Un chirurgien gynécologue marseillais et l'un de ses confrères, spécialiste comme lui, de l'endométriose ont lancé une application pour lutter contre cette maladie qui touche près d'une femme sur 10 dans le monde. Présenté au CES de Las Vegas, l'outil digital a déjà été téléchargé 10.000 fois.
En quelques minutes, Raphaëlle* télécharge l'application, crée son compte sur MyEndo'App puis répond à trois questions autour des symptômes qu'elle connaît lors de ses cycles menstruels.
Le diagnostic tombe : le risque d'endométriose est élevé pour la jeune femme. L'application l'oriente alors vers une consultation avec un gynécologue spécialiste de la maladie. Voilà pour le principe tout simple de cette application, présentée comme une avancée majeure par ses concepteurs.
"Ce diagnostic digital est une révolution. Aujourd'hui 200 millions de femmes ont cette maladie chronique. Mais cela reste un sujet tabou. En trois questions, elles peuvent désormais savoir si elles ont des risques d'avoir la maladie", indique Jean-Philippe Estrade, chirurgien gynécologue marseillais, l'un des deux spécialistes créateurs de l'application.
Trois questions avant le diagnostic
Lors de leur démarrage sur l'application, les utilisatrices répondre à trois questions.- Avez-vous des saignements au niveau du rectum pendant les règles ?
- Avez-vous des saignements dans les urines pendant les règles ?
- Prenez-vous une pilule contraceptive pour traiter ou éviter les douleurs pendant les règles ?
Un stockage de données sécurisé
En cas d'endométriose, leur parcours de santé démarre sur l'application digitale qui évalue les effets d'un traitement sur chaque patiente."Ces femmes contribuent aux progrès de la recherche", détaille le chirurgien marseillais. Les informations personnelles recueillies sont stockées sur un serveur de données de santé sécurisées (HADS).
Après avoir répondu aux trois questions, quatre résultats sont possibles pour la patiente souffrante pendant son cycle menstruel.
Le risque est soit peu élevé, intermédiaire, élevé ou très élevé. Pour les deux derniers, des batteries d'examens sont alors conseillées.
L'application est payante, "une garantie", explique Jean-Philippe Estrade de la confidentialité des données, "contrairement aux applis gratuites financées par des labos privés qui peuvent alors récupérer les données personnelles des utilisateurs". Les fonds récoltés sont directement réinjectés dans la recherche et le développement, selon le praticien.
Un algorithme fiable à 88 %
Un algorithme, réalisé par le professeur Chapron, testé sur 2.500 patientes, a permis de vérifier la fiabilité de l'application."Nous avons 88% de fiabilité. Cela doit permettre de diagnostiquer plus rapidement la maladie. Alors qu'aujourd'hui, il faut six à dix ans parfois pour un diagnostic", explique Jean-Philippe Estrade.
Les femmes atteintes d'endométriose doivent aussi répondre à des questionnaires pour permettre aux praticiens de connaître leur qualité de vie.
Développer un outil pour les médecins
Ce suivi doit également permettre d'en finir avec le "nomadisme médical". Les praticiens pourront désormais avoir les informations en temps réels."Souvent, mes collègues n'ont pas les consignes des autres practiciens. Ils recommencent parfois le même traitement par manque d'informations. 75% des patientes sont maltraitées. Là avec le suivi ça sera différent", indique le chirurgien gynécologue.
Des règles douloureuses à l'infertilité
Aujourd'hui, 12% des patientes en âge de procréer seraient atteintes d'endométriose. Cette maladie chronique est liée au développement du tissu endométrial en dehors de l’utérus pouvant toucher d’autres organes alentours.L'endométriose peut-être asymptomatique, mais en général des symptômes apparaissent chez les patientes. Ils impactent parfois fortement la vie de certaines femmes.
Outre des règles douloureuses, des douleurs peuvent intervenir lors des rapports sexuels (dyspareunie). Dans certains cas, le dévelopepement de la malafie peut conduire à l'infertilité.
Au niveau 3 sur 5 d'intelligence artificielle
Aujourd'hui, l'application permet d'anticiper son développement, selon Jean-Philippe Estrade. Mais grâce à la recherche et aux évolutions, les gynécologues spécialistes de la maladie veulent aller plus loin."Nous sommes au niveau 3 de l'intelligence artificielle. Au niveau 4, nous serons capables de prédire l'évolution de la maladie et de donner un traitement. Et au niveau 5, qui ne sera normalement jamais atteint, l'application pensera par elle-même. Elle vous appelera pour vous dire ce que vous avez et comment la traiter", rapporte Jean-Philippe Estrade.
Une application présentée à Las Vegas
Du 7 au 10 janvier, les responsables de l'application étaient aux Etats-Unis, à Las Vegas, pour présenter MyEndo'App, dans le cadre du célèbre Consumer Electronics Show (CES) qui accueille chaque année plus de 200 000 geeks du monde entier et des milliers de journalistes."Au niveau du dispositif, nous n'avons pas de concurrence. On se rend aussi compte que le digital n'a pas trop suivi dans le domaine de la santé. Las Vegas nous a permis de rencontrer des gens venus exprès pour ça et de possibles investisseurs".
Après ce salon international, Jean-Philippe Estrade a également vu "de nombreuses personnes venir aux informations sur les réseaux sociaux".
Aujourd'hui, l'application a déjà été téléchargée 10.000 fois dans plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis.
*le prénom a été changé