Depuis la fin du mois de mars, en moyenne 700 Ukrainiens sont accueillis à bord d’un navire de la Corsica Linea. Dans cet hôtel flottant, les Ukrainiens s’adaptent à leur nouvelle vie. Avec le temps, ils ont trouvé une organisation quotidienne.
De Marioupol, de Kiev, d'Odessa ou d’autres villes ukrainiennes, ces réfugiés ont quitté leur ancienne vie pour une nouvelle à bord du ferry "Méditerranée" à Marseille.
Historiquement, le port de la Joliette est un lieu de départ et d’arrivée de dizaines de bateaux par jour mais pour ce ferry c’est un lieu de résidence.
Depuis le 29 mars dernier, des centaines d’Ukrainiens vivent dans cet hôtel flottant, ils ne sont pas tous venus en même temps. Aujourd’hui ils sont 721 à bord du ferry de la compagnie maritime Corsica Linea, loué par l'Etat français.
Une petite Ukraine
A bord, le souvenir de l'Ukraine est omniprésent. Aujourd'hui, les réfugiés sont à l'abri mais ils pensent constamment à leur pays. Plusieurs d'entre eux ont même conservé les alertes bombardements sur leurs téléphones portables. Ils veulent rester en contact en permanence avec leurs proches restés dans les territoires en guerre.
Puisqu'ils sont à des milliers de kilomètres de l'Ukraine, ils essaient de recréer un "environnement" pour se sentir vraiment comme à la maison.
Dans les couloirs, les indications et le nom des salles sont écrits en ukrainien.
Des ballons gonflables bleus et jaunes, aux couleurs du drapeau ukrainien sont accrochés dans les restaurants, les salles de vie.
Même la gastronomie est ukrainienne, les cuisiniers du ferry concoctent parfois des plats traditionnels de leur pays comme le poulet à la Kiev.
Garder les coutumes c'est important pour eux, les réfugiés continuent de pratiquer leur foi.
Ce dimanche 24 avril, un prêtre orthodoxe de Marseille est monté sur le bateau pour célébrer la messe de Pâques.
Pour ces 700 passagers, vivre en communauté les aide à surmonter les douleurs causées par la guerre et surtout l'exil de leur terre natale.
C'est le cas d'Olga Rulyova, une réfugiée originaire du Donbass : "Cette petite chambre c'est bien plus qu'un cocon. Après la guerre et tellement de douleurs c'est l'occasion de souffler, de se relâcher, de se sentir en liberté, en paix."
Elle et les autres passagers sont reconnaissants de l'aide et de la générosité de la France mais ils ont qu'une seule envie : rentrer dans leur pays.
S'adapter à ce nouveau pays
En attendant de revoir un jour leur pays, ils ont trouvé une organisation quotidienne.
Les enfants s'amusent et ne pensent pas à la situation dans leur pays. Dans les couloirs du ferry, les garçons jouent "à la guerre". Les chambres sont décorées de jouets, de peluches, parfois entourés d'un drapeau ukrainien.
La majorité des réfugiés présente sur ce bateau est composée de femmes et des enfants.
Dans la salle du restaurant, un groupe de femmes a trouvé une occupation : apprendre le français.
Assisses sur des banquettes, elles sont dix à suivre un cours, un peu comme à l'école avec de quoi noter : un cahier et un stylo, elles écoutent attentivement leur professeure.
L'enseignante c'est Alona Diorliieva, une ukrainienne d'une quarantaine d'années qui n'est pas professeure.
Assise sur une chaise, au centre du cercle, elle fait réciter des mots élémentaires du français à ces femmes tout âge.
"J'ai étudié à l'université, il y a très longtemps, il y a 20 ans. Mais maintenant je veux rafraîchir et améliorer mon français. C'est pourquoi j'ai décidé d'aider ces femmes pour leur apprendre un peu le français", explique-t-elle en souriant.
Un lieu de transit
Les autorités françaises ont mis en place ce dispositif d'accueil unique, aucun n'autre bateau n'héberge des réfugiés en France.
Le "Méditerranée" a une capacité d'accueil de 1 600 passagers.
Les Ukrainiens ne vont pas vivre éternellement sur ce ferry, ils doivent rester deux mois et demi pas plus.
Il est utilisé comme un lieu de transit. A bord, tout est fait pour intégrer ces réfugiés à la société française.
Des banques, des associations et même des agents de pôle emploi sont présents sur le navire pour qu'ils créent un compte en banque, les aider dans leur démarche administratif.
Et surtout les entourer pour leur trouver un nouveau travail, à Marseille ou ailleurs dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
"Initialement on se pose sur tout ce qui est besoins essentiels comme l’accès à la santé évidemment. Ouverture des droits, accompagnement en préfecture pour obtenir leur autorisation provisoire au titre de séjour au titre de leur protection temporaire, qui est le graal ensuite pour avoir un emploi", déclare Charlotte Stergou, directrice de projets du "groupe SOS".
Cette association est responsable de l’organisation à l’intérieur du ferry.
Quand ils trouvent un emploi, un toit ou tout simplement qu'ils sentent de prendre leur envol, ils quittent le ferry. Entre temps, d'autres réfugiés montent sur le bateau.
Chaque jour il y a des allées et des venues. Au début de la semaine, 10 Ukrainiens ont quitté le ferry, tandis que 40 en provenance de Marioupol sont montés à bord.
Les enfants ukrainiens sont scolarisés dans des écoles publiques du secteur (2ème arrondissement de Marseille) depuis ce lundi 25 avril.
Le "Méditerranée" prendra le large, le 10 juin prochain en direction de l'Algérie et reprendra ses rotations habituelles.