Au Frioul à quelques kilomètres au large de Marseille vit une centaine de résidents à l'année. Comme le reste des français, ils sont confinés, la différence? C'est sur cet archipel paradisiaque. Entre promenades, brefs retours sur Marseille et jardinage, la vie s'écoule paisiblement.
Malgré ses sublimes paysages, vivre au Frioul nécessite de faire quelques concessions. C'est le lot des iliens en général. Mais en période de confinement, l'isolement est encore plus prononcé. Surtout quand tous les lieux de vie sont fermés à cause de l'épidémie de Covid-19.
"Ce qui est extraordinaire, c'est que le site est merveilleux, et que l'on peut se promener, souligne Françoise Auriol, vice-présidente du CIQ du Frioul. Ce qui nous manque ce sont les restaurants ouverts, parce que quand même il y a une amitié, des échanges, plein de choses. C'est vrai que c'est un peu triste."
"Il y a une perte de la convivialité"
Le contraste avec cet été est saisissant. Sur le Frioul, la population a doublé voire tripler lors du déconfinement. Marseille et ses alentours sont devenus des lieux prisés par les touristes et les locaux.Aujourd'hui, cet automne qui s'annonçait calme et paisible s'est teinté d'une touche d'isolement en raison du reconfinement, débuté le 30 octobre. "Nous sommes toujours là, mais étant donné que nous ne pouvons plus sortir, c'est un peu différent, on ne s'invite plus entre nous, soupire Jean-Claude Raynaud, 75 ans, dont 30 passés sur le Frioul comme résident. Il y a une perte de la convivialité."
"Maintenant, on se retrouve à deux ou trois seulement sur le quai alors qu'habituellement on discutait, on se retrouvait au bateau pour parler pêche ou on faisait une partie de boules ensemble"
Des courses pour briser l'isolement
Pour animer ses journées, Jean-Claude peut aller faire ses courses à Marseille. Douze rotations quotidiennes sont assurées par des navettes pour permettre aux Frioulais d'aller travailler, à l'école ou encore acheter des provisions. "Je prends généralement la navette de 8h10 et j'arrive à 8h30, raconte ce retraité qui fait le trajet une a deux fois par semaine. C'est un inconvénient de venir faire ses courses à Marseille. Au départ, il faut s'organiser parce qu'on ne va pas venir juste pour une plaquette de beurre, mais en fait entre nous on se dépanne."Jean-Claude les monte à l'aide d'une poulie jusqu'au deuxième étage. Aux commandes depuis l'appartement, c'est sa femme Dany qui dirige les opérations de récupération. De retour à la maison, auprès de son épouse, il est temps pour Jean-Claude de ranger les courses, après désinfection. Covid oblige.
Une routine qui casse un peu l'isolement et le calme pouvant parfois peser sur le moral.
"C'est assez dur par moment. Heureusement, j'ai le chien, donc je sors. Je rencontre des personnes mais il n'y a plus le dialogue comme avant lorsqu'on discutait des heures, ça manque ce contact"
Les larmes aux yeux, la retraitée avoue souffrir de l'éloignement. "Mais bon, ce qui nous manque aussi, ce sont nos enfants et petits-enfants, que nous n'avons pas vu depuis près d'un an et demi. La famille et les amis, ça pèse, cela devient très très long", regrette la frioulaise.
Navigation et pêche interdites
Avec le confinement, Jean-Claude Raynaud, passionné de navigation ne peut plus partir en mer ni pêcher. Cela ne l'empêche pas de venir bricoler sur son bateau."C'est vrai qu'on est un peu frustré parce qu'on est seul en mer, parce que les autres bateaux ne viennent pas se coller à vous, on ne prend pas de risque, et on n'en prend pas nous non plus. Le problème est assez grave, on le comprend. Donc on fait l'effort nous aussi", concède Jean-Claude.
"Venir faire du jardin, c'est venir faire de la détente"
Le principal lieu de vie au Frioul, ce sont les jardins associatifs. Une quinzaine de résidents s'est mis à cultiver le sol arride. Près de 650 m2 de terre, divisés en 13 parcelles sont travaillées ici depuis 2004."Avoir des jardins, on considère que c'est un privilège dans un lieu comme les îles du Frioul. On trouve que c'est magnifique et venir faire du jardin, c'est venir faire de la détente", explique Gérard Prohlac, président de l'association Frioul un nouveau regard.
"Les gens échangent des conseils et des produits, donc même pendant le confinement c'est un lieu de convivialité, tout le monde s'entend bien", précise-t-il.
Les apéritifs et repas en commun ici aux jardins ont disparu. Chacun reste isolé sur sa parcelle, mais travailler la terre apporte une certaine satisfaction, comme pour Robbie, qui prépare la saison prochaine. "Venir au jardin c'est penser au bonheur des légumes que l'on va manger au printemps, explique la jardinière amateure. Là, je nettoie ma terre, et demain je plante des fèves que l'on mangera au printemps." De quoi l'aider à oublier le confinement ?
"Regardez le décor : on a les oiseaux, on a le ciel, on a la terre, c'est parfait ! Ici c'est un petit paradis, c'est du bonheur naturel comme nos cultures."
Pas ou peu de contrôles sont effectués sur l'archipel. Alors si les résidents dépassent un peu le temps de sortie autorisé ce n'est pas bien grave. "Il y a peu de monde, en temps ordinaire on est presque tous dans nos jardins, là il y en a qui viennent le matin, d'autres l'après-midi pour éviter de trop se rapprocher", precise tout de même Robbie.
Dans quelques semaines, après le confinement, les touristes reviendront animer l'archipel, les bateaux seront de retour dans les criques aux couleurs paradisiaques.