Comment expliquer l'implication d'adolescents de plus en plus jeunes dans les violences du narcotrafic à Marseille ? Après le meurtre d'un chauffeur de VTC, Nessim Ramdane, par un adolescent de 14 ans, trois questions à Mohamed Benmeddour, éducateur spécialisé au sein de l'association Apis.
Un adolescent de 15 ans brûlé vif mercredi. Un autre de 14 ans, assasin présumé d'un chauffeur de VTC vendredi... Les violences qui entourent le narcotrafic concernent de plus en plus fréquemment des enfants.
Mohamed Benmeddour travaille depuis plus de 10 ans comme éducateur spécialisé dans les quartiers populaires de Marseille. Il travaille au dialogue entre les habitants et les pouvoirs publics. Il a notamment organisé en mars dernier une rencontre entre les habitants de la Cité de la castellane et le président de la République Emmanuel Macron dans le cadre de l'opération "place nette XXL". Pour lui, les causes de l'embrigadement des plus jeunes sont multiples, de la fascination pour le narcobanditisme à l'extrême précarité de certaines familles.
Comment ces adolescents sont-ils recrutés ?
Les profils sont souvent les mêmes, des ados, des pré-ados de plus en plus jeunes. Ils sont recrutés via les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille. Dans les foyers, j'ai vu des jeunes fuguer pour aller faire le guet ou charbonner dans une cité.
On croise des jeunes de toute la France. Marseille est victime de son succès en matière de banditisme. Ces jeunes ont une fascination pour Marseille et le milieu du narcobanditisme. Ils se disent qu'en arrivant à Marseille, ils auront un statut, qu'ils appartiendront à une famille, une équipe. Ils pensent trouver l'Eldorado.
Comment expliquer des actes aussi violents de la part de ces enfants ?
Il n'y a plus d'empathie, de distinction entre le bien et le mal. Ils sont dans une pulsion, et veulent gagner de l'argent, rapidement. Ils ne calculent pas le risque. C'est une mentalité "no future".
À ma génération, on avait les grands frères. Même s'ils étaient amenés à faire des bêtises, ils ne voulaient pas qu'on reste à côté d'eux, qu'on les voit fumer. Et impossible de se trimballer avec une arme dans le quartier. Ils nous auraient frappés.
Quels moyens préconisez-vous pour prévenir ces violences ?
Il faut un accompagnement renforcé auprès de ces jeunes-là, mais aussi des familles. Beaucoup sont en détresse. Elles n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Certaines mères de famille nous appellent à l'aide. Elles nous disent "je n'y arrive pas, mon fils n'écoute plus. Je suis seule avec trois enfants, je dois travailler, faire des ménages. Venez m'aider."
Entretien réalisé par Camille Bossardt dans le 19/20 Provence-Alpes du 6 octobre 2024 et retranscrit par Margaïd Quioc