Mohamed, Hedi, Abdelkarim... À la suite de la mort de Nahel, tué par un policier pendant un contrôle, d'autres personnes ont été blessées et une tuée à Marseille durant les émeutes qui en ont découlé. Policiers en détention, mis en examen, blessés et morts : on vous résume les principales affaires en cours.
Le 27 juin 2023 est une date historique en France. 18 ans après la mort de Zyed et Bouna, électrocutés alors qu'ils tentaient d'échapper à un contrôle de police en banlieue parisienne, c'est un adolescent de 17 ans qui meurt tué directement par un policier pendant un contrôle à Nanterre : Nahel. La question des violences policières refait surface en France, trois ans après la mort de George Floyd.
Des manifestations s'organisent et très vite, des émeutes embrasent notre pays. Lors de ces violences urbaines contre les violences policières, d'autres victimes sont à déplorer. 31 enquêtes ont été confiées à l'inspection générale de la police nationale (IGPN), indique l'AFP. Voici les affaires connues.
Nahel, décédé : le policier en détention provisoire
Tout commence par la mort de Nahel donc, 17 ans, tué par un policier à bout portant pendant un contrôle à Nanterre, après un refus d'obtempérer. L'interpellation est filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, ce qui permet de faire avancer l'enquête et de changer le traitement judiciaire des violences policières.
Le policier à l'origine du tir, Florian M., 38 ans, a été placé en détention provisoire. Jeudi 10 août 2023, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a confirmé son maintien en détention provisoire, rejetant sa demande de mise en liberté.
Mohamed, décédé : trois policiers du Raid mis en examen
À la suite de la mort de Nahel, le pays est marqué par plusieurs nuits de violences urbaines. Celle du 1ᵉʳ au 2 juillet 2023, un autre homme meurt, à Marseille cette fois : Mohamed Bendriss, 27 ans. Il est touché par deux tirs de LBD au niveau du thorax et de la cuisse, et est retrouvé mort à quelques mètres de l'entrée de l'immeuble de sa mère, dans le centre-ville de la cité phocéenne. Selon son avocat Me Arié Alimi, cet homme, marié, père d'un enfant et dont la veuve attend un deuxième enfant, n'avait pas l'intention de prendre part aux émeutes, mais rentrait chez lui et, sur le chemin, avait filmé une scène d'interpellation avant d'être touché par un tir de LBD.
Le 4 juillet, une information judiciaire a été ouverte pour "coups mortels avec arme" et confiée à la police judiciaire et l'IGPN. Cinq policiers du Raid sont placés en garde à vue mardi 8 août 2023. Deux sont libérés et trois sont placés sous contrôle judiciaire et mis en examen deux jours plus tard. Ils peuvent continuer d'exercer leur métier, mais sont interdits d'interventions liées aux violences urbaines ou grands événements sur la voie publique.
Hedi, amputé du crâne : un policier en détention provisoire
Cette même nuit de violences urbaines du 1ᵉʳ au 2 juillet 2023, Hedi, 22 ans, est hospitalisé après avoir reçu un tir de LBD dans la tempe, selon le parquet de Marseille. Une partie de son crâne a dû être amputée, entraînant une incapacité totale de travail de 120 jours.
Quatre policiers de la brigade anticriminalité de Marseille ont été mis en examen pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, placé en détention provisoire, a finalement reconnu le 4 août devant la justice avoir fait "usage de LBD", ce qu'il avait nié. L'avocat général a évoqué les éléments livrés par l'exploitation de caméras de surveillance, prouvant que la victime avait été rouée de coups. Jeudi 3 août, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a décidé du maintien en détention provisoire du policier soupçonné d'être à l'origine de ce tir.
Abdelkarim, éborgné : une enquête ouverte
Abdelkarim Y., 22 ans, cousin de Mohamed Bendriss, a été visé par un tir de LBD des policiers du Raid, alors qu'il marchait seul à Marseille dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, selon son avocat Me Arié Alimi. Une source judiciaire a confirmé à l'AFP qu'il avait perdu l'usage d'un œil. Il a "subi plusieurs opérations, mais se repose actuellement chez lui", explique Me Alimi.
