À Marseille, depuis un an, le programme "Source ensemble" accompagne gratuitement les femmes vers l'entrepreneuriat, quel que soit leur âge, leur profil social, leur niveau d'étude. Seule condition : leur activité doit porter sur l’économie sociale et solidaire ou la culture. Parmi la centaine de bénéficiaires, Hamida et Elisabeth racontent leur expérience.
Bianca Farrugia prépare un événement ce jeudi 16 novembre et a choisi symboliquement l'Après M comme lieu, pour l’organiser. Aux portes des quartiers populaires, il s'agit pour la coordinatrice de "Source ensemble", de convaincre les femmes de rejoindre son programme d'entrepreneuriat au féminin.
À Marseille, depuis un an, deux incubateurs accompagnent gratuitement les femmes, quel que soit leur âge, leur profil social, leur niveau d'étude, parce que "se mettre à son compte peut être un moyen de sortir de la précarité, mais aussi tout simplement de trouver un travail à la hauteur de ses ambitions" explique Bianca Farrugia. Seule condition : leur activité doit porter sur l’économie sociale et solidaire ou la culture. Parmi la centaine de bénéficiaires, Hamida et Elisabeth ont fait partie de la première promotion en septembre 2022.
"Le petit déclic qui fait qu'on va se jeter à l'eau"
Hamida Babou prépare l'ouverture prochaine de son restaurant social et solidaire comorien, "les Îles de la lune, un héritage culturel". Née à Marseille en 1975, elle évoque "sa chance", une enfance auréolée "d'amour et de bienveillance" dans le 14ᵉ arrondissement de la ville. Cette documentaliste reconvertie dans le social dit ne s'être jamais sentie différente. "Le racisme, je l'ai rencontré quand j'ai cherché mon premier appartement", raconte-t-elle, "mais aujourd'hui, je veux que ma double culture soit une force".
Après un CAP cuisine en cours du soir et une licence en management, l'écueil qu'Hamida rencontrait dans son projet était "de ne pas arriver à faire seule", il lui manquait "la confiance en soi et le petit déclic qui fait qu’on va se jeter à l'eau". Elle raconte avoir trouvé dans ce programme du "coaching vers l'entrepreneuriat " mais avant tout "des choses que l’on n’apprend pas à l'école ni sur le papier, du réseau, des rencontres...".
"Dédiaboliser l'aspect administratif et juridique"
Le programme est destiné à redonner confiance à ces femmes, leur livrer les codes de l'entreprise, les aider à communiquer, trouver le bon modèle économique, conquérir les marchés, défendre leur idée devant des financeurs. Et surtout "dédiaboliser l'aspect administratif et juridique, pour mettre des chiffres en face de leur projet" explique Bianca Farrugia.
Une "boîte à outils" qui a bien dépanné Elisabeth Vialettes. Après une carrière de 20 ans comme maman de trois enfants et une expérience de quelques années dans la vente de vêtements en boutique, Elisabeth s'est retrouvée licenciée et écœurée de la "fast fashion", contraire à ses convictions écologiques.
C'est pendant le confinement que le projet est né entre ses mains : le recyclage de bâches en plastiques événementielles en petits objets utiles du quotidien. "J'ai découvert d'infinies possibilités pour prendre soin de la planète".
J'ai rencontré des femmes magnifiques et courageuses, bourrées d'idées, qui comptaient chaque sou pour vivre et ça vous plonge dans la réalité
Elisabeth, membre du programme Source ensembleFrance 3 Provence-Alpes
Seulement voilà, cette quinquagénaire, n'arrive pas à mettre son idée à plat, "les yeux braqués sur les chiffres, dans une forme de solitude". Intégrer le programme lui a permis de transformer son beau défi en une entreprise viable et passer de la production de petites séries à des centaines de pièces. Depuis son retour à l'atelier, elle gagne sa vie grâce à cette activité. Mais n'a pas oublié ces rencontres avec ses sœurs de promotion.
La sororité et la mixité en atout
Un programme gratuit,100% féminin, tourné vers la mixité sociale, ce sont des valeurs non négociables pour Bianca Farrugia. S'appuyant sur des données statistiques, elle s'adresse aux femmes paralysées dans leur projet parce qu'"atteintes du syndrome de l'imposteur, avec une charge mentale importante, une vie de famille", pour leur dire "on va vous faciliter la vie !".
"Nous sommes des battantes et avec rien, nous arrivons à nous en sortir".
Hamida, future gérante d'un restaurant social et solidaireFrance 3 Provence-Alpes
Sororité et mixité, deux atouts majeurs de cette expérience, pour Hamida comme pour Elisabeth. "Entreprendre, c'est faire les montagnes russes en permanence, entre dépression et euphorie, il ne faut pas se laisser aller dans les moments difficiles", conclut Hamida. "Dans la promotion, croiser des femmes en grande précarité, mais tellement déterminées, c’était une leçon de vie".
Pour Élisabeth, la sororité est aussi un moyen de se rassembler dans des valeurs communes, de se serrer les coudes et de "combattre des stéréotypes".
À ce jour, à Marseille, la moitié des 100 femmes qui sont passées par ce programme ont lancé leur activité dans l'économie sociale et solidaire ou la culture. Les autres projets sont toujours en cours de développement.