Avec l'arrivée des températures plus basses, les maladies hivernales font leur retour et certains médicaments sont plus demandés que d'autres. La pénurie est bien réelle et concerne aussi des maladies chroniques. Ce qui inquiète les pharmaciens et complique leur travail.
Depuis de nombreux mois, les pharmaciens et les patients font face à de nombreuses pénuries de médicaments. Selon le président de l'ordre des pharmaciens de Paca - Corse, Stéphane Pichon, "près de 3700 références de médicaments sont concernées". D'autres sont en extrême tension, comme le paracétamol ou encore les antibiotiques comme l'amoxicilline. Face au manque, les patients et les pharmaciens ont recours au système D. Et redoutent les prochains mois.
Des livraisons aléatoires
"Chaque matin, je fais mon marché, au lieu de passer mes commandes", indique Stéphane Pichon. Lorsqu'il expose ses besoins aux grossistes-répartiteurs (intermédiaires entre les laboratoires et les pharmacies), il est obligé de prendre ce qu'on lui donne et non ce dont il a besoin car toutes les quantités demandées ne sont pas disponibles. Et comme ses homologues dans toute la France, il reste suspendu au bon vouloir des arrivages.
"La bronchiolite ne va pas tarder à arriver chez nous, s'inquiète-t-il. Aujourd’hui j'ai reçu 16 boîtes d'amoxicilline mais je vais très probablement les écouler entre aujourd'hui et demain. Je suis sur le site de commande et tout est en rupture, je ne sais pas quand je vais pouvoir faire mon réapprovisionnement".
Les pharmacies disposent d'une liste de toutes les ruptures de stock en cours, et le site Internet de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), recense aussi les ruptures d'approvisionnement. La crainte concerne notamment les pharmacies de garde, comme ce week-end du 11 novembre "les week-ends et jours fériés, les pharmacies de garde prévoient en principe des stocks plus grands pour faire face à la demande, mais comment s'organiser si tout est en rupture de stock ?", s'interroge le pharmacien.
Une plus grande autonomie des officines
Pour pallier les pénuries, Stéphane Pichon préconise une plus grande autonomie pour les pharmaciens. "Ce serait bien que l'on puisse, comme pour les médicaments génériques, délivrer un autre médicament existant dans notre vaste pharmacopée qui pourrait aussi traiter ces maladies, pour la bronchiolite par exemple l'azithromycine est tout aussi efficace", indique le spécialiste.
Mais il déplore le fait de devoir appeler "systématiquement le médecin prescripteur" pour valider le changement. Ce n'est pas de demander l'autorisation qui le contrarie, mais la difficulté pour joindre la médecin. "Quand c'est un médecin en cabinet, c'est déjà difficile car ils sont en consultation et répondent peu au téléphone, mais si l'ordonnance émane d'un hôpital, retrouver le médecin relève du parcours du combattant" détaille Stéphane Pichon.
Des pharmacies-laboratoires "pour éviter le stress"
Heureusement l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament a autorisé 47 pharmacies en France disposant d'un laboratoire à fabriquer certains médicaments. À Marseille, elles sont au nombre de trois, dont une dans le 14e arrondissement aux Rosiers.
Une aubaine pour le pédiatre, Patrick de Boisse, qui n'hésite pas à envoyer ses patients dans cette pharmacie. " Je la conseille aux parents pour éviter le stress de la pénurie". Mais tous les médicaments ne peuvent pas être fabriqués et tous ne sont pas non plus facilement substituables.
"Sur des pathologies chroniques, un patient qui a trouvé le bon dosage et le bon médicament se retrouvera dans un grand inconfort si du jour au lendemain son médicament est en rupture de stock et s'il doit en prendre un autre, comme pour quelqu’un qui souffre d'arythmie par exemple", insiste Stéphane Pichon.
"Les pays les plus offrants seront réapprovisionnés"
Les raisons de ces pénuries sont multiples, comme la guerre en Ukraine. Le pays produisait l'aluminium des emballages de certains médicaments. Ou encore le manque d'approvisionnement de principes actifs dans les usines de fabrication, la délocalisation en Chine et en Inde des usines, et les prix concurrentiels. "Certains pays sont prêts à payer 0,80 centime des médicaments que la France paye 0,20 centime, donc en période de flux tendus, les pays les plus offrants seront réapprovisionnés en priorité, c'est le cas de l'Allemagne", précise Stéphane Pichon.
Les laboratoires pharmaceutiques sont internationaux et ont installé leurs chaînes de production en Chine et en Inde pour réduire les coûts de fabrication et 80% des principes actifs proviennent de ces pays. Jusque dans les années 1990, ces prix étaient administrés par l’État, qui se basait sur les coûts de production. Désormais, ils sont fixés à l’issue d’une négociation entre les industriels du médicament et le Comité économique des produits de santé (CEPS), qui représente l’État. "Et ce sont les médicaments génériques, peu chers qui sont touchés de plein fouet par la pénurie car pas assez rentables", explique le pharmacien.
Macron prône la souveraineté thérapeutique
Le 13 juin dernier, Emmanuel Macron a insisté sur l'importance de la souveraineté thérapeutique et notamment la relocalisation de certaines "usines de fabrication de médicaments essentiels en France".
Il existe aussi des astuces pour contourner aussi les pénuries, il suffit pour certains de franchir les frontières "Dans les Alpes-Maritimes par exemple on conseille aux patients qui ne trouvent pas le médicament en France d'aller l'acheter en Italie par exemple" nous dit Stéphane Pichon, qui reste très inquièt face à cette situation qui ne va qu'en empirant et il "tire la sonnette d'alarme avant qu'il ne soit trop tard, l'Etat doit intervenir et légiférer".