Le LBD rassure les policiers, mais peut tuer ou blesser gravement. À Marseille, Mohamed Bendriss est mort à la suite d'un tir, Hedi quant à lui a été amputé d'une partie du crâne. Le LBD est remis en cause par les associations et commence à être délaissé par certains policiers.
Combien de personnes ont-elles perdu un œil à cause d'un tir de LBD ? C'est en tout cas de cette façon que l'arme a commencé à faire parler d'elle, pendant la crise des gilets jaunes, en 2018. 13 000 tirs de LBD ont été tirés à cette période, selon le ministère de l'Intérieur. Chaque année, ce sont environ entre 15 000 et 20 000 tirs de ce type qui sont effectués par les forces de l'ordre.
LBD signifie lanceur de balles de défense, il est utilisé en France depuis 2009 par la gendarmerie et la police nationale. Ses munitions sont des balles de 40 mm de diamètre conçues pour être utilisées à une distance de "3 à 25 mètres", selon l'instruction du ministère de l'Intérieur du 2 août 2017. Le tireur n'a pas le droit de viser la tête.
Une arme nécessaire, selon les policiers
"Les policiers ont du mal à imaginer des interventions difficiles sans avoir la possibilité de faire l'usage du LBD, ça les rassure et ça les a sortis de situations délicates un certain nombre de fois", décrit Christophe Korell, président d'une association qui a pour objectif de rapprocher citoyens et policiers.
Bien évidemment, quand une personne perd un oeil ou perd la vie, cela remet en cause le LBD. Je crois surtout qu’il faut regarder en direction du constructeur, plutôt que de l’utilisateur. À chaque fois que l’on utilise une arme intermédiaire, non létale, on conteste l’utilisation. Ça peut être l’exemple du taser, du tonfa.
Bruno Bartocetti, responsable de la zone sud d'Unité SGP Police
Et, de renchérir pour le syndicaliste d'Unité SGP Police : "Tout peut-être amélioré, y compris le LBD, mais à force, on va se retrouver à lancer des balles de ping-pong quand, en face de nous, on nous balance des boules de pétanque. Tout devient une arme par destination, une voiture, un cocktail Molotov, et nous, on ne pourra pas riposter."
En 2021, le ministère de l'Intérieur estime que "les armes de force intermédiaire sont nécessaires" pour faire face à des scènes de violence, assurant que "chaque usage de ces armes est tracé".
Deux cadres d'utilisation et une habilitation
Il y a deux types d'utilisation du LBD détaille le syndicaliste Bruno Bartocetti, membre des forces de l'ordre et responsable de la zone sud d'Unité SGP Police.
"Dans le cadre du maintien de l'ordre, c'est toujours sous le contrôle du commandement de section, CRS ou compagnie d'intervention. Cet usage se fait sous contrôle, ce qui veut dire que le tir est filmé, et que vous devez toujours, après utilisation du LBD, expliquer pourquoi vous l'avez utilisé" précise le syndicaliste.
L'arme équipe également nombre de policiers nationaux, elle est mise à disposition d'équipages et de patrouille, c'est la dotation.
"Si l'on prend l’exemple des BAC (brigade anti-criminalité, ndlr), Il faut une habilitation, avoir subi une formation. Dans la police, ce n’est pas un matériel attribué par défaut. La seule dotation individuelle reste l’arme de service" explique Bruno Bartocetti.
Les forces de l'ordre sont formées à son maniement : "Vous avez une habilitation pour trois ans et une séance de tir par an. Avec cinq balles à tirer sur une cible, vous devez en placer trois pour l'obtenir, et ce n’est que du tir statique. Contrairement à l’arme individuelle, où ce sont trois sessions de tir par an."
Des dommages collatéraux
Les victimes ne sont pas "des personnes dangereuses", souligne Arié Alimi, avocat et membre de la Ligue des droits de l'Homme. Les victimes sont plutôt des dommages collatéraux à proximité des affrontements.
Critique partagée par l'ONG ACAT, l'Action des chrétiens contre la torture : "Le maintien de l'ordre, qui doit être préventif, devient de plus en plus répressif", engendrant un risque de "glisser vers des traitements cruels, inhumains et dégradants."
En 2022, la Défenseure des droits recommande d'interdire l'utilisation de cette arme pour le maintien de l'ordre.
Un questionnement qui touche aussi les syndicalistes comme Bruno Bartocetti : "On n’est pas là pour cautionner des utilisations décalées, inappropriées, excessives. Il faut prendre cette utilisation de manière très large et dans 99% des cas, avec la volonté de neutraliser sans vouloir tuer ou blessé sérieusement quelqu’un."
Les récentes polémiques quant à l'usage du LBD ne tiennent que peu compte des contextes d'intervention, d'après Bruno Bartocetti : "La précision, quand on est confortablement installés dans un stand de tir, on l’a. Quand on est dans un cadre de violences extrêmes, que l’on doit utiliser cette arme dans des positions très compliquées ou en mouvement, la volonté du policier, c'est de toucher l’abdomen, certainement pas la bonne du cœur ou le visage".
Usage intensif en France et en Grèce
Ailleurs en Europe, ces armes non létales font débat. Elles sont interdites notamment dans les pays scandinaves, en Irlande, en Autriche et dans la plupart des Länder allemands. Au Royaume-Uni, leur usage reste rarissime et interdit en maintien de l'ordre.
Au Portugal et en Espagne, les forces de l'ordre peuvent y avoir recours. Mais les polices régionales en Catalogne et au pays basque ont renoncé à l'utilisation de balles en caoutchouc après deux incidents en 2012 : la perte d'un œil par une manifestante à Barcelone et la mort d'un supporter de l'Athletic Bilbao.
Des policiers davantage réfractaires à l'utilisation du LBD
Bruno Bartocetti affirme que dorénavant, "beaucoup de collègues, en dotation individuelle, lors de patrouilles, ne veulent plus utiliser leur LBD. C’est vu comme une arme d’agression, comme des violences policières, et la situation se retourne systématiquement contre nous. Ce sont des échos que l’on a, avec beaucoup de retours comme ça."
Certaines ONG plaident carrément pour un changement de doctrine en matière de maintien de l'ordre et demandent "la suspension du LBD40 le temps que les autorités fassent une enquête minutieuse et indépendante sur l'utilisation de ces armes". C'est ce qu'a demandé Amnesty international France par la voix de son président, Claude Samouiller.
Avec AFP.