Le but de ce nouvel amendement est donc de rétablir l'équité entre la peine risquée par le propriétaire et la peine encourue par le squatteur.