"N’allez pas espérer, mais il y a encore des belles choses qui existent". Après 28 jours passés en Méditerranée dans un module sous-marin de 5m², Laurent Ballesta a retrouvé l'air libre dimanche. Le plongeur-explorateur se livre sur son voyage à 120 mètres de fond, entre Marseille et Monaco.

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Laurent Ballesta peine à trouver les mots. La forêt de micros semble étourdir le plongeur-explorateur à la sortie de son "module de vie". 5 m2, que le photographe naturaliste a partagé pendant 28 jours avec trois camarades de chambrée et de plongée, par 120 m sous la surface de la Grande Bleue.
 
Mais si à l'heure de retrouver l'atmosphère libre ce dimanche 28 juillet le verbe est encore imprécis, les souvenirs sont déjà marqués à l'ancre indélébile. 
 
"Il y a eu un retour sur terre qui était plus émouvant que ce que j'avais cru, ce n'est pas évident de parler à chaud comme ça, j'avais préparé mille phrases et elles ne viennent plus du tout", s'excuse-t-il presque sur le quai du port de Marseille.   
 
"Quand un rêve passe par l’épreuve de la réalité, évidemment,  il s’abîme. Mais je sais qu’avec le temps il sera patiné et que cela restera un souvenir inoubliable".

Un autre monde sur la même planète

Avec ces trois compagnons, dans cet espace exigu, dans un environnement sous pression, hostile à l'homme, où la pression est 13 fois supérieure à celle de la surface, Laurent Ballesta a vu un de ses vieux rêves se réaliser.
 
"On a eu droit à un privilège. Dans notre société de divertissement, où l’on cherche du plaisir immédiat, on croit qu’un privilège est un nécessairement plaisir, mais non. C’est avant tout un honneur. Nous avons eu le privilège de passer des journées entières, certes sur la même planète, mais dans un autre monde".
 
Car à 120 m de fond, l'homme est un intrus. C’est notamment à cause du froid que l’expédition n’aura pas été qu’un plaisir.
 
"C’est quand même fou de se dire que dans la Méditerranée, en plein été, on a souffert du froid", explique Laurent Ballesta.

"Le froid nous a glacé le sang. L’eau à cette profondeur est pourtant à 14 degrés, mais la perte calorique était la même que dans les eaux polaires. L’air que nous respirions était constitué à 95% d’hélium, ce qui donne cette sensation de froid".

Une plongée unique au monde

C’est l’alliance de la plongée à saturation - pour éviter la décompression - et de la plongée autonome qui a rendu possible cette expédition unique au monde.
 
Partis le 1er juillet de Marseille, les quatre hommes ont ainsi vécu dans un caisson pressurisé comme à 120 m de fond, sous ou sur la surface de l'eau.
 
Chaque jour, les plongeurs sont descendus dans le bleu de la Grande Bleue via la "tourelle", un ascenseur qui les a amenés à la profondeur requise en à peine 3 minutes. Une fois la porte ouverte, le travail pouvait commencer.    
 
"La scène d'amour vache de deux murènes. Les cathédrales de roches de la falaise sous-marine du cap Taillat…"
 
Ces zones refuge de la biodiversité, photographiées et analysées par l’équipe de Laurent Ballesta, présentent des intérêts majeurs liés, entre autre, à l’étude du réchauffement climatique.
 
"On a réussi à photographier presque chaque jour des animaux insolites qui n’avaient jamais été illustrés vivants jusque-là. C’est quand même fou de se dire ça."

Avant de rappeler, presque dépité que "l’heure et l’époque sont moroses. J’ai presque envie de vous dire : "N’allez pas espérer, mais il y a encore des belles choses qui existent". 


Oui j’ai vu des choses affreuses, mais il y a de belles choses

La pollution des fonds marins, Laurent Ballesta ne l’ignore pas. S’il reste subjugué par la richesse et la beauté de la Méditerranée, ce grand amoureux de la mer n’a pas pu éviter la pollution, chimique, plastique ou même sonore.

"Peut-être que nos manipulations scientifiques sur ces milieux-là montreront que ces écosystèmes lointains nous sont utiles, à nous terrestres. Nous qui respirons un oxygène produit par cet océan".

Cette mer qu’il reconnait "abîmée", le photographe-explorateur la qualifie aussi de "grande résistante" et vante ses jardins de coralligènes et ses récifs coralliens.
 
"Les belles choses existent encore. Oui j’ai vu des choses affreuses, mais il y a de belles choses", livre Laurent Ballesta.
"Je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur le monde en général… Et je fais un enfant. C’est ma plus grande contradiction", lâche-t-il encore la voix tremblante lorsqu’on lui parle de ses retrouvailles avec sa fille de deux mois, Elea, comme l'héroïne de "La nuit des temps" de Barjavel, survivante d'une civilisation disparue.
 
"Je ne me fonde pas d’espoirs extraordinaires sur l’avenir de notre environnement. Je n’y crois pas trop, mais on peut, peut-être, encore ralentir le processus".

Laurent Ballesta garde en tête des images d’une mer vivante malgré ses blessures, et parle déjà d’une nouvelle expédition.

La Mer Méditerranée qui lui a permis, selon ses dires, de se prendre pour un explorateur le temps d’un voyage et de garder "encore matière à s’émerveiller".

(Re)voir Laurent Ballesta fraîchement sorti de l'eau, invité du 19/20, dimanche 28 juillet 2019 
 
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