Le parquet de Marseille a ouvert une enquête préliminaire du chef de "violences volontaires en réunion ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente par personne dépositaire de l'autorité publique et avec arme".
Aimène Bahouh, sorti du coma : une information judiciaire ouverte
La nuit du 29 au 30 juin, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), Aimène Bahouh, 25 ans, se déplace en voiture, vitre ouverte, "pour aller se ravitailler à la pompe à essence au Luxembourg", lorsqu'il "reçoit un projectile du Raid, sur la tempe", a assuré à l'AFP un membre de sa famille. Les premières investigations ont permis d'affirmer que les blessures du conducteur étaient "compatibles avec l'utilisation de "bean bags"", un sac contenant de minuscules billes de plomb, faisant partie des munitions utilisées par le Raid. Placé dans un coma artificiel, il s'est réveillé le 25 juillet et se trouve en convalescence chez lui, "avec pas mal de séquelles", selon sa famille.
Le parquet de Val-de-Briey, qui s'était dessaisi du dossier au profit de celui de Nancy, avait indiqué qu'Aimène Bahouh se trouvait "au cœur des violences urbaines sans que sa participation soit à ce stade établie". Début août, l'avocat de la famille, Yassine Bouzrou, a demandé le dépaysement de l'information judiciaire vers une autre juridiction.
Nathaniel et Mehdi, éborgnés : une enquête ouverte
En Seine-Saint-Denis, Nathaniel, 19 ans et Mehdi, 21 ans ont tous deux été éborgnés à une nuit d'intervalle fin juin, dans deux villes différentes, Montreuil et Saint-Denis. Leurs récits, rapportés par leurs avocats respectifs, confirmant des informations de Mediapart sont similaires : ils se trouvaient dans la rue en compagnie d'un ami lorsqu'ils ont été visés par un tir de LBD. Tous deux ont perdu l'usage d'un œil.
Pour chaque cas, une enquête pour "violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente par personne dépositaire de l'autorité publique et avec arme" a été ouverte par le parquet de Bobigny.
Jalil et Virgil, éborgnés : plaintes déposées
Jalil M., 15 ans, a expliqué à Streetpress avoir été touché par un tir de LBD, en marge des émeutes à Chilly-Mazarin (Essonne), dans la nuit du 1ᵉʳ au 2 juillet. Il a perdu l'usage de son œil droit. Une enquête préliminaire pour violences volontaires commises par une personne dépositaire de l'autorité a été ouverte le 4 juillet, selon le parquet d'Évry. La famille et l'adolescent ont également porté plainte auprès de l'IGPN, a indiqué une source proche du dossier.
Selon la plainte (consultée par l'AFP) déposée par Virgil M., 24 ans, cet ancien militaire a croisé un groupe de policiers à Nanterre, le soir après la marche blanche en hommage à Nahel le 29 juin, et ces derniers l'ont interpellé avant de lui intimer de "se casser". Puis, "sans raison aucune" selon son avocat Arié Alimi, il a reçu un projectile sur l'œil gauche, dont il a perdu l'usage.
En marge de ces violences, une partie des policiers sont solidaires envers leurs collègues. À l'appel de syndicats, 600 policiers ont déposé des arrêts maladies dans les Bouches-du-Rhône, d'après un collectif de policiers retraités. D'autres utilisent le code 562 : ils assurent seulement un service minimum. Pour Yves Fulconi, ancien formateur de la police nationale : "on ne peut pas demander à des policiers d'être parfaits et totalement compétents dans l'usage de leurs outils si on ne les forme pas correctement, ce qui est le cas. La formation est largement insuffisante avec trois tirs annuels et 90 cartouches par an. Le LBD : 18 heures de formations, recyclage tous les trois ans : ce n'est pas suffisant. Donc si on veut que les policiers soient efficaces et irréprochables sur le terrain, il faut leur donner les moyens de l'être". De leur côté, les policiers réclament donc davantage de moyens.
Avec AFP.